Gildo Zegna a l’allure d’un authentique Gentleman. Ce sont du moins les mots du créateur Américain Thom Browne, à propos de l’homme qui vient d’acquérir 85% de sa marque. Avec son goût pour les costumes gris impeccables, les coupes précises et justes, ce partenariat doit être de rigueur ? Thom Browne souhaite évoluer, et seul ce n’est pas possible. Alors c’est le groupe italien Zegna, qui possède sa propre ligne de costumes et fournit de grandes maisons italiennes comme Gucci , qui est l’élu. Italien-Tailoring- Thom Browne : tout n’est pas illogique dans cette transaction. Un investissement qui n’est qu’un accompagnement selon le groupe qui tient à rassurer : Thom Browne doit et restera ce créateur de génie, ce créateur fou, aux défilés qui frôlent le film. » Mon but est de préserver Thom Browne » confie Gildo à Business of Fashion avant de rajouter « il s’agit d’une approche graduelle » ?
Graduelle ? 85% c’est un chiffre,
85% c’est conséquent : Thom Browne préservera t-il son indépendance?
Lost in America ?
Thom Browne : le nouveau Ralph Lauren ? C’est l’hypothèse formulée par l’article de Business of Fashion. Si ce n’est pas là le destin escompté pour Brown en matière d’esthétique stylistique, de fantaisie, et de créativité artistique; c’est peut être ce qu’on peut lui souhaiter en matière de profits et d’expansion. Le patrimoine mode américain reste relativement récent : il est grand temps d’inscrire de nouveaux nom sur Hollywood Boulevard. La mode européenne se targue d’être un berceau indétrônable – « l’exception culturelle » comme prétention universelle. Les maisons sont dites « historiques »,et les premiers écrits sur la mode sont ceux d’esprits artistiques qui ont fait date, tels que Baudelaire, Mallarmé ou Balzac. L’art pour l’art – rien à voir avec ces Américains pragmatiques qui imposeront au début du XX ième, leur Fordisme tueur d’aura ( Cf Walter Benjamin, L’oeuvre d’art à l’heure de sa reproductibilité technique).
Crédit Vidéo :Anatomy of a Suit short film showcases the Thom Browne exclusive capsule collection for Barneys New York, as well as archival pieces. The film was directed by Michael Hauptman, with styling by Sasha and hair styling by Rubi Jones.
Idées reçues
Voici les grands partages de l’histoire de la mode -Les Stéréotypes prégnants. Des histoires que Thom Browne a laissé sur le chemin : il articule art et marchandise avec brio. La mode: il en connaît les codes, et les limites. Alors en proposant un tailoring impeccable, il peut faire de ses défilés les terrains de jeux de spectacles tous plus fous les uns que les autres. Thom Browne enchante chaque Fashion Week : des licornes, des nains de jardin, de la neige, ou une banlieue américaine au printemps. Un film qui imprègne le consommateur devenu spectateur. Ainsi Browne est un OVNI américain au taylorisme à l’italienne jonglant avec une conception de la mode comme art ( à l’Européenne), et n’oubliant pas que sans ventes, les rideaux du spectacle devront se clorent.
Donne moi ton patrimoine , je t’offre ma jeunesse.
La crainte quand une marque s’associe : la perte d’indépendance de la DA. L’association Thom Browne/ Zegna aura menée Business of Fashion à proposer pas moins de deux articles. Quel est l’enjeu ? Un mauvais mariage ? Le groupe Zegna est un groupe italien crée en 1910 et qui dispose d’une ligne de prêt-à-porter masculine luxe, un brin passée. Le groupe est surtout un fabricant de tissus qui fourni des marques telles que Gucci, ou Tom Ford. Cette expertise c’est l’assurance qualité, qui permet d’inscrire les produits de Thom Browne dans l’histoire « textile de prestige ». Les meilleurs costumes italiens deviendront ceux d’un américain qui en échange offre son image « menée par la créativité » à un groupe qui à besoin d’un léger lifting. Browne est un peu le Collagen qui va repulper le prestige de Zegna, mais surtout lui permettre de séduire une nouvelle clientèle. Gildo Zegna ne s’en cache pas : ce qu’il vise ce sont les milleniales.
« I think it’s just because of the way I approach design. It’s the youthful sensibility and spirit. » Thom Browne- Business of Fashion.
Fair-Game ?
Finalement peut-on parler d’un échange de bons procédés ? Thom Browne et Zegna c’est l’association entre modernité et pérennité , entre l’excentricité et la mesure. Un équilibre dans la recherche créative que l’on pourrait qualifier d’une conception Baudelairienne de la mode– pour finir en terme pompeux. (en bref, pour Baudelaire le constant renouveau de la mode va de pair avec des idéaux vieillots du « beau »). Reste à mesurer: jusqu’où l’équilibre est-il efficient ? 85% vs 15% ce n’est pas tout à fait un partage à parts égales.
Seul l’avenir permettra de comprendre le sens que confère Gildo Zegna à « l’approche graduelle ».