Home ModeLa mode de manon Rencontre avec Sylvain Fischmann, directeur artistique de RIVES : Le costume, un fétiche masculin ?

Rencontre avec Sylvain Fischmann, directeur artistique de RIVES : Le costume, un fétiche masculin ?

by Manon Renault
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RIVES est un label de costumes sur-mesures impulsé par Sylvain Fischmann en 2016. Son rôle: directeur artistique, bâtisseur ou comme on aime le clamer en 2018: un entrepreneur. Sylvain ne conçoit pas simplement des vêtements, mais un service et une esthétique qui se déploient de la vitrine aux finitions des costumes. En bref RIVES est une philosophie de vie : une déclaration d’amour aux savoirs-faire, mais aussi à la modernité. La conjugaison d’entités qui s’apparente à une contradiction : pourtant c’est une évidence. Si la mode enchante constamment, c’est qu’elle est fondée de ces ambivalences avec lesquelles les grands designers aiment jouer. Sylvain a fait des codes du tailoring classique son laboratoire et propose des costumes aussi audacieux que sobres, sans jamais être banal.

« L’ADN de RIVES ? Savoir-faire et service traditionnel avec une démarche créative et moderne. »

Sylvain travaille à l’intérieur des codes : un respect de l’histoire du vêtement qui l’autorise à mieux délivrer le costume de son aspect conventionnel. Imaginer avec ses clients, les pièces sont uniques et intemporelles : c’est d’ailleurs dans cette optique que le nom de la marque à été choisi. «  Je voulais un nom qui évite qu’on se sente à l’étroit. Dans RIVES le pluriel symbolise l’ambivalence entre la modernité et la tradition, (…) . Rive droite, rive gauche : on pense Paris, mythe de la ville éternelle au pouvoir d’attraction qui n’a jamais diminué:  intemporel, international « .

 RIVES ? c’est à chacun de donner un sens au mot (…)je pourrais vendre des skateboards comme des parapluies(…) d’ailleurs on y a déjà pensé ! »

Avec Rives tout devient possible. En discutant avec Sylvain, on le comprend. Virgil Abloh, les réseaux sociaux, balance ton porc, ou l’art de la broderie : on en parle avec sérieux mais aussi humour dans la boutique du 23 rue Pasquier

(Pour découvrir l’univers de RIVES :RIVES – Costumes sur mesure Paris )


Codage et décodage du costume

« Il existe plein de codes. L’important est de les assimiler, les apprendre avec soin. Ensuite, seulement ensuite, tu peux choisir de les respecter ou pas. Choisir de t’en affranchir c’est créer de nouvelles choses ». Déployer la créativité: un projet que Sylvain veut approfondir en proposant une nouvelle collection « Lab » qui viendra enchérir les parties Casuals et Business« Un endroit pour s’amuser, dire aux clients : vous avez une idée, venez on le fait ensemble ».  Sylvain a fondé le système de RIVES afin de pouvoir prendre des risques. Les pièces proposées en vitrines sont déclinables à l’infini puisque c’est plus de 8000 tissus que RIVES propose aux clients. Les clients s’inspirent des prototypes en boutique, puis créent leurs propres gardes-robe. 1 client =1 costume » Mon dernier client souhaitait enlever les boutons de manchettes : pas de problèmes. Je ne veux pas que l’imagination des clients se retrouve asphyxiée par une gamme restreinte de modèles à vendre en boutique ».

Alors il devient intéressant de se demander : qui des directeurs artistiques ou des clients tiennent le plus aux codes. Chez qui les apriori sont-ils les plus forts ? Sylvain évoque deux clients, aux profils tout à fait différents : » pourtant tout les deux portent des pantalons tailles hautes. Une chose encore accolée à une image vieillotte il y a quelques années. » Derrière ces mots, Sylvain soulève quelque chose d’important: ce ne sont pas les codes qui changent mais la manière dont on les lit.

Les tradition: codées par des dates, et des verbes conjugués au plus-que-parfait.

Sylvain tire les fils des savoirs-faire pour dire la continuité, montrer que les ruptures ne sont jamais totales.« J’aimerais véhiculer davantage l’histoire du costume, du tissu, des techniques. Cette histoire, RIVES ne l’a pas, mais les gens avec qui on travaillle l’on. Comme Dormeuil, une maison fondée en 1842 (…), mais aussi la maison Piacenza qui travail le cachemire avec une connaissance unique depuis 1783. (…) Je suis attaché à toutes ces histoires ». Une transmission qui se traduit par une chasse aux savoirs-faire. Sylvain écume les salons, observe, apprend. « La broderie française est un art: je vais participer à sa conservation » . Une démarche qui demande du temps alors que l’exigence de production, de réussite individuelle traduite par un nombre de likes s’abat sur une société névrosée par la vitesse ? 

À la recherche de la qualité, en quête d’authenticité.

Passer le fils dans le chas de l’aiguille : un geste qui demande du temps, de l’attention. Quelque chose qui déconnecte en somme. Prendre le temps : un luxe offert par RIVES. Un engagement qui s’associe à celui de la qualité.

La modernité pousse t-elle à délaisser la qualité ?  « On est abreuvé d’histoires de gens qui vendent des millions : cela donne l’impression que tout est facile. Tu ne vois jamais les dix années de travail derrière ».  Être une star ? une promesse de réussite démocratisée qui n’est pas sans failles. « Avec Instagram on est sans cesse soumis aux chiffres : je pense que c’est d’autant plus dure dans cet air de surveillance constante de réussir un projet sur le long terme : on peut voir les gens disparaître, d’ailleurs le roulement des stars est permanent. J’ai l’impression que les grandes icônes se font de plus en plus rare ». Dans l’univers impitoyable de la mode c’est un peu la même mélodie qui se joue. La danse des directeurs artistiques au sein des grandes maisons de luxe depuis ces trois dernières années donne le tournis.  » S’il y a une nomination que je retiens c’est celle de Virgil Abloh ». Logique: Abloh travaille dans les sous-sols de Fendi, diplôme d’architecture dans la poche de sa blouse d’apprenti créateur, pendant de nombreuses années avant d’éclater avec Off-White. « Cette nomination est un statement (…) ce n’est pas une simple collab, c’est un acte qui officialise la cohabition des codes streetwears et des codes du luxe. Les univers ne sont pas statiques. »

Dans la boutique le client peut lui aussi hybrider les codes, mais pour cela il doit oser sortir des cadres. Le travail de Sylvain s’apparente à une véritable maïeutique. Un processus qui détache RIVES dans le panorama du service à la carte. Par sa franchise, Sylvain nous offre ce sentiment de proximité qui invite à se confier. De fait il propose un sur-mesure pour le corps et l’esprit. Un sur-mesure qui se mesure à l’imagination de chacun.« On n’est pas des vendeurs. On aime qu’en découvrant nos vêtements, les clients se découvrent. Il existe plein de profils. Avec certains je passe des heures. Ils aiment venir, et apprécient la démarche traditionnelle. Les vêtements sont pour eux des investissents à long terme, alors il faut être sûr. Je les accompagne. »

RIVES est un univers : on propose aux gens de l’écrire avec nous.

Acheter un costume devient un engagement; ça se travaille comme une relation de couple. Du coup de foudre avec un modèle, au corps-à corps avec le tissu, on quitte la sphère marchande de la consommation pour renouer avec l’authenticité d’une émotion : quoi de plus humain ?

« Je déteste acheter quelque chose dont je ne vais pas me servir (…)Quand je dois acheter, je fais ma propre étude de marché. Je veux quelque chose d’unique, fait pour moi »

Le goût des belles choses; un droit humain

« J’ai une passion pour les belles choses : que ce soit les costumes , les gestes (…) je n’ai pas envie de proposer trois t-shirts dans un sac plastique à 40 euros: j’ai envie de faire une vraie proposition ». Sylvain frôle les vêtements par des gestes qui trahissent un certain fétichisme qu’il assume totalement. Parler du nombre de points par centimètre sur une chemise, des techniques de confections relève d’un discours amoureux. Un regard masculin sur un objet imaginé comme secondaire, frivole: une nouvelle loi des regards? Qui a dit que la mode été une affaire de femmes ? Sylvain ne pense pas en terme de genres : » Certains stéréotypes persistent encore. Mais à Paris l’excentricité vestimentaire ne se trouve pas là ». Pourtant les inégalités qui régissent l’actualité semblent dire le contraire:  » Je pense en terme d’humains. J’ai été élevé dans l’idée du respect : tout humain est mon égal. Hommes ou femmes peu importe(…) J’observe #Metoo, la violence médiatique me dérange (…)Je ne souhaite pas être dans la condamnation d’un camps ou d’un autre. Pour moi l’objectif aujourd’hui c’est réintroduire le civisme, compter sur le sens commun des gens. »

Paris permet à Sylvain d’entretenir sa liberté. Tout en travaillant dur, il tend à démocratiser l’art du vêtement. Ce ne sont pas les modes qui l’intéresse, mais le rapport intime entre les êtres et le tissu qui recouvre leurs peaux.  Pour s’engager, il faut aimer : en permettant à chacun de matérialiser ses fantasmes vestimentaires, Sylvain offre une réalité aux récits des créateurs fous qui animent la science-fiction.

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