Home ModeFashion Week Fashion Week Automne Hiver 2018- Jour 9 Derniers baisers, premières pelles

Fashion Week Automne Hiver 2018- Jour 9 Derniers baisers, premières pelles

by Manon Renault
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Image Instagram: les créateurs à l’élysée ( Julie de Libran, Kim ellery, Simon Porte Jacquemus)
#LaModedeManon

Chanel, le Grand Palais : le « dimanche » classique de la fashion week, même si c’est un mardi. Dimanche quand même, c’est les Liminanas, bande-son du défilé qui le disent « On l’appelle Sue, je l’appelle VIE » ( extrait du titre Dimanche). Des paroles qui résonnent comme un défit à l’imaginaire poétique qui entoure l’automne- la fin de vie. Chez Chanel, les feuilles d’automnes sont bien présentes, mais ne se ramassent plus à la pelle. Ça fait gueuler les écolos, ça fait rire les fashionista au premier rang, mais en réalité quelque chose de plus profond est un train de se jouer. Chanel et Lagerfeld: une histoire sans hivers, qui se fait le fil conducteur de la mode à venir. Dans les tweeds de « la femme française chez Vuitton » ou plus déstructuré chez Miu-Miu et Anaïs Jourden les lègues de Lagerfeld sont plus vivants que jamais. Lagerfeld se joue des rumeurs autour de son âge : des prédictions sur sa fin. En transformant le Grand Palais en petit bois d’automne, il montre qu’il est le seul à détenir le pouvoir de VIE sur Chanel.

La question oubliée:  En 2018, Vivre en Chanel, en tweed et fourrure : réservé à une classe bourgeoise?  Que signifie ce retour massif des symboles de la bourgeoisie chez les différents créateurs ?

Les sacoches Louis Vuitton sont devenues les emblèmes des jeunes des banlieues ( ville ou campagne) depuis bien longtemps : un peu comme Burberry et les chavs. Les iconiques petits sacs noir matelassés de Chanel sont portés par votre voisine de siège dans la métro. Alors pour cette saison,  de nouveaux sacs sont lancés –comme un symbole de détachement : le 31 chez Chanel.  Une fermeture bourgeoise et un retour à la fin du XIXieme comme pour se dépatouiller de l’appropriation culturelle des grandes marques par les classe inférieures ?

Pourtant il y’a des envolées de feuilles: tout ne peut être si simple. Une allure à la fois chic et rebelle, le tout doit être calibré


Anaïs Jourden: la néo-bourgeoisie d’ici et d’ailleurs

La nouvelles classe internationale des loisirs-soit une bourgeoisie cosmopolite qui évolue dans les mondes des arts et dont Anais Mak Jourden fait partie. Élevée dans la classe bourgeoise de Hong-Kong, la créatrice fait preuve d’une détermination qui inspire l’admiration. En 4 ans elle s’impose dans le calendrier parisien, et présente une collection applaudie. Des silhouettes roses velours, du tulle et de la guipure : des petits rats qui s’échappent de l’opéra. Les cours de danse du mercredi avant le violon, une activité fantasme qui n’est plus réservée à l’imagerie de Paris. Anais Jourden le prouve : Hong Kong sait mieux jouer des mythes parisiens que les parisiens.

Beautiful People :Vadrouille dans le vestiaire masculin

Depuis 10 ans, Hidenori Kumakiri défile à Tokyo: alors Paris, juste après Chanel, alors que les fashionista ramassent les feuilles du Grand Palais, c’est un honneur. Une collectionna style fin XIXiéme, qui travaille des intemporels de la garde-robes. Des vestes et manteaux inventés par des hommes pour des hommes: le duffle coat, le perfecto ou le trench. Chez Beautiful People, ils sont portés par des femmes, avec élégance. Loin du déguisement, les pièces masculines sont fluides et se marient aux robes et jupes longues. Comme pour montrer que c’est dans ces classes supérieures que la question du genre a été le plus rapidement posée : madame s’est vite emparée du duffle coat de monsieur, à la nuit tombé pour « promener le chien », sans que cela ne dérange personne ?

 

Miu-Miu : La révolution punk , sans crêpage de chignon

« Un jour, on ne pourra plus rien faire : après tout, mêmes les légumes ont une âme ! « -par cette phrase pleine d’humour, Miuccia Prada livre toute son analyse du monde actuel. Une classe favorisée qui est entrée dans l’ère d’une privation comme marque de distinction ?  Un « bon-élévisme » symbolique de la bouffe, et des vêtements qui flinguent l’excentricité ? Au milieu d’une foule de tissus, d’imprimés, de cuirs et manteaux oversizes, la collection Miu-Miu se trace une route hors peloton. Les médias parlent de « méli-mélo ».N’ont-ils pas remarqué que Miuccia Prada peint avec justesse la complexité d’une époque : ce ne sont plus seulement des classes sociales que l’on cherche à imiter, mais des icônes dont l’aura évacu (en apparence), le jeu de la différence sociale. Des années 60 jusqu’à Amy Whinehouse, c’est l’énergie libertaire d’une jeunesse qui a cherché son identité ailleurs que chez ses parents qui s’avance sur le podium. Une jeunesse qui finalement, en est toujours revenu aux cheveux crépés, qui façonnent le chignon bourgeois. Chez Miu-Miu, tout le monde imite tout le monde : tout est cyclique. Miuccia Prada : une longueur d’avance, ou plus précisément toujours un pas en arrière pour avoir un recul sur la société.

Une collection qui sonne comme une comédie musicale pour ado : un Grease qui travaille la garde robe bourgeoise et anticipe les jeans délavés des années 80. Une collection brillantine.


En 2018, le système de fonctionnement des tendances peut-il encore être pensé selon les vieux schémas de T.Veblen ou G.Tarde?

Soit  l’idée selon laquelle, les classes inférieures veulent imiter les classes supérieures. Pour se distinguer , les classes supérieures changent sans cesse de mode afin de ne pas se faire rattraper. Louis Vuitton est revenu des baskets pour les talons féminins chanelisés. Cette saison parisienne comporte ses propres tendances. La femmes « française »: robes au- dessous du genou, blouses amples à noeud, perles et chaussures vernis. Elle s’impose comme un non à la débandade sportwear qui régit ses dernières saisons ? un Non aux couleurs fluo ? Un Non à la rue ?

Penser la mode en 2018 ne peut se faire avec les schémas de 1908 , ni avec une lecture uniforme. Surtout quand il n’y a pas d’uniforme qui se distingue. Comprendre les tendances, la mode implique des contextes : le problème c’est qu’il y’a des contextes qui demandent des compréhensions locales des phénomènes et d’autres internationales. Tout se conjugue. La mode est pleine de paradoxe, et elle n’a jamais été aussi intéressante…Sociologues à vos claviers.

Au XIX ième siècle la mode devient un véritable phénomène social. Les journaux se multiplient, les « bons conseils » naissent et le droit aux vêtements se démocratise. C’est à cette époque, à cet élan que Paris rend hommage aujourd’hui. Le dîner organisé par le président Macron à l’Élysée : tout un symbole.

Une fashion week pleine de tartans, de couleurs cuivrées automnales percées des fluo des automnes futurs. Des superpositions de vêtements comme des superpositions de problèmes que l’on se posent. Des doubles manches, des doubles sacs : pour être sûr de ne pas se tromper.  Pour être sûr de ramasser toutes les feuilles mortes laissées par Karl.

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