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Perpétuel Paradoxe de Rashid Rana au Musée Guimet

by Marie Odile Radom
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Quel est notre rapport à l’image ? Et si chaque image qui s’offre à nous était en fait double, comme si la réalité n’était pas tout à fait certaine  et unique ? C’est à cette question que l’artiste Rashid Rana apporte des éléments de réponse à travers son art. Mais c’est définitivement à nous de tenter d’y répondre en totalité.

Le Musée Guimet présente jusqu’au 15 novembre 2010 l’exposition « Perpétuel Paradoxe » proposant pour la première fois en France une vingtaine d’œuvres déroutantes de l’artiste contemporain Rashid Rana, considéré comme le plus grand artiste pakistanais contemporain : montages de photographies numériques, sculptures ou encore  installations vidéos. Ces œuvres sont dispersées dans la collection permanente du musée, offrant l’occasion exceptionnelle de confronter art contemporain et oeuvres asiatiques millénaires du Musée Guimet, questionnant ainsi la tradition et ses « illusions de permanence », les temps profonds et les temps contemporains.

Cette exposition Perpétuel Paradoxe s’inscrit dans l’actualité du musée Guimet dédiée au Pakistan, dont l’exposition « Pakistan – Terre de rencontre-(Ier-VI ème siècles) les arts du Gandhara » en cours jusqu’au 16 août 2010, est l’occasion unique en France de venir découvrir 200 oeuvres gréco-bouddhiques caractéristiques du Gandhara, mêlant art classique grec et art indien, dans une fusion des genres et des styles. Cette double actualité autour du Pakistan offre l’opportunité unique d’une confrontation entre patrimoine ancien et création contemporaine d’un art encore peu connu en France, confrontation oh combien intéressante, les bouddhas, les livres anciens et les habits traditionnels se mélangeant à la modernité dans une danse millénaire.

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Peintre de formation reconnu et passionné par la photographie,  Rashid Rana s’est donné pour mission de documenter les paradoxes de la vie quotidienne et le choc des civilisations. Depuis une dizaine d’années, l’artiste âgé de 42 ans a choisi de travailler l’image digitale, lui permettant d’associer dans une même œuvre des éléments opposés par micro-incrustations de détails photographiques et pixellisation de l’image. En associant le vu et le non vu, l’artiste souligne les antagonismes qui se jouent entre les cultures et pointe la responsabilité de ceux qui fabriquent les images d’aujourd’hui en jouant un rôle dans la construction des traditions de demain… « En ces temps incertains, nous avons perdu le privilège d’avoir une vision du monde sans équivoque. Aujourd’hui, chaque image, chaque idée ou chaque vérité comprend en même temps son contraire » explique l’artiste.

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Rashid Rana a donc choisi de construire une réalité à partir d’autres. En assemblant une multitude d’images pour au final en créer une nouvelle, l’artiste bouscule nos perceptions. Il nous force presque à aller vers son œuvre, à vouloir voir au delà de la première image qui peut paraître banale à première vue. Et là, ébloui et effrayé parfois, le spectateur voit apparaître une autre réalité, plus forte, plus troublante même. C’est ainsi qu’un montage de miniatures de photos devient l’image d’un précieux tapis d’Orient, avec ses figures habituelles et ses subtiles variations de rouge et de noir. Mais en s’approchant, on s’aperçoit que les multitudes photos constituant la trame de l’image sont des prises de vues d’abattoir en plein activité, scènes violentes où les moutons en troupeaux passent un ultime mauvais quart d’heure. Il s’agit par ailleurs de scènes volées dans l’abattoir de Lahore, ville du Pakistan où est né, vit et travaille Rashid Rana. De la même manière, l’oeuvre « Twin », évocation de loin des tours jumelles du World Trade Center est en fait composée d’une mosaïque de toutes petites photos illustrant la vie quotidienne à Lahore, quand deux mondes si différents se rencontrent et se  parlent.

Rashid Rana rend également hommage à l’art occidental à travers la reproduction de la célèbre toile de Gustave Courbet « L »Origine du monde » composée d’une multitude de photos dont je vous laisse deviner la nature. L’artiste a voulu montrer l’aspect novateur du cadrage de cette toile : « Alors que ses contemporains représentaient toujours des scènes dans leur totalité,  Courbet, dit-il, a été le premier artiste à utiliser la technique du zoom« . Qui plus est, lorsqu’on sait que cette toile était en fait cachée sous une autre, ce clin d’œil s’avère très puissant car il représente à lui seul l’idée de ses œuvres : le détail et la vérité derrière l’image.

Desperately Seeking Paradise photo ©Vipul Sangoi

A travers ces modifications de perception, Rashid Rana souhaite avant tout faire appel à notre esprit critique. Il existe toujours deux dimensions aux choses, comme deux visions d’un même aspect qui se construit selon le background du spectateur et le contexte aussi. Il suffit de voir comment une image sortie de son contexte peut être utilisée d’une toute autre manière et c’est aussi ce que l’artiste veut mettre en exergue. L’artiste aborde ainsi plusieurs thèmes comme la violence, le sexe, la peur et le souvenir en utilisant toujours le même procédé : l’image devient le pixel d’une autre image. Mais très souvent l’image la plus forte n’est pas la plus évidente. elle se trouve noyée parmi tant d’autres mais reste tout de même visible.

L’art d’une époque cherche à rendre compte de sa réalité. Ce qu’il reste des civilisations anciennes est sans doute l’expression de ce qu’elles voulaient laisser derrière elles. Mais il est vrai que la réalité de notre temps est criblée de contradictions, de contrastes, de conflits qui marquent notre existence. Affrontement des civilisations, confrontation des cultures et collision des intérêts façonnent notre monde. Alors, notre réalité est façonnée, lissée pour en devenir fade parfois ou encore plus effrayante. Les actualités sans cesse nous le rappellent mais Rashid Rana via son art nous appelle à la vigilance. Gardons les yeux ouverts pour voir au delà de la réalité de notre temps. Mission réussie pour ma part.

Musée Guimet :
6, place d’Iéna- 75116 Paris
Tel : 01 56 52 53 00 – www.guimet.fr
Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10 h à 18 h.

Certaines œuvres sont susceptibles de heurter la sensibilité.

Entrée 7,50€ / 5,50 €

Marie-Odile Radom

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