Home Art de vivre Rencontre avec Alexandra Roos : Roos & Roos, se parfumer d’histoires

Rencontre avec Alexandra Roos : Roos & Roos, se parfumer d’histoires

by Manon Renault
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Une gorgée de soleil traversée par une lueur orange: certains parfums sont comme les réminiscences des choses que l’on goûte. Les gammes olfactives de Roos&Roos possèdent ce je ne sais quoi qui donne envie d’en parler comme de précieuses madeleines de Proust. Des biscuits de café, mais que boit-t-on en terrasse en fin de journée ?  » Le Spritz c’était l’été dernier, du Gin Tonic peut-être ? » Feutrée dans le jardin d’Alexandra Roos le bruit des verres qui s’entrechoquent sur les grands boulevards semble loin. Sans s’en rendre compte les embruns marins envahissent l’air «  Vous sentez les notes de sel ? » . Sympathy For the Sun, un parfum d’été, le parfum de l’été de Roos&Roos : car en quelques gouttes il aura déclenché chez chacun l’envie de se raconter, de rêver des étés passés et à venir. Pas besoin de Gin. Sorry Keith R.

La vie d’Alexandra Roos est rythmée d’histoires :  » Parfois je finis par me convaincre que ces histoires ont des odeurs, je les sens ». Une discussion sans demi-mesure, autour de la transmission, de quelques tabous français et des grands artistes qui parfument les esprits.


Transmission et partage

« Alors que je grandissais entre art et musique, ma mère parcourrait le monde avec ses parfums à succès. Nos chemins artistiques ont fini par se croiser (…)Roos&Roos est né » -Alexandra Roos

 

Lancé en 2014, les parfums Roos&Ross appartiennent à la famille des « parfums de niches ». Pourtant ce caractère élitiste ne résume en rien la démarche d’Alexandra et de sa mère Chantal. « Les savoir-faires, les traditions se transmettent, et c’est aussi en donnant la possibilité aux gens de découvrir nos parfums que l’amour des odeurs s’offre à chacun. L’idée de niche : elle est valorisante mais également clivante ». Chantal et Alexandra font parties de ces femmes cultivées aux goûts aiguisés. Elles ne se contentent pas de revêtir les vêtements de la prétention et de pratiquer un art ésotérique. Elles sont avant tout humaine, et souhaitent s’adresser à tous. « Posséder un parfum de caractère ne devrait pas être un luxe ». La carrière de Chantal illustre cet état d’esprit. Elle créer Opium puis Kouros pour Yves Saint Laurent. En 1992, L’eau d’Issey Myake, s’ajoute à la liste de ses succès. Des succès dit « commerciaux ». Alexandra souligne  » Il n’y a pas de mal à cela, au contraire. Commercial est devenu un terme péjoratif. Je ne vois pas pourquoi. «  

« Raconter est un art » 

Chez Roos&Ross le parfum se partage. Pour réaliser cette prouesse, les parfums s’accompagnent d’histoires que Chantal et Alexandra narrent d’une façon unique, atypique quand on pense à l’univers de la parfumerie. Raconter est un art : la parole est le premier vecteur de la transmission des savoirs. Chantal en fait le vecteur de la transmission des odeurs. Si bien qu’en 2014, Alexandra change de partition. « jusqu’à la j’évoluais dans le monde de la musique, j’écrivais beaucoup. Un jour j’ai souhaité partager quelque chose de nouveaux avec ma mère. Raconter des histoires d’une nouvelle manière. Ça tombait bien : des notes il y a en a aussi dans le parfum (…) Mes ballades, qu’elles soient mélodiques ou olfactives sont les fermants d’histoires. Des promenades sur les plages de sables fins, l’histoire de femmes fortes comme des fleurs (…) en rien un paradoxe. Il faut que les graines regorgent de force pour percer la terre. » Un ensemble d’ histoires retranscrites en parfum grâce à Fabrice Pellegrin.

Roos&Ross: Dada d’art

 

« Ross devait figurer dans le nom de la marque :cela évoque plusieurs choses. C’est notre nom, dont la sonorité est une référence à la rose, la fleur la plus populaire quand on pense au parfum, (…) même si nos créations ne se limitent pas à cette case. Loin de là. J’ai également longtemps songé à faire un jeu de mot avec Rrose Sélavy, le personnage féminin crée par Marcel Duchamp. J’admire profondément l’artiste. Une figure insaissisable. Jamais là ou on l’attend. Lui aussi a crée un parfum : « Belle Haleine ». Le rapport à la parole et au parfum des histoires trouve tout son sens! À quelque pas du Café de flore, l’esprit vagabond de Saint-Germain emplit le jardin. De parfums en histoires, Alexandra nous apprend également à ouvrir les yeux. Avant de sentir, il faut regarder les bouteilles. Pour la collection exclusive, chacune sont gravées de dessins qui prolongent l’expérience olfactive. In the Wood For love, une bouteille qui rappelle Braque, un nom emprunté à Wong-Kar-Wai pour reconstruire le rêve d’Alexandra  » Une ballade dans les bois. Comme quand il a beaucoup plu, j’imagine une lueur violette qui se nourrie des odeurs de bergamotes, d’iris. » Puis il y a le damier surréaliste de Oud Vibration. Un flacon à la Dali pour un parfum à l’histoire ancienne. Aujourd’hui un véritable succès « nous avons une version plus douce également dans la gamme classique, mais il est vrai que je préfère les parfums forts, entiers, qui ne fond pas semblant ».  Ces faux-semblants, les simulacres de l’intellectuel, la culture qui habille plutôt que celle qui habite : nous en discutons .  » Je n’ai pas l’intention de vendre des parfums dont le gage de qualité est le prix. La consommation ostentatoire n’est pas le but. Les faux-semblants : c’est quelque chose qui me révolte. Comme certains livres et romans qui se donnent des allures de romans intellectuels…C’est une culture dans laquelle je ne me reconnais pas. » Alexandra est entière et pleine de paradoxe. Elle se laisse mener par son instinct.  » Mentha Religiosa : en faite j ai pensé menthe et poivre. Je l’ai suggéré, sans but, à Fabien. Il a crée un parfum fantastique qui a reçu le prix des experts en 2017. (…)Je l’ai proposé à Béatrice Dalle. Comme elle, c’est un sillage/ personnage dont on se souvient (…) une force immense, si immense qu’elle protège forcément une âme sensible que les gens ne  perçoivent pas, faute de préjugés.  » 

Alexandra plaisante  » Moi aussi j’ai des préjugés. Je m’étonne toujours des titres racoleurs des magazines que l’on vend aux femmes. Mais de temps à autres je les feuillette ! «  Qui a dit que Duchamp et la presse féminine étaient incompatibles! La culture est partout. L’intelligence ne dépend pas de l’objet dont on parle, mais de la manière dont on parle. Avec Alexandra et Chantal on le comprend.

Roos&Roos ballaye les idées préconçues : de la manière de concevoir à la manière d’imaginer l’expérience olfactive.

Retrouver les parfums de Roos&Roos sur leur site, et Instagram.

 

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