«J’ai acheté la carte de Paris imprimée sur un mouchoir. » Karl Gutzkow
D’un côté, une gravure d’Albert Decaris, datant de 1953 et retrouvée dans les archives Dior : une carte des cinq continents qui raconte la Maison et son expansion dans le monde. De l’autre, cette affirmation lue dans Christian Dior et moi, l’autobiographie du couturier : «Une collection complète doit s’adresser à tous les types de femmes dans tous les pays. » Ce sont ces deux inspirations qui guident Maria Grazia Chiuri, Directrice Artistique des collections femme, pour ce défilé de haute couture automne-hiver 2017-2018, qui célèbre les soixante-dix ans de la Maison.
L’atlas symbolise, pour Maria Grazia Chiuri, une envie d’ailleurs, le besoin de voyager pour découvrir le monde et se découvrir soi-même, pour ressentir une émotion, grandir et évoluer. Il rappelle son voyage de Rome à Paris ou son exploration de l’héritage Dior. Turbulente comme les premières exploratrices, qui étaient capables de dépasser les frontières géographiques et mentales, elle est attirée par ces héroïnes et leur manière d’utiliser les éléments de la garde-robe masculine en les mélangeant à des pièces ethniques. Ces tissus d’homme transformés, grâce à la sensibilité de la créatrice et aux nouvelles technologies, en surfaces chatoyantes, en clairs-obscurs, s’invitent sur les vestes, les manteaux, les chemisiers, les combinaisons, qui ressemblent à de petits blousons d’aviateur et s’ouvrent en jupes-culottes plissées. Tandis que le feutre masculin de Stephen Jones, créateur des chapeaux Dior depuis vingt ans cette année, s’inspire de celui d’exploratrices telles que Freya Stark.
Le parcours de ce retour aux origines devient, pour Maria Grazia Chiuri, une topographie des émotions : les couleurs, les fleurs ou les jeux de tarot brodés deviennent eux-mêmes comme des atlas sur des capes et des robes de soirée en tulle et en soie, grises poudrées de rose, ou dans les couleurs nocturnes du velours. Cette féerie, renvoyant à une cartographie imaginaire qui invente et renverse notre point de vue, nous rappelle les tableaux de ces intérieurs aux atlas muraux et aux mappemondes : ils nous racontent la puissance de l’errance littéraire au féminin, pétrie d’explorations culturelles et de style. Pietro Ruffo, artiste avec lequel Maria Grazia Chiuri partage un lien créatif, a imaginé, pour décor, la voûte céleste et la Terre, tracées d’un geste poétique.