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Fashion Week Printemps/Été 2019- Jour 1, Manufacturer le rêve

by Manon Renault
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To Fashion, soit modeler, façonner fabriquer. Paris est la scène de la mode, et pour assouvir ce destin mythologique, elle laisse Dior, Jacquemus et Gucci la transformer en fabrique à rêve.  Alors que Paris concoure à l’organisation de l’exposition universelle de 2025, la Fashion Week  lui offre un argument de taille: le simple vêtement, outil pour protéger les corps est en réalité une féerie capable d’insuffler suffisamment de magie pour faire valser l’inégalité sociale qui sous tend son accès quand il est signé Dior ou Gucci. On y pense quand on est dans les bouchons pour atteindre l’hippodrome de Lonchamps, quand on est coincé dans le métro, quand on fait la file devant l’ambassade d’Italie. Les policiers sont à bout de souffle devant cette foule qui envahit les rues.  Rien à voir avec les violences d’un Mai 68- un fil rouge de cette journée? Des âmes errantes avides de rêves font une révolte douce pour se payer des rêves. Elles déambulent sur la route, absorbées par l’éventualité de susciter à leur tour admiration et émerveillement. En même temps elle s’ordonne docilement aux ordres de la mode – plutôt qu’à ceux des hommes en costume bleu marine.  Elle se perd de flashs en flashs, de Story en Story. Et finalement par sa soumission, la horde de la mode alimente l’impression de faire partie de quelque chose d’exceptionnel. Les podiums tiennent-ils cette même promesse d’exception ? Tulles, Robes posées à même le corps chez Jacquemus, et veste Dolly Parton à Paillettes pour Allesandro Michele ( Gucci). Le décor de Dior aura demandé deux semaines de travail tandis que Gucci investit le Palace par le dernier volet de son hommage à la France. Un Tome 3 qui s’achève dans les larmes alors que Jane.B entonne Babe alone in Babylone.

La mode orchestre sa propre exposition universelle -mais est-elle l’univers de tous ? Si elle se veut changeante pour toujours mieux s’adapter aux publics , de quels publics parlons-nous ? 


Dior le changment en douceur

Le défilé Dior : un fantasme de jeunes premiers des beaux quartiers ? Chaussons Repettto sur l’épaule: la danse classique forge le corps afin qu’il puissent revêtir les codes d’un ordre ancien. Il faut reconnaître la grâce. Seul les mouvements, les couleurs , le sons restent. Ca frôle l’article pré-payé glacé dorée. Pourtant il ne faut pas limiter cette collection à un fantasme conservateur  : Maria Grazia Chiuri a subtilement incorporé des jeans délavés et des imprimés hippies qui montrent que pour qu’un ordre existe, il faut le désir du désordre. Si le dernier défilé affichait de manière ostentatoire ses références à la révolte et mai 68, ici elles sont injectées de manière diffuses.  Si on fouille : le 19 Mai 1968, les ouvriers et techniciens du théâtre national de l’Opéra decident dans la nuit , de déclencher une grève illimitée avec occupation des locaux. L’opéra est paralysé. En incorporant les délavés des hippies, c’est le rappel de la dilution de rêves : le luxe n’est pas si manichéen.

 Jacquemus, le Lauréat

La recherche permanente de la nouveauté Versus l’élaboration d’un style autour de pièces caractéristiques : deux versant contradictoires de la mode. Ce n’est qu’avec le temps que les créateurs parviennent à trouver le juste milieu. Simon a posé en quelques années les lignes de Jacquemus: un défilé qui évoque le sud, l‘Été meurtrier, Jeanne Damas au premier rang, des jeux sur les volumes, des lignes qui habillent de manière à dénuder. Simon Porte Jacquemus est parvenu à imposer tout un décors qui attire de plus en plus le milieu de la mode : un milieu qui en retour le porte. Le danger ? Incarner être prisonnier du rôle de « Jeune premier » , soit incarner les espoirs de la génération précédente. Alors ils se retrouve comparé, catalogué. Tout ça fini dans une ambassade. Dans Le Lauréat, Dustin Hoffman, plonge dans la piscine pour ne plus rien entendre. Le sud , 1,2,3,4 tchin tchin : les rêves de Jacquemus lui permettront-ils de se couper du surplus d’attention ?

Gucci , l’épopée de la solitude.

La mode a t-elle façonné de la mélancolie ou de la nostalgie? Exalter des anciennes douleurs, et sans doute un geste romantique qui va bien à Alessandro Michele. Dans la Palace, fragment d’un époque de débauche, d’outrances, c’est l’espoir d’une vie ou Roland Barthes, Andy Warhol , Karl Lagerfeld et tout le beau monde artistique et intellectuel vive sous l’emprise de fête. À l’époque : pas de caméras pour documenter tout cela. Rien pour faire barrage à ‘l’imagination – donc tout pour alimenter le mythe. Gucci, ou le spectacle d’un patchwork d’insouciance ou l’ordre n’est plus. Floraison de couleurs, d’imprimés manufacturés pour les milléniales pour qui le Palace n’évoque que peut de chose. Le génie du Show et de mélanger le rêve à des acteurs qui l’on vécu. Là Gucci touche à quelque chose de plus grand que le rêve marchand…


 Le Palace incarne aussi l’utopie d’une vaste fête démocratique où riches et pauvres se fondent dans l’ivresse de la nuit-Gilles Châtelet

La mode fabrique des créateurs qui ont violenté nos impatiences pour nous confronter à quelque chose que la mode avait un brin perdu- la surenchère du fantasme. Certains achèteront , certain rêveront. Alors non , l’accès à la mode n’est pas démocratique, mais l’accès au rêve lui le reste-ou enfin l’était. Car là aussi ça flanche, le rêve a été réduit à des récit d’enquête, des télés réalité, et de truc morbides à la recherche « de la vérité ». Alors plus le cinéma, les séries et la mode auront de budget, plus elle pourront créer et faire rêver. Anéantir le « c’est arrivé près de chez vous » pour promouvoir le « ça arrivera peut être « . L’accès à la mode reste un luxe, et cela ne devrait pas se réduire à une violente frustration. Un sentiment d’injustice. En renforçant le rite du défilé, il faut espérer que la mode fabrique des rêves plus démocratique…

 

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