En 1975, Pierre Bourdieu se penche sur la Haute-Couture. Sociologue français, à la griffe prégnante, il explore la contrée de la mode-le sujet pouvant potentiellement devenir à la mode. Il en tire un texte ou il souligne l’importance de la griffe, et de la signature du créateur dans le champ de la mode. En 1858, Charles Worth est pionnier en la matière, et inventera le « mythe du couturier ». 1858 c’est loin- pourtant certaines marques continuent de légitimer leur autorité en ces termes. Ce qui parait contradictoire puisqu’en 2018 l’histoire de la mode conjugue dans une même temporalité, des maisons dont les fondateurs ne sont plus, des maisons dont les fondateurs vivent encore, mais sont Directeurs artistiques d’autres marques- ou le créateur est parfois mort. À côte de cela il y a les Lagerfeld qui s’appellent aussi Chanel, Fendi et se sont appelés Chloé…Tout un labyrinthe identitaire qui brouille les possibles. Alors pourquoi se ranger derrière le mythe du couturier ? Il semble que l’autorité du discours face encore fois dans les écoles, et les magazines… Mais les marques émergentes se rangent derrière des collectifs ( GmBh) et marchent au fil des collaborations. De plus la signature dans la mode n’est plus synonyme de coupes, pièces phares de la garde-robe ou d’un style-comme on l’accola par exemple à Yves Saint Laurent. Le récit, la proximité et l’intimité manufacturées par le créateur deviennent des composantes de sa signature.( Yves Saint Laurent, et Pierre Bergé le faisaient déjà)
De nouvelles signatures, et des signatures ou l’encre bave quelque peu se sont rencontrées: Guy Laroche reste scrupuleusement fidèle à l’ombre des années 80, Rochas à son élégance Cocktail Madame, tandis que Dries Van Noten propose une nouvelle fois des imprimés qui transgressent les notions de beau et de laid.
La signature est-elle toujours de rigueur ? Ce discours institutionnel sert -il ou désert-il les nouveaux venus dans le champ de la mode ?
MARTIN MARGIELA : La performance des changements de rôles.
John Galliano- un cas d’école. Celui qui a insufflé son univers à celui d’un géant du luxe ( Dior), puis aujourd’hui au grand nom de la mode post moderne, Martin Margiela. Au travers ces différents exercices de style, Galliano parvient à tisser le siens. Un travail sur une garde robe dont les vêtements restent marqués par le genre, mais sont portés aléatoirement. Les garçons sont aussi bien en costumes très « masculins » –si puisse est; qu’en robes de cocktails dorées. Autre point central du travail récent de Galliano : la dénonciation d’un système de surveillance que nous auto-gérons en nous imposant parfois une présence incéssante-la nouvelle normativité sociale, plus contraignante que libératrice ? En tout cas Galliano semble constamment se libérer des griffes, comme le montre cette dernière collection pour Martin Margiela ou les bottines blanches rencontrent les chapeaux Haute-forme.
MARQUES’ ALMEIDA et la Quête identitaire
Première fashion Week parisienne pour le duo Marta Marques et Paulo Almeida. Leur identité se nourrie de leur enfance dans les années 90. L’époque de la génération X, Kate Moss immortalisée par Corine Day, le Grunge de Nirvanna, et la New Wave de Ian Curits. Une décennie hantée qui sert de fil rouge aux deux créateurs qui parviennent à injecter de la légèreté à cette époque en quête d’idéal.
COURREGE : Le futur antérieur
Yolanda Zobel a dit non. Non à l’héritage des matières plastiques, « signature » de Courrèges. Relancer la marque : oui mais en l’adaptant au contexte de 2018. Le compte à rebours du Vinyle a sonné, et ce geste « éco-responsable » et finalement le plus bel hommage à Courrèges qu’il est était donné. À son apparition, la maison est le symbole de la recherche constante de la nouveauté qui s’incarnera avec un style futuriste. Le paradoxe c’est que plus les collections passées, plus la recherche de la nouveauté s’est figée dans une éternelle signature vinyle, coupe futuriste qui finalement devenait anachronique. Le futur des années 60 est bien derrière nous. Et c’est le slogan Courrèges « The future is behind you ». Finalement Yolanda Zobel renoue avec le geste premier de Courrèges : trouver un style qui incarnera la modernité. Et la question des déchets et des ressources et un futur sur lequel elle agit dès maintenant.
La signature n’est plus un geste, car la mode n’est pas une simple industrie qui habille. Au delà du champ économique, elle produit de la culture et se nourrit des arts et des médias. Elle doit, si elle veut fonctionner, répondre aux angoisses et aux aspirations des gens. Alors la signature est un pavé si elle est réduite au mythe du créateur tout puissant mais devient un pouvoir quand le projet fait écho à la culture et au social.