Depuis 1924, le Harry’s Bar, niché au cœur de Paris, incarne une certaine idée de la tradition et de l’innovation en matière de mixologie. Ce lieu mythique, dirigé par la famille MacElhone depuis sa création, est à l’origine de cocktails devenus des classiques internationaux, tout en restant un bastion d’élégance intemporelle. Voici six anecdotes qui révèlent les secrets d’un établissement où l’histoire rencontre l’art de vivre parisien.
Une saga familiale unique
La famille MacElhone règne sur le Harry’s Bar depuis quatre générations. Harry MacElhone, fondateur visionnaire, a laissé en héritage plus qu’un établissement : une véritable institution, aujourd’hui gérée par Franz-Arthur MacElhone, né en 1988. Fait intriguant : lui et Harry sont tous deux nés un 16 juin, à 98 ans d’écart. Ce détail, aussi singulier que poétique, reflète la continuité qui a toujours caractérisé la gestion du bar. Franz-Arthur perpétue aujourd’hui la devise « traditionnellement inventif », créant régulièrement de nouveaux cocktails, ajoutant une touche moderne à l’héritage familial.
Un maître du marketing avant l’heure
Visionnaire en matière de communication, Harry MacElhone a su, dès 1924, capter l’attention des foules avec une approche publicitaire inédite. Il fit paraître un encart dans le Herald Tribune avec l’instruction : « Just tell the taxi driver SANK ROO DOE NOO and get ready for the worst ». Ce message, une transcription phonétique humoristique de l’adresse du bar — 5 rue Daunou — est rapidement devenu un repère pour les clients anglophones de Paris. Avant l’ère des réseaux sociaux, Harry avait déjà saisi l’importance de créer des accroches mémorables et divertissantes, rendant le lieu incontournable.
Les premiers hot dogs et Coca-Cola de Paris
Le Harry’s Bar ne se contente pas d’être un pionnier en matière de cocktails. Dès 1933, Harry importe une machine à hot dogs de l’Exposition internationale de Chicago, introduisant pour la première fois ce plat typiquement américain dans la capitale française. En parallèle, le bar devient également le premier à servir du Coca-Cola, offrant ainsi à sa clientèle cosmopolite un avant-goût de l’Amérique dans un cadre résolument parisien. Cette innovation culinaire contribue à ancrer le Harry’s Bar comme un carrefour des cultures.
Le couronnement d’Élisabeth II et la télévision au bar
À une époque où la télévision faisait ses premiers pas dans les foyers, Harry MacElhone décida en 1953 d’installer un poste dans son bar pour retransmettre le couronnement de la reine Élisabeth II. Cependant, après dix minutes sans que personne ne commande de boisson ni ne parle, il réalisa que la télévision perturbait l’ambiance conviviale du lieu. Dans un geste plein d’esprit, il choisit de ne la rallumer que lors d’événements majeurs, tels que les élections américaines, un choix qui préserve encore aujourd’hui l’atmosphère intimiste et sociale du bar.
L’esprit du Harry’s Bar et les femmes
Après la Seconde Guerre mondiale, dans un geste aussi audacieux qu’humoristique, Harry distribue un livret intitulé « What I know about women » (Ce que je sais des femmes), rempli de cent pages… toutes blanches. Ce clin d’œil ironique fit sourire plus d’un client et reflète l’esprit décontracté mais élégant du lieu. Dans les années 60, le bar devient même un lieu prisé pour les shootings de mode. Des marques comme Garnier et des magazines tels que Elle immortalisent le charme authentique du Harry’s dans leurs campagnes. Les mannequins du monde entier s’y retrouvent, surtout lors des Fashion Weeks, témoignant de l’attrait intemporel du lieu.
Ernest Hemingway et ses illustres amis
Le Harry’s Bar a accueilli certaines des plus grandes figures littéraires et artistiques du XXe siècle, dont l’écrivain Ernest Hemingway. Grand habitué des lieux, il a même une plaque dédiée sur son tabouret préféré. Il venait régulièrement accompagné de Francis Scott Fitzgerald et de sa femme Zelda. Ce trio mythique, symbole de l’âge d’or des expatriés américains à Paris, a contribué à forger l’aura littéraire du bar, faisant du Harry’s une véritable Mecque pour les intellectuels et les artistes.
Le « straw vote » : Une tradition électorale unique
Depuis 1924, le Harry’s Bar organise une élection présidentielle fictive lors des scrutins américains, appelée le « straw vote ». Ce vote de paille permet aux expatriés et touristes américains de voter en présentant leur passeport ou permis de conduire. C’est devenu une véritable tradition et les résultats obtenus sont souvent étonnamment proches de ceux des véritables élections américaines. Ce rituel est une nouvelle démonstration de l’ingéniosité de Harry MacElhone, qui a su marier tradition et innovation dans ce lieu emblématique.
Le Harry’s Bar continue d’être un carrefour où l’Histoire se mêle à l’élégance parisienne. Chaque anecdote évoque une époque, une ambiance, et surtout, un sens du service et de la convivialité qui perdure à travers les générations.