Si vous traversez la Manche cet été, il est deux expositions à ne surtout pas manquer dans la capitale anglaise.
The Cult of Beauty – The Aesthetic Movement 1860-1900 au Victoria & Albert Museum explore le Mouvement Esthétique anglais, dont le chantre le plus célèbre a été Oscar Wilde. Décrite comment étant l’exposition la plus complète jamais présentée sur ce mouvement clé de la fin du XIXe siècle, elle en offre en effet une vue d’ensemble particulièrement exhaustive, des prémices au déclin, à travers des chefs d’œuvre couvrant tous les champs d’action du mouvement, réunis pour la première fois.
Le Mouvement Esthétique, né en réaction à l’establishment victorien, a également été le premier mouvement artistique à s’étendre bien au-delà des arts plastiques. Les Esthètes plaçaient l’art et le plaisir des belles choses au-dessus de tout, aussi les modes d’expression, loin d’être limités à la peinture et à la sculpture, passaient également par l’ameublement, l’architecture, la mode ou encore la littérature. Le mot d’ordre était l’Art pour l’Art, l’objectif suprême de vivre dans un environnement saturé de beauté. La décoration intérieure a connu alors un essor sans précédent, dans un style fortement influencé par les arts de la Grèce antique et du Japon moderne. L’influence du mouvement esthétique se retrouve jusque sur les papiers peints, avec les motifs si caractéristiques que sont les nénuphars ou les plumes de paon.
L’exposition explore toutes ces facettes, ainsi que les personnalités fascinantes au cœur du mouvement, de William Morris à Dante Gabriel Rossetti, en passant par James Mcneill Whistler, Frederic Leighton, Edward Burnes-Jones, et bien sûr Oscar Wilde. Elle retrace le développement du mouvement depuis la bohème romantique d’un petit cercle d’avant-gardistes dans les années 1860 jusqu’à l’immense phénomène culturel qu’il était devenu, avant de connaitre sa phase naturelle de déclin à la fin du siècle.
Réunissant plus de 250 œuvres issues de collections publiques et privées, l’exposition est organisée chronologiquement en quatre sections: The Search for a New Beauty, Art for Art’s sake, Beautiful People and Aesthetic Houses et Late Flowering Beauty. Tout un programme !
Organisée en collaboration avec le musée des Beaux-arts de San Francisco, The Cult of Beauty – The Aesthetic Movement 1860-1900 s’installera ensuite pour quelques mois au Musée d’Orsay a Paris.
The Cult of Beauty – The Aesthetic Movement 1860-1900 / V&A Museum / 2nd April-17th July / www.vam.ac.uk/cultofbeauty
La deuxième exposition absolument incontournable de cet été est bien sûr la rétrospective Joan Miró a la Tate Modern. André Breton, chef de file du mouvement Surréaliste, a un jour déclaré Miró « le plus surréaliste d’entre nous ». La poésie de l’œuvre de Miró est en effet bien au-delà de tout esthétisme, de toute raison, et son imagination sans limites.
Joan Miró – The Ladder of Escape, ou L’Echelle de l’évasion, en référence à un des titres les plus souvent utilisés pour ses peintures, réunit parmi les œuvres les plus importantes du peintre catalan, de La Ferme, considérée par le peintre lui-même comme une œuvre-clé, à la série des Constellations.
Au-delà de l’émerveillement de voir réunies dans un même espace des œuvres d’une telle importance, ce qui fait la force de cette exposition c’est aussi sa capacité à montrer l’enracinement de Miró dans son temps, et comment les événements politiques, depuis la Guerre d’Espagne jusqu’ à Mai 68, mais également les évolutions de la société, les débats du temps se sont répercutés sur son œuvre.
L’exposition suit toute la carrière du peintre, depuis sa Catalogne natale, Montroig et ses toiles plus figuratives bien que déjà tres ancrées dans le rêve, aux dernières heures du règne de Franco et aux toiles monumentales, en passant bien sur par l’expérience parisienne du Surréalisme, si libératrice – et fondatrice de son art.
Joan Miró a pu vivre assez longtemps pour voir la chute du régime de Franco, après la mort du dictateur, et la transition vers la démocratie de l’Espagne. Lorsqu’il a été fait Docteur Honoris Causa de l’université de Barcelone, dans sa chère Catalogne, en 1979, il a ainsi parlé de la responsabilité de l’artiste vis a vis de la société: « Je conçois l’artiste comme celui qui, au milieu du silence des autres, use de sa propre voix et s’assure que ce qu’il dit n’est pas inutile, mais profite a l’humanité. » Une vision plus que jamais d’actualité. En résumé, courez, volez à la rétrospective Miró, et mettez-vous en plein les yeux, le cœur et l’âme.
Joan Miró – The Ladder of Escape / Tate Modern / 14 avril-11 septembre / www.tate.org.uk/modern/exhibitions/joanmiro/