La Chine et la Corée du Sud ont déclaré dans un communiqué commun la fin de la discorde autour du dispositif THAAD . Non, THAAD ne sont pas les initiales d’une nouvelle marque urbaine pour milléniales, mais le nom d’un dispositif anti-missiles mis en place depuis presque un an près de Séoul. Du 16 au 21 octobre, la Fashion Week s’est tenue dans une atmosphère étrange : nylon, trench, et menaces de Kim Jong-Un . Pourtant les créateurs locaux sont remplis d’optimisme : parade ? Les jeunes Coréens crient pour le changement et la modernité: ça passe par la mode, le renouvellement de la ville. Un tsunami culturel qui déglingue les missiles. Une volonté d’embrasser un avenir international : la Corée ne se réduit pas à une île, ou un chapitre de la Guerre Froide.
Être créateur à l’heure de la terreur
À toute vitesse : rattraper le temps de l’indigence, effacer les traces de la peur, déjouer le chaos en produisant toujours plus, et plus rapidement. Une course dans laquelle les jeunes créateurs s’essoufflent. Si depuis le début des années 2000 l’expression Hallyu vient illustrer l’impact culturel sud-coréen sur les autres pays ( en particulier la Chine), cette vague peu laisser place à la noyade. Sortir du pays et reprendre le temps de créer: c’est le voeux prononcé par une nouvelle génération de créateurs. Bajowoo pour 99% is, Myoungsin Lee pour Low Classic ou encore chez Blindness et Kiok Leur voyages se lisent dans les imprimés, les coupes ou les tissus.
Chez 99% is, place aux ondes punk de Londres. Pour Low classic, le minimalisme un brin parisien inspire. Myoun Gsin Lee raconte s’être amusée avec le folklore européen à propos de l’Asie. Chez Blindness, des vêtements costumes, improbables, qui rappellent les collections Westwood tandis que Charm‘s fait renaitre la Working Girl.
99%is
Joggings recouverts de sequins, bombers et anoraks : renaissance après la saison de la mousson.
Low Classic
Palette de beige, long pantalon et robe aérienne : du Phoebe Philo chez Chloé.
Blindness
Néo-armure de tulle, pour combattre les traditions. À la croisée des époques et des genres : une mode théâtrale.
Charm’s
Jupe crayon hybridée par la collaboration avec Kappa. Le sportwear : phénomène global rejoué sur des airs K-PoP.
Séoul année Zéro
Rompre avec les cadres de l’ancienne société: difficile quand la menace de la Corée du Nord rode et oblige les jeunes garçons à un entrainement militaire de trois ans minimum. Pour Shin Kyu Youg ( Blindness) il faut compter jusqu’a sept. En réponse à ces années : des silhouettes androgynes et urbaines. La peur fait partie de la vie des Coréens mais ne la dirige pas. Les anciennes bases militaires américaines se sont truffés de Drag Queen et bar Gay. Un Zeitgeist qui évoque le Berlin de Cabaret. Le dynamisme de la jeune génération pousse la Corée. Si l’esthétique est parfois abrupte, les collections nous font réfléchir sur la relative stagnation de certains designers européens contemporains.
La géopolitique de la Fashion Week
Donald Trump entame un tour d’Asie : un des plus longs depuis 25 ans. Il y sera question de diplomatie, d’accord commerciaux mais surtout de la Corée du Nord. Une crise qui a causée une chute de 40% du nombre de touristes chinois depuis janvier. Il est alors étonnant de constater que les échanges entre la Chine et la Corée ne cessent d’augmenter : 953 millions de dollars ont été dépensés par les chinois en Corée entre janvier et juin 2017 selon Business Of Fashion. Quatrième industrie du luxe, l’une dont la croissance est la plus rapide, ce sont les cosmétiques qui font fureurs. Du coup, les grands conglomérats du luxe font du pied au Made In Korea : L. Catterton partenaire de LVMH investit dans les produits de beauté Clio ou la marque Gentle Monster. « La mode continue avec ou sans la menace de Kim Young-Un » affirme la créatrice du label Wooyougmi à BoF
Pendant son voyage, Donald pourra peut-être placer la marque d’Ivanka quelque part. Après le scandale d’une « jupe inappropriée » à Tokyo, le pari de la diplomatie semble nivelé.
Une mode non-géolocalisable. Des collections prometteuses surtout pour les designers qui ont eu la chance de s’expatrier. Si l’invitation au voyage est un thème récurent dans la mode, il prend ici tout son sens et toute son épaisseur. Plus qu’un loisir oisif effectué en compagnie de malles estampillées LV : une nécessité pour s’inspirer et rayonner. On ne peut qu’espérer une communion plus forte entre les pays d’Asie pour permettre à l’optimisme de leurs créateurs d’exploser.