Le défilé Jil Sander Automne/Hiver 2025 s’ouvre sur un univers théâtral et épuré, plongé dans un noir profond. Sur le podium, le contraste est saisissant : la lumière, froide et hyperréaliste, s’impose pour mieux mettre en valeur les silhouettes pensées par Lucie et Luke Meier. Ce choix est moins esthétique que philosophique : en jouant avec l’obscurité, le duo créatif démontre son ambition de la renverser pour mieux en extraire l’éclat.
La palette chromatique révèle ce jeu entre ombre et clarté. Aux côtés de l’incontournable noir, on trouve le blanc, le gris, l’argent et quelques tonalités saisissantes de rouge, de bordeaux ou encore de bleu « lake » et de lilas, semées çà et là pour illuminer les pièces. Les matières se prêtent au même contraste : un cuir noir agrémenté de studs et d’œillets métallisés côtoie un taffetas ou une soie plus vaporeuse, tandis que le shearling et la fourrure teinte confèrent une note chaleureuse aux silhouettes. Des pièces en alpaga et cachemire, qu’elles soient oversize ou plus ajustées, soulignent également la recherche d’un confort luxueux et moderne.
En évoquant la New Wave, la collection renoue avec l’esprit rebelle d’une esthétique à la fois minimaliste et glamour. Des vestes droites, ceinturées par des lanières cloutées, mettent l’accent sur un tailoring sobre, mais jamais strict. La tension entre rigueur et originalité se ressent dans des détails inattendus : un col zippé, un insert de dentelle, une bordure métallique. Les jupes, le plus souvent conçues comme des kilts, pour femme comme pour homme, traduisent la volonté de briser les conventions et de renforcer le caractère libre de la collection.
Les robes longues en sequins – argent ou noir – s’accompagnent de chaussures pointues aux teintes franches : noir, blanc, rouge ardent. Cette ligne de souliers (chaussures ou bottes) vient souligner l’allure générale, oscillant entre une élégance presque austère et un éclat résolument avant-gardiste. Les pièces phares se déclinent également dans un jeu subtil d’ornements, tels que les rubans cousus, qui ajoutent une dimension tactile aux robes les plus éthérées ou à des trenchs en coton dense.
La confrontation permanente des opposés, chère à Lucie et Luke Meier, s’observe aussi dans les coupes masculines : des manteaux structurés, inspirés de la rigueur classique, se parent de détails inattendus – un empiècement métallique, une fermeture éclair apparente ou un revers retravaillé. Le recours à des textiles d’origine anglaise, comme la laine tailoring, confère à ces pièces la robustesse et la qualité d’une confection haut de gamme, tandis que les petits gestes stylistiques – un stud, un insert de cuir – suggèrent un esprit nocturne et urbain.
Côté accessoires, le choix est tout aussi varié : les sacs, qu’ils soient de forme « clutch », besace ou shopper, rivalisent de force sculpturale et de lignes franches. Les bandoulières ajustables, parfois rehaussées de boucles imposantes, accentuent ce caractère fonctionnel et audacieux qui définit la signature Jil Sander.
En filigrane, c’est une métaphore de la passion et de la liberté qui se dessine : la collection joue d’abord sur une posture de défiance face à l’obscurité, préférant transcender la noirceur par des éclats méticuleusement placés. Les Meier misent sur cette dualité : douceur et force, transparence et opacité, mat et brillant. De ce dialogue constant naît un sentiment de désir, l’idée qu’il est toujours possible de magnifier le quotidien en osant un détail inattendu.
Avec ce vestiaire FW25, Jil Sander se raconte de nouveau comme l’incarnation d’une modernité sensible et sûre d’elle, où chaque pièce, même la plus minimaliste, possède un potentiel de séduction, par un pli, une coupe ou un scintillement. Les fondamentaux d’une élégance rigoureuse persistent – la perfection du tombé, la qualité irréprochable des matières – tandis que l’esprit de la collection se veut plus libre et créatif que jamais, embrassant pleinement l’envie de rendre la nuit lumineuse.
Jil Sander : https://www.jilsander.com