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L’Atelier du Sartel : créateurs de l’ombre

by pascal iakovou
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Collaboration avec Mango
Collaboration avec Mango

L’Atelier du Sartel, c’est la possibilité pour des marques de luxe comme pour des enseignes de grande distribution de confier à  des spécialistes leur ligne de maroquinerie.

A l’origine de l’Atelier : Vincent du Sartel. Diplômé en ébénisterie puis en design industriel, il est, pendant plus de dix ans, responsable du studio maroquinerie chez Louis Vuitton puis directeur artistique de Loewe, à Madrid. En 2003, le créateur lance sa propre marque de sacs et commence à travailler en freelance pour d’autres enseignes. Cette activité finit par prendre le dessus. Vincent s’entoure alors petit à petit de quatre autres personnes, dont trois créateurs issus de formations différentes, certains venant de la mode (Saint Martins School, IFM), d’autres du produit ou encore du graphisme. Leurs approches différentes permettent une création complète, très aboutie, où chaque détail est parfaitement maîtrisé.

Du brief à la production…
L’équipe de Vincent du Sartel propose une palette de services « à la carte ». Elle peut même apporter des conseils au niveau des distributeurs et des fournisseurs. Son rôle peut s’arrêter à l’analyse des tendances, à un premier cahier d’idées, mais, en général, elle est chargée de la conception dans son ensemble. L’équipe s’imprègne ainsi de la marque, de ses silhouettes puis conçoit des produits en adéquation avec son esprit tout en apportant de la nouveauté. « Nos clients ont besoin d’être surpris. La valeur ajoutée créative est très importante, il n’est pas question de leur fournir un produit auquel ils s’attendaient. On vient épauler, associer notre propre vision de la maroquinerie à la leur. C’est une sorte de gymnastique mentale. Plus on en fait, plus c’est facile. »
Le brief du client est rarement précis ; les créateurs possèdent ainsi une grande liberté d’action, ce qui est plaisant mais peut également s’avérer dangereux. Pour être sûr de ne pas partir sur des malentendus, l’équipe établit un cahier des charges de la marque telle qu’il la perçoit : son positionnement, ses produits, etc. Une fois qu’il a été validé, les créateurs se plongent dans les recherches de tendances liées à l’environnement de la marque pour déterminer un axe de travail, l’univers de la collection. Si le client le désire, ils passent ensuite à la conception : ils dessinent – à la main – à l’échelle 1, les modèles envisagés. Habituellement, ils réalisent ensuite des prototypes, en cuir ou en salpa, une matière synthétique qui est l’équivalent pour la maroquinerie de la toile pour le prêt-à-porter, ou à partir de modèles vintage. La matérialisation des modèles permet au client de comprendre l’idée rapidement. Parfois, quand l’équipe et le client ont l’habitude de collaborer, le dessin peut suffire. C’est le cas notamment de Zegna, avec qui ils travaillent depuis trois ans. Enfin, il y a un grand travail de développement dans les usines du client – si c’est un maroquinier ou une maison qui est déjà structurée pour la production – ou dans les usines recommandées par l’Atelier du Sartel.

Jana. Atelier de maquettes.

Jana. Atelier de maquettes.

Prototypes en salpa

Prototypes en salpa

Des marques de luxe à la grande distribution
En France, l’Atelier du Sartel a encore de la peine a s’imposer. Aujourd’hui, son seul client français est la prestigieuse maison Zilli. L’équipe a en revanche déjà largement conquis l’Italie. Dans le cadre de sa collaboration avec la maison Zegna, elle s’occupe de la maroquinerie (excepté les souliers) des lignes Ermenegildo Zegna, Z Zegna, toujours très haut de gamme mais destinée à une clientèle plus jeune et plus orientée mode, et Zegna Sport ; trois marques très différentes possédant chacune ses propres codes. L’Atelier travaille également avec Serapian, une marque familiale un peu confidentielle qui fut l’apanage de la grande bourgeoisie milanaise.

Par ailleurs, une belle collaboration s’est mise en place avec Davidoff , qui a lancé une collection d’accessoires et objets allant de la montre au stylo, en passant par le sac de voyage. Davidoff est déconnecté de la mode : la marque propose des produits permanents qui reflètent son identité première. Vincent apprécie les collaborations avec les enseignes à caractère familial. « Contrairement aux grandes marques dont la structure de société met des barrières entre le produit et l’homme, au sein d’une petite entreprise, le propriétaire est directement impliqué. Il y a plus d’émotion. Or, ce sont les projets les plus émouvants qui sont les plus intéressants. »

Ermenegildo Zegna, Martin Margiela, Zilli, Davidoff, autant de maisons prestigieuses que l’Atelier du Sartel a su accompagner avec brio, en s’adaptant à leur univers et à leurs envies tout en les surprenant. Mais l’Atelier aime s’enrichir en travaillant avec des clients variés et est tout à fait ouvert la grande distribution. C’est ainsi que Mango a fait appel à l’équipe de Vincent dans l’optique de proposer des sacs à la fois haut de gamme et abordables. Elle était chargée de concevoir des sacs qui puissent être vendus au prix maximum de cent euros.. Un défi pour Vincent et son équipe, habitués à l’univers du luxe. « A travers cette expérience j’ai pu mesurer à quel point, au niveau des consommateurs, la frontière entre luxe et grande distribution est ténue. Pour les professionnels qui conçoivent les produits, les choses restent encore très inscrites, dans la mesure où l’on ne dessine pas un modèle pour Mango comme pour une marque de luxe et où l’on ne produit pas non plus de la même façon. »

L’approche a donc été complètement différente. La grande difficulté pour les créateurs a été la contrainte budgétaire. Il a fallu revoir à la baisse les premières idées, mesurer tous les détails car, dans la grande distribution, chaque centime compte. Il faut prendre du recul sur le produit, analyser la valeur d’usage et la valeur d’aspect, c’est-à-dire questionner chaque détail pour être sûr qu’il est indispensable au style ou à la fonctionnalité du modèle. C’est en cela que cette expérience a été très exigeante, mais en même temps très enrichissante pour l’Atelier du Sartel. « Ce qui était intéressant pour moi, c’était de m’affranchir de mon expertise du luxe, qui peut être un frein. En fait ça a contribué à casser une sorte de barrière psychologique. En travaillant pour la grande distribution, on fait preuve d’une fraîcheur qui est moins évidente que lorsqu’on travaille dans notre univers habituel. Ce genre d’expériences nous incite à regarder hors-cadre. »

A l’heure actuelle, l’Atelier travaille sur la prochaine collection Zilli. Des modèles Davidoff , Zegna et Mango sont disponibles en magasin. Toutefois, inutile de chercher le nom de l’Atelier sur les modèles, il n’apparaît jamais. L’équipe crée au nom d’une marque. Quelques maisons, Serapian par exemple, aiment citer l’Atelier du Sartel dans ses catalogues. Mais Vincent n’y tient pas. « Cela permet d’éviter que l’on vienne me chercher pour mon style. On fait appel à moi pour mon expertise, ma capacité d’adaptation à des univers différents. »

Seul regret de Vincent du Sartel : ne pas se voir plus souvent confier la conception de produits autres que des sacs, des chaussures notamment, comme c’était le cas chez Loewe. Espérons qu’il pourra vite se libérer de son carcan et nous aider à trouver chaussure à notre pied…

www.atelierdusartel.com

Isabelle Huber

Collaboration avec Ermenegildo Zegna
Collaboration avec Ermenegildo Zegna
Collaboration avec Ermenegildo Zegna
Collaboration avec Ermenegildo Zegna
Collaboration avec Mango
Collaboration avec Mango
Collaboration avec la Maison Martin Margiela
Collaboration avec la Maison Martin Margiela
Collaboration avec la Maison Martin Margiela
Collaboration avec la Maison Martin Margiela
Vincent du Sartel
Vincent du Sartel, dans le studio de création de l’Atelier, une charmante maisonnette nichée dans un petit coin de campagne à Saint-Cloud.

VDS4

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