Il y a quelques jours nous découvrions Astier, l’une des institutions « canaille » de l’est parisien, récompensée d’un Bib Gourmand et du titre de Maître-restaurateur, poursuit sa destinée – celle d’une authentique « table à la française » – avec le talent du Chef Stéphane Corcessin. Une adresse authentique, qui ravira les palais les plus exigeants !
« Un restaurant ne vit qu’à travers la mémoire de ceux qui le fréquentent. Le repas se mêle à l’intimité de chacun et c’est à chaque fois un moment de vérité. On ne peut pas tricher. » Frédéric Hubig
Cette maison inaugurée en 1956 et reprise 50 ans plus tard par Frédéric Hubig – l’auteur à succès de la Marée Jeanne et des restaurants – caves à manger Jeanne A et Jeanne B – poursuit sa cure de jouvence depuis l’arrivée du Chef Stéphane Corcessin. Bien décidé à hisser les assiettes à leur plus
haut niveau. Plus gastronomiques, plus exigeantes mais toujours accessibles, fidèles à la personnalité de cette illustre maison de quartier. « C’est encore plus gratifiant d’anoblir des assiettes avec une cuisine de marché et des produits qui touchent le plus grand nombre » justifie le Chef.
Une suite logique à l’évolution du cadre puisqu’après avoir gagné en convivialité et confort (lambris, chaises tonneliers, tables marquées du sceau de la maison…) et sans rien perdre de son ADN, ce « bistrot de famille et d’amis » s’est offert un petit supplément d’âme et de chic, propres aux brasseries confidentielles avec des banquettes en velours, un éclairage plus flatteur au bar, d’épais rideaux à l’entrée pour mieux préserver l’intimité des lieux… Comme les brasseries d’une autre époque, ce rendez-vous s’articule désormais autour d’une somme de détails : un vrai comptoir accessible aux petites faims, des globes de verre Biot dénichés aux Puces, des murs qui semblent patinés par les années et un carrelage graphique typique des années 50. La plupart des trésors qui participent à cette atmosphère intemporelle ont été chinés ici et là, comme le coq qui a fière allure sur le zinc ou la pendule, sortie tout droit d’une salle à manger bourgeoise.
Une table à la Française
En poussant la porte d’Astier, on mesure la convivialité d’une sorte d’auberge citadine. Une table vivante, où s’installent les locaux et touristes qu’on ne trompe pas : les assiettes en porcelaine made in France siglées Astier, les serviettes en coton à carreaux, leurs ronds, les laguioles aux noms des habitués (Jean Nouvel, Robert Guédiguian, même celui de Mick Jagger attend son invité), des torpilleurs et des petites cocottes fumantes qui arrivent directement sur les tables… ‘Ici, on cuisine’ prévient Frédéric Hubig qui se veut « passeur » d’histoires et d’une assiette libérée de ses lourdeurs.
« C’est un exercice d’humilité que de s’approprier une maison historique » prévient-il. Le devoir de mémoire demeure mais la cuisine domestique a laissé place à une cuisine bourgeoise, plus élégante, qui adoube les techniques de la gastronomie d’aujourd’hui. Les légumes ont retrouvé leur place à côté du carré de porc ibérique, du pithiviers de pigeon vendéen et du rouget grondin. Les jus ? Turbinés, centrifugés, ils ont remplacé les sauces. Les cuissons, elles, baissent d’un ton et chantonnent à basse température.
Quelques rituels
Les harengs marinés, pommes rattes en vinaigrette
Les fines quenelles de volaille
Le plateau d’une quinzaine de fromages affinés par un Meilleur Ouvrier de France !
La côte de veau de tradition française pour deux personnes
Le Baba au Rhum et son verre de Chantilly
Le quart d’heure des initiés
Il n’est pas inscrit à la carte, mais bien connu des habitués qui guettent le moment : celui où l’on vient annoncer en salle que quelques soufflés au Grand-Marnier ont démarré leur croissance. Les premiers qui réagissent sont les premiers servis. Un délice présenté à table dans son moule de
cuisson en argent – seul garant d’une chaleur parfaitement diffuse – et commandé sur-mesure. Une signature de la maison.
La carte des vins, une vraie « nature »
C’est l’une des grandes fiertés de la maison et là encore, Frédéric Hubig veille aux grains. En privilégiant, c’est vrai, les terroirs du Rhône et de la Bourgogne. De Gramenon, l’un des tout- premiers vignerons à travailler des vins naturels, à l’extraordinaire Côte Rôtie de Gangloff que l’ontrouve sur les tables étoilées, la carte alterne une belle confidentialité, de grands classiques desCôtes de nuits, des grands crus et châteaux Bordelais et la volonté tout dernièrement, d’enrichir ceterroir de vignerons choisis pour leur belle maîtrise de la vinification « naturelle ». Comme Thierry
Allemand à Cornas, Alexandre Bain et ses Pouilly-Fumé ou encore Stéphane Tissot et ses vins de Jura que les amateurs se disputent.
Stéphane Corcessin, le Chef
Enfant du quartier – il a grandi à quelques numéros, près des métallos -, Stéphane Corcessin a toujours vu en Astier une institution, le repère d’une gastronomie généreuse et bourgeoise. Clin d’oeil du destin, après avoir approfondi la cuisine de bistrot avec Eric Fréchon, puis au Villaret et
avec sa propre adresse, c’est au piano de cette maison iconique du genre qu’il apporte toute son expertise depuis quelques mois. En équilibrant la carte au plus juste, avec des poissons, des volailles, des abats et plats en sauce qui caractérisent l’éclectisme de notre héritage « canaille ».
Anoblissant du même coup les assiettes en les guidant vers un terroir moins attendu, en réduisant les quantités, allégeant les sauces, osant le travail des textures. « On peut surprendre sans quitter le registre du bistrot. Bien au contraire, cette typologie de cuisine permet beaucoup de choses et notamment une certaine sophistication puisque le service, lui, n’est jamais empesé » dit-il. Résultat, le ris de veau est à la réglisse, le mi-cuit de saumon est aux fruits secs et curry rouge…
Frédéric Hubig, l’âme d’un épicurien
C’est parce qu’il a acquis une solide expertise chez les plus grands – l’Hôtel du Palais à Biarritz, le Meurice à Paris… – et piloté lui-même l’aventure chez d’autres plus petits, qu’il est prêt à se recentrer enfin sur ce qu’il aime depuis toujours – la cuisine – quand il se décide à offrir une seconde
jeunesse à Astier en 2006. Un vrai défi et le début d’un parcours passionné depuis, avec notamment la création de ses deux adresses au concept authentique – les restaurants-caves à manger Jeanne A et Jeanne B – puis l’inauguration en plein Montorgueil d’une table iodée décomplexée, La Marée Jeanne. Son motto : (se) faire plaisir, sans tricher. «La convivialité ne s’improvise pas, ça se cuisine». Tous les jours.
Restaurant Astier
44 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
Ouvert tous les jours, réservations au 01 43 57 16 35
www.restaurant-astier.com