Dans les sous-sols en rénovation du Palais de Tokyo, le duo de créateurs londoniens Aganovich nous offre pour sa cinquième collection un formidable camaïeu de bleu dans une collection exclusivement bleue. De l’invitation au lieu même du défilé avec son mur éclairé d’une douce lumière bleutée, le bleu est omniprésent : lys, cobalt, azur, outremer, nuit, marine, cyan voire Klein… Blue Moon me vient soudainement à l’esprit.
Cette collection automne hiver 2011-2012 riche en asymétries est un assemblage de textures, de pièces vestimentaires et de bleu qui retracent l’histoire de cette couleur à travers les âges. Chaque tissu absorbant de manière différente et singulière le même pigment, Nana Aganovich et Brooke Taylor nous proposent alors un intéressant dialogue visuel entre le tissu et la couleur à travers de véritables essais chromatiques sur une multitude de tissus différents.
Avec une scénographie originale débutant sur une version remastérisée de la musique de l’Exorciste, les silhouettes sont présentées par tableau de cinq avec une unité visuelle et sonore différente, d’abord mise en lumière avant de sombrer dans l’obscurité. De premier abord simples à l’élégance discrète, elles deviennent rapidement plus complexes et plus travaillées, multipliant superpositions, asymétries et jeu de découpes.
Chaque modèle se révèle être un véritable patchwork de matières et de couleurs, tel un puzzle vestimentaire que la composition stylistique de chacun aura la charge d’assembler. La maille se marie à merveille avec le denim ou le velours côtelé. Les soies et satins se révèlent auprès d’un velours un peu plus ras.
Le premier tableau nous rappelle étrangement les blouses et les denims des ouvriers aux formes simples et fonctionnelles. Le cheveu est lissé en une basse queue de cheval, le maquillage est épuré, le bleu souligne le regard.
Pour le second tableau, Aganovich nous propose une variation sur la robe sans manches, qui devient de plus en plus longue au gré des passages. La silhouette est fluide presqu’aérienne.
La maille apparaît dès le troisième tableau sous la forme d’une robe pull ample. Les jeux de superpositions sont timides mais certains. Le patchwork de matières s’affirme de plus en plus.
Les silhouettes se font soudainement plus audacieuses. La femme Aganovich adopte une coupe de cheveux très Rykiel et ose des formes plus structurées, moins consensuelles.
Des silhouettes de néo-écuyères sont l’expression la plus puissante de ce puzzle vestimentaire. Affublées de chapeaux-melons portés sur cagoule, ces écuyères du 21ème siècle portent collants blancs et ont un goût prononcé pour les superpositions. Ici, une veste asymétrique recouvre une robe droite qui est, elle-même, dominée par une jupe ouverte. Les matières se mélangent et la taille est soulignée d’une fine ceinture.
Pour l’automne hiver 2011-2012, Aganovich nous propose une collection moderne, structurée et très graphique, déclinant parfaitement leur concept de « puzzle vestimentaire ».
Crédit photos : © Patrick Stable
Marie-Odile Radom