Fairy Tale – Hélène Zimmer
P.O.L – 17€
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FAIRY TALE. Difficile de ne pas être sensible, voire « aimanté » par le titre. Ça risque de « pousser des tribunes » et on va en prendre, dans la gueule. C’est le premier roman d’Hélène Zimmer, actrice, réalisatrice et, scénariste française, qui s’est fait connaître en 2014 avec son court-métrage « A 14 ans », qui racontait au jour le jour la vie de trois jeunes filles dans leur dernière année – avant le lycée.
Zimmer est née en 1989 et, nous parle dans son bouquin d’une génération qu’elle connaît bien et dont elle maîtrise contours et artères : la sienne. L’entrée est violente, les portes plus défoncées qu’enfoncées, la vie qui flanche. On se retrouve piégé, sans prises avec un quelconque espace de respiration et de détente. Ça tempête sec, sans fioritures ni manières. On s’aime mais on se parle très mal, le « putain de sa race » y est régulier.
Via cette famille de cinq : Coralie, Loïc, Popo, Titi et Lulu, Zimmer se pose en observatrice de toutes ces familles qui « misèrent » et vivotent – dans la durée. Tape ton like si ça te permet d’oublier un peu que la vie sera rude. Langage cru, mots dissonants, chômage contextuel et non transitoire, on lutte à vivre et on avance quand même dans le couloir. Pas besoin d’aller très loin pour connaître ou reconnaître ce que Zimmer donne à lire.
Coralie et Loïc se sont rencontrés jeunes, ils ont fait trois enfants – sans perdre de temps. Faire des enfants, c’est merveilleux, cette impression de faire tapis au poker et de voler le sublime essentiel à une vie trop compliquée et répétitive. L’homme de la maisonnée, le patriarche, est est fin de droits au chômage, et dans quelques semaines les indemnités s’arrêtent. Alors pour le sauver lui, et surtout tous les autres, soi – un peu – aussi, Coralie l’a inscrit, sans son aval, à cette émission de télé réalité FAIRY TALE qui trouve des jobs inespérés à des perdants de la vie.
Et voilà comment, par un beau jour, les caméras vont investir leurs minuscules vies. Elles sont braquées sur la misère du monde, elles en veulent plus, elles grattent la merde, pour tirer au clair, la mettre en lumière et la montrer aux autres. On demande à voir. C’est ça, on demande à bien voir. On détermine des séquences gagnantes, on prédéfinit des plans, on s’accorde sur des images qui fouettent. On réclame certaines paroles. A cette famille abîmée qui crie un appel, la télé réalité répond en les donnant en pâture au monde. Coralie ne tombe pas. Du début à la fin, elle (se) tient. Sorte d’héroïne contemporaine, flamme vacillante et vaincue, mais qui ira jusqu’au bout.
Elisa Palmer