Il y a quelques jours, nous plongions dans l’antre de Monsieur Lutens pour un voyage olfactif des plus étonnant. Artiste parfumeur, Serge Lutens réussi l’exploit de nous surprendre à chaque création avec des parfums uniques par leur complexité. Ce parfum d’une finesse et délicatesse est encore une fois une surprise olfactive d’une douceur étonnante.
LAINE DE VERRE, CINQ QUESTIONS À SERGE LUTENS
1°) Serge Lutens, vous nous présentez votre troisième Eau, Laine de verre !
La confrontation avec un nom, un titre, est déterminante. Sans nous connaître, lui et moi faisons la moitié du chemin qui conduira à notre face à face. C’est seulement après lui, que nous nous reconnaîtrons et que nous nous livrerons les clefs de notre enfer. Laine de verre, c’est la rencontre de deux opposés qui, cependant, sont complémentaires. L’un est transparent, cassant autant qu’une vérité, prenant tout au premier degré, du plus haut au plus bas centigrade. De l’autre côté, la laine. On la tricote, on en fait des mailles qui descendent un maillot ; parfois, elle gratte. Prise au mot, la laine de verre est aussi un isolant.
2°) Isolant de quoi, de qui ?
De quelque chose qui est ressenti comme un danger. Sans que je me l’explique, je le pressens. Il monte comme la venue d’une scène de ménage entre mon féminin et mon masculin. Sortie de ses gonds, elle ouvre ses portes au cri interné d’un fou, ou à l’exercice acharné d’un physicien ; une eau rageuse, orageuse. Elle provoque l’éclair de la création. Elle vibre, c’est une peur ; de sorte, elle la franchit. En lui-même, s’il est muet, le parfum-produit ne m’intéresse pas. Réciproquement, c’est un aveu que de lui j’attends et que, de moi, il souhaite.
3°) Vos derniers parfums La fille de Berlin et sa rose de métal, puis La vierge de fer et enfin L’Eau,
Laine de verre, évoquent une facette métallique. Est-ce une coïncidence ?
La fille de Berlin, c’est l’argent d’une rose se dressant sur le silence de la neige. C’est sa résistance
qui me captive. La vierge de fer, c’est la religion du fer, autrement dit, celle de la volonté et en somme de sa victoire. Cette fois, avec Laine de verre c’est le métal qui, physiquement, prend corps dans la senteur. Ce n’est pas sans raison que l’image d’un guidon chromé, attaché à la barre de direction
d’un vélo, sur laquelle afin d’accélérer sa course, l’enfant se penche et ainsi, en rapproche le nez, qui tout à coup m’a dépassé.
De la source à l’embouchure, l’acier d’un filin tend cette eau. Ce n’est pas en retrouvant des souvenirs
maculés de nostalgie qu’on remonte notre histoire, mais plutôt, avec des figurations vivantes, qui à toute vitesse, rafraîchissent au présent le passé, et de fait, au plus intime de nous-mêmes, nous font plonger.
4°) Lorsqu’on observe les visuels attachés à vos Eaux, on est loin des représentations habituellement
liées au parfum. Pourquoi avoir fait le choix de cette simplicité ?
Je sais faire la différence entre un Bourgogne et une eau minérale. Un choix graphique ne vaut que s’il nous rend à nous-mêmes ou, en tous cas, à une part de ce nous, même.
5°) L’Eau Serge Lutens, c’était la propreté, L’Eau froide, la fraîcheur, en un mot, si vous deviez
définir Laine de verre ?
Un affrontement avec sa moitié. C’est clair : il y a rivalité, mais si cette eau est la conséquence d’un conflit, elle n’en est pas moins pure. Un désaccord entre le féminin et le masculin n’est pas une rupture ; il éclate et – condition obligée à toute oeuvre – en résulte un accord…
Ainsi, c’est seulement après qu’il eut été traversé par l’hiver que, rendant les armes, le Seigneur de Verre vint aux pieds de la Dame de Laine, déposer fleurs et fougères qui sur lui, avaient givré.
LAINE DE VERRE
100ml – 105 euros
50ml – 75 euros
Disponible au Palais Royal – Serge Lutens, en parfumeries et grands magasins et sur le site www.sergelutens.com