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Iris van Herpen : Une Œuvre Sculpturale au Cœur de la Couture

by pascal iakovou
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Le 24 juin, en plein cœur de la Paris Haute Couture Week, Iris van Herpen a transcendé les frontières de la mode et de l’art en dévoilant une collection qui allie ses créations de Haute Couture à ses premières sculptures aériennes. Depuis la fondation de sa Maison en 2007, van Herpen a su imposer une vision unique qui fusionne la mode, la nature, l’art et la science, offrant au monde une nouvelle perspective sur l’élégance et l’innovation.

Pour van Herpen, l’extension naturelle de sa pratique se traduit par une exploration des formes tridimensionnelles, allant au-delà des tissus et des textiles pour toucher à l’univers de la sculpture. La créatrice perçoit ses processus de moulage – cette technique de drapage directement sur le mannequin – comme une forme de sculpture, une discipline qui, pour elle, est intrinsèquement liée à l’Haute Couture. « Même si l’on distingue la ‘Haute Couture’ de l’art, pour moi, c’est un univers unique », confie-t-elle.

Une Convergence des Mondes

Préparant une rétrospective au Musée des Arts Décoratifs de Paris intitulée Sculpting the Senses, qui se tiendra du 29 novembre 2023 au 28 avril 2024, van Herpen a ressenti l’appel irrésistible de renouer avec une autre de ses passions : la sculpture. Cette exposition, qui sera ensuite présentée à Brisbane, Singapour et Rotterdam, avant de traverser l’Atlantique pour les États-Unis, marque une étape charnière dans la carrière de l’artiste. La rétrospective propose une réflexion sur la place du corps dans l’espace, son rapport au mouvement, à la transformation, et à son environnement, tout en interrogeant son avenir dans un monde en mutation rapide​.

Les sculptures de van Herpen, réalisées sur une année entière, célèbrent non seulement son retour à la nature, mais aussi la liberté immense qu’elle a retrouvée en ralentissant son processus créatif. Ces œuvres capturent le chaos et la beauté de l’idéation, symbolisant la catharsis que l’artiste vit à travers son travail minutieux. « C’est dans cette phase de libération, où l’on se dégage de la contrainte temporelle, qu’une forme de transcendance se matérialise », explique van Herpen.

Une Symphonie de Techniques et d’Influences

Les œuvres, dont les plus imposantes, Weightlessness of the Unknown et Embers of the Mind, révèlent la vision intérieure de l’artiste à travers des formes ambivalentes évoquant le renouvellement et la destruction. En parallèle, les fragments de soie peinte, cousus main sur une base de tulle, créent des compositions cycloniques, tandis que les textures riches et volcaniques rappellent l’impasto dense des peintures gestuelles de Kazuo Shiraga. L’influence des expressionnistes abstraits comme Joan Mitchell ou encore des ambiances oniriques et inquiétantes de Jérôme Bosch se fait sentir dans ces créations aériennes​.

Van Herpen cite également Louise Bourgeois comme une influence majeure, en raison de son approche unique de l’artisanat et de la diversité de son expression artistique. Bourgeois, artiste d’origine française dont les parents tenaient un atelier de restauration de tapisseries, intégrait fréquemment des textiles dans ses sculptures, une technique qui résonne particulièrement chez van Herpen.

L’œuvre finale, Ancient Ancestors, rend hommage à la mer et à ses premières formes de vie, inspirée par les recherches du biochimiste français Emmanuel Farge. En intégrant des éléments en soie et des structures imprimées en 3D rappelant des fossiles et des coraux, van Herpen exprime la beauté originelle de la vie marine. Comme Unfolding Time, cette pièce est sublimée par des éclats de sable, un double hommage à l’écoulement du temps et à la mer.

L’Évolution d’une Vision Artistique

En présentant ses œuvres sculpturales et ses créations Couture comme des œuvres d’art à part entière, van Herpen invite le spectateur à redéfinir son approche de la mode. « Ces créations nécessitent des mois de travail minutieux, il est donc crucial de ralentir pour pleinement apprécier la maîtrise artisanale qu’elles requièrent », affirme-t-elle. Cette démarche s’inscrit dans un mouvement plus vaste de réconciliation entre le temps, l’art et l’artisanat, offrant ainsi une pause méditative dans le tourbillon souvent frénétique de la mode contemporaine.

Van Herpen a toujours été une pionnière dans l’intégration de nouvelles technologies dans son processus de création. Les robes Umwelt et Aeromorphosis, qui se distinguent par un subtil dégradé de perles évoquant les compositions cycloniques de ses sculptures, ou encore la robe transparente Ataraxy, sculptée à l’aide d’un pistolet à chaleur, sont autant de preuves de cette innovation incessante. Avec la robe Sensorium, composée de tissu obi provenant de sa collection de kimonos, van Herpen rend hommage à l’artisanat japonais, à la précision et à la spiritualité qui imprègnent la vie quotidienne au Japon.

Cette présentation hybride, fusionnant l’art, la couture et l’architecture, embrasse pleinement l’approche interdisciplinaire qui a fait la renommée de van Herpen. Elle illustre une fois de plus comment la créatrice a su redéfinir non seulement les frontières de la mode, mais aussi celles de l’art, en insufflant une nouvelle vie à l’Haute Couture et en établissant un dialogue profond entre l’artisanat et l’innovation.

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