Une marque, une histoire, une expérience : des mots adjoints de manière quelque peu routinière dans des millions de récits publicitaires. Tout se ressemble au rayon savoir-faire dans les mégastores pub’ de luxe. Alors les vieux regards accoutumés aux néons des cavernes, se crispent quelque peu quand jaillissent les rayons du soleil. Derrière l’obélisque mordoré du marketing , se cache un doux espoir. Celui de faire oublier le prix dérisoire des vêtements, et de les vendre sous la promesse d’une expérience. Non, ce n’est pas un vêtement qu’on achète, mais l’expérience d’appartenance. Seul le symbole compte: le climax de cette théorie serait la réduction du vêtement à un logo. La culture du symbole a-t-elle remplacé la culture matérielle ? Le vêtement n’est plus que son ombre, choisi pour la présence d’une marque, plutôt que sa présence pure et simple ?
Face à ces pensées pessimistes il suffit de prendre une gorgée de soleil. Atelier Mimii éblouit, et aveuglera ceux qui pensent encore que la mode n’est pas grand chose- ou tout du moins un grimoire frivole. Marta Rios exerce dans l’ombre, mais avec une démarche solaire qui replace le vêtement au coeur de la conception. Colorés, plein de tulle, de velours, les pièces de cette seconde collection ont la capacité de stopper. D’arrêter le regard et de suspendre un instant la frénésie ambiante pour imaginer un récit ou le vêtement, dans sa simplicité, se suffit. Des pièces qui occupent l’espace, qui sont comme des projections multidimensionnelles, d’un vêtement réduit à l’unidimentionalité d’un symbole idyllique de la société capitaliste. Marta Rios par son geste redonne matière au vêtement et offre matière à penser. Son processus de création est en soi une manière de lire une histoire de la couture dans un monde global fait de traditions locales.
Le fait-main, le réinvestissement du temps long; les voyages dans les cultures, dans les pays mais aussi comprendre les métiers de la mode et recycler les chutes de tissus : autant de point discutés alors que la pluie bat la terre derrière les fenêtres.
L’atelier Mode, Atelier Monde
Orange Mimii (0- 10 heures)
Tout est fait-main : c’est le coeur des collections. Chaque couleur symbolise le temps exigé à la confection. Une manière de signifier la vie derrière le vêtement mais surtout de symboliser de façon concrète le temps passé à confectionner. Chez Mimii, une main intervient à chaque étape : celle de quelqu’un qui respire, qui pense, qui parfois se trompe. « Même les étiquettes sont cousues main(…) il n’y a plus que dans les friperies de vêtements de prêt-à-porter des années 70 que l’on peut encore trouver cela » . Les mains de Marta Rios, ont frôlé les tissu du monde entier « Ma famille est espagnole, j’ai été au lycée au Luxembourg, et j’ai fait l’Istituto Marangoni à Paris. J’ai vécu en Chine, en Inde. Je crois que je ne suis jamais restée plus de 4 ans dans une ville « . Les voyages se lisent dans les vêtements » Ces visages sont des symboles de joie en Chine, ici ce sont des dessins fait par des enfants en Inde ». Le tartan écossais se mêle aux couleurs de drapeaux africains, et les petits sacs bleus percés de blanc comme un ciel ou les nuages s’estompent, rappellent que peu importe la fenêtre, le ciel est le même pour tout le monde. Pourtant la France aime à refaire l’histoire de la mode depuis ses fenêtres Hausmaniennes.
Jaune Mimii ( 20-40 Heures)
Le mythe du couturier Européen, est perpétué dans une histoire qui réduit les autres manières de construire les vêtements à des exotismes, des vestiges des sociétés traditionnelles. La prouesse de l’Europe moderne et d’avoir fait naître le désir du changement. Une prouesse dont elle se lave bien les mains aujourd’hui en réinvestissant le temps long-le temps du luxe, pour ce distinguer de la Fast-fashion. Marta évoque les ateliers Lesage, ou elle a passé beaucoup de temps à manipuler les perles et les aiguilles. « J’ai beaucoup appris(…) Cela instaure patience et rigueur ». Si le fait-main est au coeur d’Atelier Mimii, l’ellistisme haute-couture et hors-cadre. » On peut courir avec ces robes (…) ce ne sont pas des parures livides. Les vêtements doivent être confortables, et adaptés à toutes les activités, toutes les aventures qui peuvent survenir dans une journée! « Les pièces de la collection épousent le meilleur de la couture laissant la morosité sur le trottoir. En quelque sorte, un Yellow Washing de la couture.
« Je ne porte jamais de noir. J’aime quand quelqu’un me sourit dans la rue. Juste un sourire. Peut être que cela permet de faire sourire les esprits, rien qu’un instant. »-Marta Rios
Rouge Mimii (80-150 heures)
« En Chine ces visages sont les emblèmes de la joie, et c’est ce que je désire susciter avec mes vêtements : de la joie. (…) Cette robe est l’une de mes préférés, on retrouve des broderies à l’intérieur des manches, et bien sur le jaune qui rompt l’horizon(…) c’est ma couleur préférée ». Parler de voyage, ne doit pas se réduire à des diapos de paysages : comprendre les gens, la manière dont ils vivent nourrit bien plus qu’une idyllique image de carte postale. « Ces symboles crytalisent une philosophie chère à ce pays. Le rapport culturel au vêtement est différent en Chine (…) J’avais l’habitude de choisir le tissu de mes vêtements (…) Ce n’est pas comme ici (…) on va choisir son tissu, ça ne coûte rien, et quelqu’un vous fabrique le vêtement. » Une manière de ne pas utiliser plus de tissus que nécessaire. » Je suis espagnole et je vais chercher mes tissus là-bas (…) je choisis et fait attention à la quantité. Je déteste gaspiller, alors les chutes de tissus deviennent des sacs ». Fibre éco-responsable : non. Juste un geste naturel, un geste sincère qui s’effectue par une personne aguerrie par de nombreux voyages, et une culture qui fait rougir.
Bleu Mimii (40-80 heures)
Entre mars et mai 2010 Marina Abramovic a passé 700h assise sur une chaise . Une performance intitulée « The artist is present ». Marta est en quelque sorte la Marina Abramovic du vêtement. Sauf que ce n’est pas elle que l’on poserait sur une chaise mais l’une de ces robes, pour dire » non la mode n’est pas réduite qu’à des symboles. Elle est présente. »
Marta vit au gré des vernissages, des séances de cinéma et des expositions. Inconsciemment elle réincorpore cela dans ses créations. « Beaucoup de retours évoquent la théâtralité des pièces. ( …) Oui , pourquoi pas, chacun émet sa lecture ». Sur scène l’acteur est présent, le vêtement est en vie. Chez Atelier Mimii l’acteur devient vêtement. Spectaculaire. Sans même être portées, les pièces sont déjà emplient de vie. Une vie ou le rêve fait partie des réalités. D’ailleurs la conversation commence sur David Hockney. » Ses tableaux dégagent une telle puissance, son travail avec la photographie, cette volonté de recomposition du réel avec un procédé qui défit la réalité me passionne ». Au détour de la collection des réminiscences d’ Henry Matisse font surface : pourtant c’est différent. » Oui je dessine beaucoup, chaque pièce vient du dessin d’un personnage. » Marta dessine des visages remplis d’histoires. Ils ont cet air inquiet des tableaux d’Otto Dix, mais les couleurs et la multiplicité des histoires oblige l’oeil à recomposer l’espace. » David Hockney avait compris que la peinture, ce n’était qu’une dimension, alors il cherchait un moyen de télescoper tous les angles de vues d’un même objet en une planche. Ce qui donne un relief « magique » à son travail ».
Vert Mimii (10-20 heures)
La mode : un phénomène social construit des mythes culturels, et participant à des imaginaires collectifs, soit une culture qui se lit à l’orée d’idées souvent intronisées comme européennes. Chez Atelier Mimii les frontières entre espaces et temps ont disparues. Que Matisse cotoît Otto Dix dans un dégradé de velours javellisé, les rêves sont des Blue Velvet, qui constituent le vêtement bel et bien présent -celui qui se touche, se palpe et se pose sur la peau.
Maria a synthétisé ses voyages, réels et imaginaires, condensé sa curiosité débordante pour proposer une collection qui télescope des continents et des époques. Le rose aux joues, des paillettes dans l’esprit qui est Mimii ? » C’est le nom affectueux que me donne mon oncle quand je lui rend visite en Espagne. C’est mimii ». L’affection solaire est sans doute ce qui nourrit le mieux ses collections. Au delà de l’expérience « voyage et art « , il y’a l’affect et l’humain. Reprends une gorgée de soleil.
Site avec les dessins, les vêtements ..