Qui, de Cristiano Ronaldo, Lionel Messi ou Neymar remportera le FIFA Ballon d’Or 2015 ?
La question est sur toutes les lèvres. Ou, tout du moins, l’était avant que le nom du vainqueur ne fuite sur Twitter : le grand gagnant de cette année sera donc très probablement Lionel Messi, qui possède déjà –est-il besoin de le préciser – quatre ballons d’or à son actif.
Mais, tandis que le nom de l’attaquant du FC Barcelone est sur tous les réseaux sociaux, le trophée, lui, reste silencieux. Dans les mains du vainqueur, puis dans une vitrine, il est voué à rester l’emblème doré d’une victoire passagère. Et pourtant, il en aurait des choses à raconter…
Depuis soixante ans, il est façonné ici, dans cet atelier au 9 rue de la Paix, par des maîtres-artisans de la Maison Mellerio, dite Meller, qui fait partie des rares à posséder encore le savoir-faire ancestral de la haute orfèvrerie. Il se rappelle être né entre les mains d’un homme, au tout début, alors qu’il n’était encore qu’une demi-sphère de laiton. Cela doit faire environ six mois.
On a passé sur lui la flamme d’un fer à souder pour faire de lui un globe. C’était chaud. Il se rappelle aussi d’un trou. Il s’est demandé pourquoi il avait un trou… Et puis il a changé de mains.
Un autre homme l’a rempli d’une matière étrange. Il appelait ça « ciment », mais ça ne ressemblait pas à du ciment normal. On lui traçait quelque chose dessus. Il a senti sa forme se modifier, pendant un temps infini. Et puis, il s’est rendu compte qu’il ressemblait à un ballon. A ce moment-là, il s’est senti fier.
Quelqu’un d’autre, une femme cette fois, l’a pris dans ses mains. Elle sentait bon. Elle l’a poli pour qu’il devienne tout brillant, tout lumineux. Il voulait rester, mais il est passé entre les mains du graveur, puis on l’a plongé dans un bain d’or. C’était étrange, mais pas désagréable.
On l’a repris une fois encore. C’était son père, le premier à lui avoir donné le jour. Il reconnaissait la forme de ses mains. Il y avait une chose bizarre à côté de lui, une chose toute brillante qui lui a dit qu’elle s’appelait : « pyrite », et qu’elle avait été trouvée dans un gisement de pierres précieuses. Au début, il a cru qu’elle se vantait. Il a cherché à en savoir plus. Elle lui a raconté qu’elle avait été elle aussi trouvée par la Maison Mellerio ; alors il a su que ce n’était pas un hasard. On les a montés sur un socle, lui à côté d’elle ; il n’osait pas la regarder.
« Tu sais, on va être comme ça pendant longtemps », a murmuré une voix musicale, « alors tu ferais bien de t’y habituer. Et puis, je te trouve plutôt sympathique. »
Il s’est détendu. Ils ont commencé à parler ; elle lui a dit qu’elle avait été arasée, que c’était assez ennuyeux et que ça grattait beaucoup, qu’elle rêvait de passer devant les caméras et qu’elle était bien contente d’avoir été amenée ici. Il l’a trouvée drôle.
Tout d’un coup, l’orfèvre a cessé de travailler et il les a posés devant lui. Un déclic ; des photos. On les a mis dans un écrin. L’émotion des artisans était visible. Six mois de travail, et une nouvelle œuvre qui part. Une célébrité de plus à recevoir leur trophée…
« Est-ce qu’on me traitera bien ? Qui va s’occuper de moi ? »
Il s’inquiète un peu tandis qu’ils partent vers Zurich. Ils ont trois plaques à leurs côtés. Trois noms. Cristiano Ronaldo, Lionel Messi, et Neymar. L’une des trois sera fixée sur leur base devant les caméras, lors de la remise des prix, lundi prochain.
« S’il vous plaît, murmure-t-il en silence, faites que celui qui me reçoive soit heureux. »
9, rue de la Paix – 75002 Paris