Le couturier allemand Bernhard Willhelm défraie la chronique depuis quelques années pour ce qui est de proposer des collections extravagantes, aux mises en scène peu conventionnelles. En effet, celui-ci ne fait pas dans le sobre et la démesure et préfère assembler les couleurs vives et grands volumes. Cette année encore, ce fut le cas. C’est au Palais Brognard que le créateur a pris ses quartiers. Le long d’immenses couloirs, nous pénétrons dans son univers coloré qui ne manque pas de surprendre. Un moment fixé hors du temps, certains modèles avancent comme sur l’asphalte embrumée du satellite lunaire, d’autres sont tout simplement affalés à même le sol. Munis de sac à dos couleur aluminium, nous avons l’impression de nous retrouver à des années-lumière de la terre. Le temps nous échappe, et nous ne voulons plus quitter ces corridors remplis de surprises illustrant la créativité débordante de Bernhard Willhelm. La musique confère à l’atmosphère la quintessence de la plainte. Dans leurs mains les modèles tiennent des bocaux remplis de photos effrayantes, parfois des portraits d’eux mêmes, des tableaux saccagés, ou encore un balais enfermé sous vide dans un plastique. Des couleurs criardes, de nombreux motifs : africain, navajo, army, ainsi que d’épaisses rayures, des combinaisons, des franges et une collection de basket remarquable. Le maquillage est incroyable et confère aux modèles un air blafard. Nous avons l’impression de faire un bond dans l’histoire et découvrir des hommes préhistoriques qui auraient traversé les siècles, détenteurs des secrets les plus inavouables de l’univers. Un véritable anachronisme. Nous saluons la prouesse artistique du créateur qui, je l’espère, n’a pas fini de nous surprendre.
Sophie Farjon