Pré/couture avant /propos
Au fil des années, les robes de Haute Couture se sont exposées dans les musées, cloîtrées dans des casiers futuristes semblables à des abris anti-nucléaires pour être conservées. Gardées précieusement, comme des livres ou des tableaux : ces pièces sont désormais reconnues comme les traces d’un art. Les fossiles vestimentaires de notre civilisation. Face à tout ce procédé, on finit par se demander : la Haute Couture se porte t-elle encore ? Qui met des tailleurs en perles, des robes en orgenza et des costumes de satin ? Les vêtements de Haute Couture sont-ils encore vivants ?
La Haute couture est souvent ramenée à un privilège : un rêve peu démocratique dont la mise sous cloches résoudrait tous les problèmes. L’idée ici, n’est pas de tirer dans les musées. Ils permettent d’admirer en détails toute la précision des travaux des grands couturiers. Pourtant à l’exposition Azzedine Alaïa– qui se tient 18 rue de la Verrerie, Paris; le corps est partout. Les robes sont comme vivantes. Elles portent en elles, les corps puissants qui les ont portés. Des Naomi, des Cindy. Pour cette dernière journée les corps recolonisent la Haute Couture. Ce corps que la société à cherché à discipliner, à réduire à l’état de machine, renoue avec la vita érotica. La haute couture outrepasse les moeurs, l’auto-discipline ambiante, et met sur le devant des corps qu’on croyait disparus. Ceux des femmes sorcières : des corps qui possèdent des savoirs qui perturbent.Chez Hyun Mie Nielsen ou Christophe Josse le chamanisme est porteur de fantasme. Le corps étiqueté vieillissant, ou différent : d’autres exclusions qui sont mises à mort chez Maison Rabih Kayrouz. Des femmes dont les corps sont donnés comme centrale dans le métier ( la danseuse Marie-Agnès Gillot) , et des femmes perçues comme des esprits– quitte à ce que leurs corps soient désavoués ( Sophie Fontanel) se croisent sur un podium plein de couleurs. Chez XUAN couture , un corps hybride, un corps conteur d’histoires s’avance dans des tenues dont les lignes « sont les formes de mon language » selon Xuan-Thu Nguyen .
Un musée vivant de l’histoire du vêtement est proposé chez RVDK Ronald Van Der Kemp : des robes sculpture d’Azzedine Alaïa, aux inspirations westerns en passant par les costumes couture de Yves Saint Laurent. Chez AF VANDEVORST le corps reprend ses droits avec une collection qui évoque les symboles des luttes. Le vêtement devient corps politique.
HYUN MI NIELSEN : les corps des savoirs vaudous
Dans les années 70’s, les mouvements féministes font des sorcières un symbole de rébellion. Des corps à la frontière de l’humain et du mystique. Des esprits à la frontière de la vie et de la mort : soit, des choses irrationnelles. Au cours des siècles, les corps des sorcières sont brûlés, comme pour débarrasser le monde de sa substance magique. Hyun Mi Nielsen maîtrise l’art de la récupération: au delà des chutes de tissus, des coquillages et des sonnettes; c’est toute la magie des temps passés qu’elle récupère. Une collections baptisée Mensch qui fait traverser la Louisiane et la Nouvelle Orléans pour retrouver Marie Laveau. Le tout en chaussures plates ou bottes blanches signées Zoe Lee.
CHRISTOPHE JOSSE : les corps des croyances
Un nuancier de beige, des couleurs ocres qui rappelle la terre. Des toges à pompoms et des bijoux imposants habillent les cantatrices Christophe Josse. Des femmes à la fois divinisées et diaboliques. Les reines d’un monde qui se laisse encore subjuguer sans méfiance, qui se laisse séduire : avant que le corps ne soit plus qu’un outil mécanique et quantifiable dont les trensses inspirent des punitions divines.
MAISON RABIH KAYROUZ : Les couleurs comme corps de la sobriété
Le Liban : un pays qui remporte beaucoup de succès cette saison. Chaque créateurs proposent une définition personnelle de ce qu’est la Haute Couture. Loin de rester cantonné au stéréotype d’une couture opulente, Rabih Kayrouz présente une collection aux pièces sobres et élégantes. De longues silhouettes pleines de couleurs, habitées par des esprits dont l’ âge ou le métier importent peu.
La haute couture reste en chant de bataille. Une guerre ou le fantasme et les rêves sont en proient à la morosité. La femme est-elle l’avenir de la haute couture ? Qui sait . Peut être est-ce tout simplement le corps. Un corps débarrassé de sa classe sociale, ou de son genre. Un corps qui n’est plus emprisonné par les catégories du quotidien. Un corps qui s’autorise le rêve. Un corps qui a envie. Natalie Portman, Orlan , Azzedine Alaïa, Guo Pei ou Hyun Mie Nielsen : toutes voix apportent une partie de la réponse. Plus que la femme, l’avenir de la haute-couture ce sont les corps qui désirent la porter, qui désirent la comprendre, la créer, la soutenir, la dessiner ou la filmer. Des corps qui en la pensant, ne la réduisent pas à un cauchemar de chiffres, d’heures de travail et de millions de dollars, mais la laisse être un rêve indiscipliné.
La haute couture : redonner vie aux vêtements inanimés. Pour cela il faut les doter d’un corps et d’une âme. Alors que ce soient les fantasmes d’un petite fille aux robes meringues, de princesses champêtres, de déesses grecques, de surréalisme, de conquêtes de terres inconnues ou le retour des icônes sexy et glamour des années trente ou quatre vingt, les vêtements doivent trouver spectateurs qui acceptent d’entrer dans leurs univers. Si certains rêves semblent usés, à force d’être répétés, de nouveaux prennent places. Pas de bonnes ou de mauvaises écoles « Dans la couture (…) les créateurs trouvent une liberté incomparable et beaucoup plus de visibilité », explique Kuki de Salvertes à Fashion Network, dont l’agence Totem soutient une variété de talents animés de désirs pluriels depuis plus de vingt ans.
Place aux envies
Quelques conseils
Azzedine Alaïa « Je suis un couturier » jusqu’au 10 juin 2018
Association Azzedine Alaïa
18 rue de le Verrerie, 75004 Paris
Qu’est-ce que la Haute couture?
Loïc Prigent, 2016 (Arte Doc)