En 1987, Azzedine Alaïa fait l’acquisition d’un îlot de bâtiments dans le quartier du Marais à Paris.
L’ensemble est constitué de vastes espaces qui vont de la rue de la Verrerie à la rue de Moussy. Dans ce qui fut jadis l’hôtel des évêques de Beauvais devenu au XIXe siècle un atelier industriel, Azzedine Alaïa fera ses défilés, en pleine rénovation, avant d’y installer définitivement son lieu de travail et de vie.
Au cours de ces travaux sont mises au jour de grandes cartes géographiques de régions lointaines peintes à même le plâtre, vestiges d’une époque où le bâtiment accueillait les cantines des magasins du Bazar de l’Hôtel de Ville.
Conduit par son infatigable curiosité, il découvre que Jeanne-Antoinette Poisson, qui deviendra la Marquise de Pompadour, favorite de Louis XV, avait reçu dans ces lieux les bases de son éducation sociale et de ce que l’on appelait alors les arts d’agréments. Cet apprentissage permettra à la jeune femme d’entrer à la cour, bien qu’elle ne soit pas issue de l’aristocratie, pour y exercer, grâce son éducation et à sa beauté, une influence sans comparaison dans l’histoire des arts.
Azzedine Alaïa connaissait la réputation de la Marquise de Pompadour dès son enfance. Elle était pour lui une des grandes figures de l’histoire, la beauté d’une élégance assumée. Il ne put s’empêcher de voir dans cette coïncidence des lieux la confirmation de sa propre vocation de couturier passionné des arts et de culture française.
Toute sa vie, il fut fasciné par ce destin hors du commun d’une femme aux origines modestes. Elle était pour lui un incessant sujet d’inspiration et d’admiration.
En 1991 Azzedine Alaïa s’installe avec Christoph von Weyhe au 18 rue de la Verrerie. L’année suivante, la collection printemps-été 1992 est la première qu’il conçoit dans ses nouveaux espaces. Elle est faite de références à la Marquise de Pompadour et à la cour de Versailles. Elle est aussi l’une des plus importantes que le couturier ait jamais créées. Le défilé ne compta pas moins de 115 passages. Sous des jupes longues et étroites, les broderies anglaises bordent les ourlets, soulignent les revers d’une veste et les coupes rigoureuses, elles ourlent les jupes courtes et les balconnets pigeonnants. Mais c’est avec le cuir qu’il donne l’interprétation la plus étonnante de sa vision de la grande mode du XVIIIe siècle. Perforée, dentelée, la matière brute devient dentelle et forme des bustiers, des ceintures et des corsets qui soulignent les tailles. Sur des robes en maille, il pose des motifs d’entrelacs là où s’arrête le regard, ou des rubans en trompe-l’œil ornés d’un “mon cœur est à papa”, un tatouage doux pour des robes aux décolletés audacieux.
Mois après mois, dans la solitude de sa nouvelle et immense maison, assis des nuits entières à la table de son studio, coupant, cousant, Azzedine Alaïa a réalisé une collection qui est l’une des plus emblématiques de son œuvre. Son style indépendant et volontaire est à l’image de celle qu’il appelait avec émotion et respect
« La Pompadour ». Celle qui n’a jamais quitté les lieux de la rue de la Verrerie et de Moussy, celle qui incarnait au plus haut degré la liberté et le pouvoir des femmes.
L’exposition s’accompagne d’un livre, « L’alchimie secrète d’une collection », édité par Assouline.
En 1991 Prosper Assouline se voit accorder un accès au studio et aux ateliers de travail d’Azzedine Alaïa, où règne une activité fiévreuse. Jamais auparavant un artiste n’avait permis que les secrets de ses ateliers soient dévoilés de manière aussi complète. Le résultat, ce livre, est un reflet du chaos créatif et de la folie fragile et merveilleuse qui constituent l’élaboration de la collection Alaïa Eté 1992.
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