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Here We Are : quand Burberry se réfléchit depuis Paris

by Manon Renault
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Images : hommage à ce qu’on appelle l’humour anglais 

Peut-être que du haut des anciens locaux de Libération on aperçoit les falaises de craies blanches de Douvre. En tout cas, tout Paris s’est rué sur les toits pour voir sa ville, mais aussi découvrir les paysages britanniques. Du 26 au 4 février dernier, s’est tenue l’exposition « Here We Are ». Des photographies, des courts-métrages et des conférences avec un brin de Kensington, de jaune Jelly, de tailoring et épingles à nourrices. Occasion de jeter un oeil sur les hybridations laines, plastiques et dentelles de la dernière collection été 2018. Soit la dernière collection de Christopher Bailey qui depuis 2001, n’a cessé de réinscrire l’ADN de Burberry dans des projets de modes, de cultures, et de techniques plus larges. Cette exposition signe toute l’audace d’un créateur qui n’a pas simplement rendu à Burberry ses trenchs mais lui a redonné vie.

La vie : elle traverse les trois étages, et de manière métaphorique, traverse les trois classes. La vie: celle de la garde royale ,des gamins qui jouent au foot, des concierges artistes, des femmes aristos en bottes en caoutchouc. Entre les flaques de bière dans les pubs criant du rock gras, et les glass de Whisky du Mermaids Tavern : une Angleterre complexe et multiple s’expose. Une vie à l’anglaise qu’on fantasme, car on l’imagine tellement différente de celle vécu en France: un fantasme qui remonte bien avant l’ère des mini-jupes et du mariage de Kate et William.

Retour sur l’événement: du choix des photographies aux discussions avec les artistes et journalistes présents.

Dans les locaux désaffectés de Libé, les embruns de la Manche piquent les yeux et remplissent de fraîcheur. La Grande-Bretagne quand on la vit depuis nos locaux : magique…


À l’heure du thé : la première gorgée de bière

Du salon de thé, au verre de champagne : il n y a qu’un pas. Comme passer du collier de perle Lady Dee au Doc Marteens Skinhead.  Être à la fois Posh et Ginger (Halliwell); les britanniques : des revirements incessants. Loin de donner la nausée, cette obsession de l’extrême semble faire vivre le pays. La journaliste et écrivaine Sophie Fontanel évoque ces jeunes filles complètement saoules, aux vêtements trop serrés « ça déborde de partout » : ce que Fontanel dit, c’est qu’elles sont sublimes car débordantes de vie, d’indépendances face aux diktats d’une beauté orchestrée par le regard masculin. « La parisienne n’ose pas les couleurs » nous dit-elle dans un sublime cardigan jaune citron acidulé,  » il faut que la sexualité s’installe pour qu’on se libère dans la mode (…) La française met sont image au service de la séduction -l’anglaise elle s’en fout ». L’abandon : une piste du style anglais ? 

« Il y a des costumes Bowery, ils ont l’air d’être tachés d’urine et de dégueulis, mais, si on les examine de près, on se rend compte que ce sont des broderies subtiles, fils d’or fins, et il y a des costumes de clochard faits du plus beau lin » (William Burroughs, 1969)

Les extrêmes traversent l’exposition : des clichés d’éviers aux clichés de transsexuels. Dans l’architecture, dans la musique, dans la vie nocturne : les opposées s’attirent constamment. Chez Charles Phillips les immigrés jamaïcains embrassent des jeunes filles de bonnes familles. Le multiculturalisme à l’anglaise ou le jardin à l’anglaise d’Andy Sewell : des friches pleines d’audaces. Pourtant dans ce monde utopique, les inégalités sont encore présentes. Ironique ? Les chavs, dont Burberry s’est distancé au milieu des années 2000, pour cause de mauvaises publicités, sont finalement de retour. Ils sont là, dans les casquettes et les écharpes de la collection proposée par Gosha Rubchinskiy. Au delà de ça, c’est aussi un monde d’hommes. Fontanel explique  » la mode anglaise et adaptée au temps ( vestes croisées..) mais surtout elle est faite pour les hommes ». Une masculinité présente dans les portraits de Ken Russell ou Alasdair McLellan autour du thème de la « corectness ». Un monde d’homme transcendé dans le portrait de Jean Rayner par Ken Russel- a « Bomb site Boudicca ».

Le style anglais : en tout point extrême ? En tout cas libéré du désir de plaire. Si les cultures juvéniles n’ont cessé de s’opposer, Dick Hebdige montre que entre haine et amour, elles se sont inspirées « on peut réinterpréter l’histoire des cultures juvéniles de la Grande-Bretagne à partir des années 1950 comme une série de réponses différenciées à la présence des immigrants noirs sur le sol britannique » ( Dick Hebdiges, Le sens du Style).Franchir les frontières sociales, raciales : avec la musique comme  trait d’union? 

La musique : le mouton à cinq pattes de la culture stylistique française ?

La musique n’est pas absente : un personnage à part entière. Le journaliste Joseph Goshn parle du  lien entre la musique et le style anglais lors d’une intervention baptisé  » Love Will Tear Us Apart ». Un clin d’oeil à Joy Division, et Ian Curtis qui selon la légende, a mis fin à ses jours avec comme fond sonore  » The Idiot » d’Iggy Pop. Entre légendes et styles vestimentaires, la musique est partout.

Un été de 1976, Londres est frappé par la canicule. Un désordre climatique qui se traduit rapidement dans des émeutes. Le carnaval de Nothing Hill dérape: de ce chaos né une créature étrange, le punk .

« croisant les échos pailletés de David Bowie et du glitterrock, la rage des groupes protopunks d’outre-Atlantique (les Ramones, les Heartbreakers, Iggy Pop, Richard Hell), le son gras du pub rock londonien inspiré par la sous-culture mod, le revival des années 1940 de Canvey Island, la puissance du rythm & blues du Southend (Dr Feelgood, Lew Lewis), le beat de la soul britannique des années 1960 et les syncopes du reggae. » ( voir Dick Hebdige, Le sens du Style) .

FESTIVAL PUNK DE MONT DE MARSAN AOUT 1977 – MICHEL ANDRE ( X )
©ANDRE MICHEL/SUD OUEST/MAXPPP (MaxPPP TagID: maxpeopleworld672716.jpg) [Photo via MaxPPP]

Soit un mixte entre les échos sauvages du reggae, le rythm&Blues Londonien, les legs du rock’n roll et la nothern Soul. 

On comprend également à quel point la musique est vectrice d’identité quand on écoute le photographe Brian Griffin. « Je n’aimais pas les groupes que je photographiais, mais grâce à eux mes photographies se propageaient chez les disquaires : la meilleure des publicités » .

Au coeur de la vie britannique, la musique rythme la vie des jeunes. La liste des subs-cultures est dingue à faire. Toujours ancré dans des disques, des scènes locales, des radios pirates : le style britannique et un hymne. Peut-être un des manques du style français : une absence de cultures juvéniles, d’audace, de radios pirates. Un trop de Salut les copains, et pas l’idée d’aller piquer du tissus et des riffes aux autres.

Roule à gauche et garde ta droite : que reste t-il du style Anglais ?

« What Became of the likely Lads « – The Libertines

Blow Up antonioni

Attention, la désillusion guète. Comme dans Blow-up d’Antonioni. Plus le photographe agrandit l’image pour résoudre l’énigme, plus la réponse s’éloigne. Dans un même temps, la jeunesse insouciante et les photographes de mode semblent moin glamours qu’ils n’y paraissent. Brian Griffin n’a plus vingt ans et les groupes de rock sont « So Boring to him ». Pourtant il reste ce jeune homme qui rêve de devenir peintre, un peu Bloody mind, porté par ses émotions. Il explique que pour créer, il a constamment besoin du sentiment qu’il peut échouer. Alors parfois il se le crée.

Au bord du gouffre, le secret du style anglais ?

Nadège Winter vient de créer  @twenty.magazine . Le lien amoureux des 16-25 ans au style anglais ?  Entre la nouvelle génération et  » la terre du punk, du glam, du clubbing, de la saint martins et des flee market ». Une réponse qui nous montre que la magie du style britannique prend encore… 

La reine, le rapport à l’homosexualité, Kate Moss qui relooke Doherty, et tous les moutons des lands : des thématiques qui traversent les histoires du style anglais et sont, en réalité nos propres histoires de styles- de vies.

 


Une marée de trenchs, mais aussi de doudounes en velours, de longs manteau, et blousons en peau de mouton a crée, par la lumière des téléphones, un barrage lumineux au panorama parisien. Plus que jamais Paris est Instagrammé. Paris rayonne : c’est peut-être ça toute l’immensité du style anglais, le génie de Burberry par Bailey . OUI- la Grande-Bretagne et belle est bien Royale.

Ref : Dick Hebdiges

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