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Fashion Week Printemps/Été 2019- Jour 5 Manufacturer Le Suspens

by Manon Renault
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Léon Zitrone incarne à lui seul l’essence de la télévision époque RTF . Pas un sujet ne lui a échappé, passant d’Interville, aux Interviews de Kroutchev avec une grâce divine.  Une phrase légendaire reste « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi! ». Un peu le credo d’Heidi Slimane dont le nom est incontournable en cette Fashion Week. La déferlante de critiques acerbes conduit à une telle production de la part des gens sur les réseaux sociaux qu’il n’est pas illégitime de conclure à un brillant plan médiatique. Se rassembler pour détester : rien de plus fédérateur. Slimane, martyre entretien sa légende : il ne cherche pas à complaire. Finalement personne ne peut jouer les étonnés. Dans une interview publiée la veille par le  Figaro il évoque SES LIGNES, son amour du noir, de la jeunesse, du rock. « On n’entre pas dans une maison de couture pour imiter celui qui vous a précédé ». Alors il n’imitera que lui, et propose une collection ou il se cite. En soi, le geste est surprenant dans une époque ou les designers doivent jouer au caméléon en passant de maisons en maisons au fil des deal financiers. Un autre type de suspens se trouvait chez ISSEY MIYAKE qui a redoubé d’efforts dans sa proposition à la création d’une nouvelle garde-robe. Le suspens est également présent chez  Loewe. Pour les initiés du défilé de  J.W Anderson, il s’agit d’un moment de mode « intellectuel ». L’art contemporain, soit l’art qui se théorise lui-même se fait toujours le miroir de collections qui innovent tout en respectant l’ADN de la maison Loewe. De son côté, Olivier Rousteing et ses paillettes, épaules marqués et années 80 ne surprennent plus. Un peu comme Isabel Marant la veille.

Tous ces jeux de suspens, et d’attentes ne se destinent finalement qu’à une petite frange d’initiés. Pourtant le suspens les surprises qui provoquent des débats dans le champ de la mode, ont des répercussions qu’aucun débat ne prend en charge.  À titre d’exemple ,le retour des slims n’en est pas un pour une grande part de la population, pour qui le cycle de tendance de la mode est différé. À Kiabi il y a toujours des slims. Certaines propositions auront un impact, on l’espère, sur la manière de concevoir les vêtements, le rapport au corp et au genre qui se diffuseront plus rapidement…

Ce qui est défini comme suspens à un moment T, de la fashion week peut-il déboucher sur le récit d’un changement dans les manières de produire et de diffuser les vêtements auprès du grand public ?


CELINE : La mode comme un ready-made

Irrévérence, irrespect : autant de termes qui sont utilisés pour qualifier le show de Slimane chez CELINE. Des robes similaires à celles de chez Saint Laurent et une allure rock qui n’a plus rien à voir avec CELINE. Et alors : le changement n’est pas synonyme d’oublie. Plutôt que de tenter un exercice de style qui ne correspond pas à son savoir,  Slimane laisse Philo en paix et fait un remake de son esthétique sous un nouveau sigle. Une sorte de ready -made, ou les objets ne changent pas-seul leur contexte de monstrations changent. Évidemment ça fait des émules, et les amoureuses de la femme CELINE seraient en deuil. Si le geste de cette collection peut être lu comme un refus de compromettre son style, il peut également être lu comme une critique d’un système de la mode ou les voyages incessants des directeurs artistiques entre les maisons de coutures ont fait perdre tout sens à la profession. Heidi Slimane depuis Dior homme instaure du long terme, sans avoir de maison propre. Il est chez lui partout. Un acte anti-système dans le système ?  Une critique d’une globalisation de la fast- fashion ou tous les vêtements se ressemblent peu importe l’enseigne- d’ailleurs ils ressemblent souvent aux vêtements prêt-à-porter Slimane.

ISSEY MIYAKE : Le design de l’inédit

Pour Caroline Evans, ISSEY MIYAKE appartient à un « paradigme de mode expérimental’-en somme une avant-garde de la mode. Une anti-chambre qui prend le contre pied d’une industrie de la mode qui repose sur un principe incessant de renouvellement. Lorsqu’il invente « A Piece Of Cloth » Miyake redéfinit le découpage du corps tel qu’il est perpétué par le vestiaire occidental traditionnel. Depuis ce premier geste, la marque n’a cessé d’évoluer et ne s’est pas contentée de poser des questions. ISSEY MIYAKE apporte des réponses. Gaspillages, sur-conssomation, et évolution de la place du vêtement dans les sociétés :  la réponse se nomme DOUGH DOUGH. Une nouvelle matière qui « s’entortille, se froisse, se plie, s’étire », le tout LIBREMENT. La maison continue sa quête de libération du corps et écoute son époque. Oui la mode nous écoute , et cela est toujours une bonne surprise.

Un poisson nommé FRANCOISE

C’est sous les traits de Wanda Nylon que Johanna Senyk fait ses premières collections en 2012. En 2016 : elle remporte l’ ANDAM et pourtant elle laisse tomber Wanda. Les premiers frissons ne lui font plus trembler les mains. Des envies nouvelles sont survenues. Plutôt que de les réprimer et proposer une Wanda Nylon frustrée, Johanna crée un nouveau personnage. Sa naissance ? Une rencontre avec un Italien, un savoir-faire autour du cuir, une usine familiale, quelques échanges autour d’une collection de sac, puis finalement une collection entière. Son nom ? Françoise, soit la française et le mythe de toutes les contradictions enivrantes qui font d’elle un personnage intemporel. Inopinée, inattendue et pourtant quand on la voit , elle se présente comme un doux souvenir. Johanna parle de Sagan au volant de sa voiture : l’écrivaine qui conduit -soit rien du stéréotype de l’écrivain. Le stéréotype : voila le noeud de l’affaire. Françoise est une marque qui proposera des vêtements qui ne seront pas les stéréotypes d’une tendance, qui ne seront pas marqués par le sceau d’une saison. « Quand on déménage, on jette tout une tonne de fringues. Ce sont finalement toujours les mêmes que l’on garde. Alors j’ai envie de créer une garde-robe qui dure. Quelque chose que mes clientes construiront au fil des saisons. » Johanna Seynyk, ou l’art de ne jamais ennuyer. La clé dans une mode qui se construit autour de cycles rapides.

Le suspens bouleverse et permet au monde de la mode de rester éveillé tout au long de la Fashion week. Mais au-delà du divertissement, chaque créateurs, chaque stratégies sont autant de propositions pour repenser la vitesse des cycles dans la mode. Et qui sait- tenter de briser auprès du grand public l’idée d’un champ de la mode dont les mots d’ordres sont paillettes et dépenses.

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