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Fashion Week Printemps/Été 2019- Jour 4 Manufacturer le divertissement

by Manon Renault
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Set Off White

« Du pain et des jeux »: les premières notes d’une dictature. Ça commence par un grand ponte qui établit des classes, et décide que la plus démunie économiquement, sera également la plus démunie culturellement. La phrase historique attribuée à Jules César, est devenue une obsession au cours du XXième qui a donné lieu à de nombreuses théories de manipulation des « masses ». Du coup, tout divertissement est devenu le symptôme d’un complot pour aseptiser l’esprit des foules. Le léger est superficiel, la frivolité est dangereuse. Difficile pour la mode de se faire une place en tant qu’objet sérieux: un mur d’apriori l’enferme dans son glamour divertissant. Les imprimés « îles tropicales », la présence des marques de sports, et le retour du jean, dessinent un vestiaire-« vendredi tout est permis ». Un vestiaire irréfléchi ? Se faire une virée des défilés pour se divertir plutôt que réfléchir. Réfléchir et se divertir : les deux sont-ils incompatibles ?- En sommes-nous encore là ? La bourgeoisie parisienne de Chloé se met en scène, la clope presque au bec, dans un effort de « désambourgeoisement » cool des plus réfléchit. Chez Paco Rabanne, l’évocation de l’orientalisme n’est pas un simple spectacle esthétique. C’est également un voyage des plus précis dans les aspects méconnus du travail de Paco Rabanne – notamment le bois. Le retour massif des années 80, -les derniers instants avant la sentence SIDA, se traduisent chez Isabel Marant par une répétition de ses classiques- épaules marqués, Short courts, taille haute…

Festif, divertissant, sensuel– Un triptyque qui donne au champ de la mode une allure d’aporie cérébrale. En 2018, il y a les marques qui se sont perdues comme simple divertissement, tandis que d’autres ont intégré et réfléchi la culture de l’entertainment.  Comment s’établit la répartition ?

 


Y/PROJECT: Le nouveau décontracté

Avec Y/Project, c’est un champ de la mode qui explore les cultures undergrounds, les scènes musicales en sous-bassement et les limites du « bizarre » dans un style toujours maximaliste auquel le public se confronte. Adorer Y/Project fait sans doute parti d’un style en soi, qui permet de se distinguer des moutons qui ne jurent que par les maisons « classiques ». Le style imposant aura pu perdre certains. Avec cette collection Glenn Martens revient à plus de simplicités sans perdre l’aspect réfléchit : les jupes deviennent des pantalons et vice-versa. Plus épurée, cette collection se laisse admirer plus facilement- commerciale ne serait pas une insulte. Au contraire : il faut ouvrir l’accès à chacun. 

MANISH ARORA : Fun 4.0

« Girls Jus Wanna have fun » : Manish Arora propose de mettre en action l’hymne de Cindy Lauper avec une garde robe remplie d’accessoires divertissants, dont l’utilité ne fait plus réellement sens. L’accumulation, exacerbe la légèreté et l’amusement. L’exercice de style va plus loin: Manish Arora parvient à intégrer dans ses lignes, les éléments qui signent sa collaboration avec l’équipe de foot du Paris Saint Germain. Il ne plonge pas dans un sportwear cliché. L’exercice contemporain de la collab sport se fond dans la collection qui explore nos nouvelles formes d’établissement des canons esthétiques. La culture des emoji, la sémiotique Instagram et ses filtres qui transforment les visages en ceux d’animaux fantastiques; s’illustrent dans le maquillage des mannequins. Une performance autour d’une culture de la nuit dont l’aspect divertissant permet à chacun de se libérer des identités inférées par le genre et la classe sociale. Le chemin vers le Ru Paul’s Drag Race.

Off-White : post-spotwear

Robes à froufrou, robes manteaux, teinte citron amer : une nouvelle exploration de ces images de mariages princiers meringués anglais. Déjà Virgil Abloh avait rendu un hommage à Lady Dee – première princesse people, et ses robes aux manches ballons dans ses collections précédentes pour Off-White. Continuité stylistique,mais également incorporation d’une collaboration avec Nike dans un décor « Track and Field » (Athlétisme) ou les médailles d’or du mannequinat contemporain rencontrent les médailles d’or tout court. On pourrait encore une fois saluer le parcours de Abloh : la manière dont il parvient à ne pas se laisser enfermer dans le récit du mec issu de la scène hip hop qui fait des colabs avec des marques de sport-parce ce qu’il serait en somme logique de le faire. En réalité, il faut saluer l’audace insufflée par Abloh:  dessiner des collections dont les lignes obligent à sortir des lignes classiques des récits qu’on ne questionnaient plus. Le message mode, le message cool s’entremêlent parfaitement.

Pour faire de la mode, aussi légère soit-elle , il faut se faire expert. Des coupes, des matières mais aussi de ce que la tradition fait dire aux vêtements pour les mener vers d’autres possibles. Glenn Martens et Virgil Abloh travaillent avec l’aspect entertainement que revêt la mode pour déconstruire les stéréotypes communs. Alors du Pains et des jeux, mais pour nourrir l’esprit.

 

 

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