Il vous faudra nous tuer
Natacha Boussaa
Paris, Temps clair,
Mardi 26 Avril 2011,
Malgré son titre très percutant « Il vous faudra nous tuer » (qui, on l’apprend par la suite, n’est qu’un léger remaniement d’une citation de Chateaubriand), le livre – à peine commencé – était resté à sa place, au coin du lit, comme oublié pendant de (trop) longs mois. Inutile d’essayer de chercher plus longuement les raisons qui poussent un jour quelqu’un à reprendre ce qui jadis a été prématurément arrêté. Il n’empêche qu’en tout état de cause, j’étais passée à côté de quelque chose.
Un premier roman, qui adopte un ton vif, franc et direct, et qui – on peut le dire – ne s’embarrasse d’aucune fioriture. Un peu comme cette jeunesse, figure centrale du livre de Natacha Boussaa, qui s’évertue au fil des pages à dire un gros merde à la société. Nous sommes en France, en mars 2006, le fameux CPE (ou plus explicitement le Contrat Première Embauche) met le feu aux poudres, réveille l’ire des jeunes (et pas que…) et les invite à gagner le pavé.
On y suit de très près Lena, 27 ans, étudiante en Lettres (3ème cycle), hôtesse d’accueil dans une entreprise (pour financer ses études), mais qui se cache pour lire Antonin Artaud parce que la littérature, et plus globalement le livre, prennent pour autrui des airs un peu troubles et suspects. On la découvre parmi sa joyeuse bande de potes, composite et bigarrée, avec leur semblant de choix, dans un monde qui s’interroge et s’inquiète à tout rompre face à une précarité ambiante et une insertion professionnelle plus qu’hasardeuse.
« Cette simple difficulté à accéder à un logement et à un emploi a rejailli sur le reste de nos vies. Ma génération a « pris le pli » et cette impuissance nous a rendus craintifs. Craintifs de tout. Désormais, quitter son compagnon est une vraie prise de risque. Tenter une expérience, une folie. Les circonstances nous ont rendus dépendants, timorés, lâches. La conjoncture nous a châtrés. Oui, ma génération a gagné une liberté de moeurs considérable, mais elle a aussi perdu le droit à l’expérience. » (pages 72-73)
Un roman de liberté et de résistance, sanguin comme on aime, qui dresse le portrait d’une jeunesse aux abois dans une société à deux vitesses, à la fois libre dans ses moeurs, parfois même écoeurante et dépravée à l’excès, et pourtant séquestrée dans un monde qui ne permet plus l’expérience d’une vie.
Ambitieux de rage et brillamment revêche.
Elisa Palmer
Il vous faudra nous tuer
Natacha Boussaa
Editions Denoël
16 €
6 comments
L’auteur donne une ITW ici : http://www.dailymotion.com/video/xg2gc3_interview-natacha-boussaa-il-vous-faudra-nous-tuer-roman_news
Le livre est chouette, j’ai adoré.
« Ambitieux de rage et brillamment revêche. » Du Grand PALMER.
Mai 68, c’était quand même autre chose.
Solène,
PS/Merci pour cet article qui m’interroge.
Un ouvrage dont je me suis sentie être l’héroïne.
Merci Elisa,
Fanny
Un premier roman réussi.
Marc
J’aime vraiment votre article. J’ai essaye de trouver de nombreux en ligne et trouver le v?tre pour être la meilleure de toutes.
Mon francais n’est pas tres bon, je suis de l’Allemagne.
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