Il y a quelques jours, nous avons eu la chance de tester la cuisine de Lucas Felzine autour du Jambon de Parme dans son restaurant UMA. Une cuisine basée sur le mix entre cuisine japonaise, péruvienne et européenne. Le chef nous a surpris pour ce déjeuner en nous proposant des plats qui nous donne une autre vision du Jambon de Parme.
Le Jambon de Parme, ou Prosciutto di Parma en italien, est un produit traditionnel. Mais attention, n’est pas Jambon de Parme qui veut. On reconnaît facilement ce jambon sec d’Appellation d’Origine Protégée grâce à sa marque de fabrique et d’authenticité : une couronne ducale à cinq pointes. Mais avant de pouvoir obtenir cette ultime reconnaissance, le jambon doit passer par différentes étapes de préparation, toutes très importantes et réglementées par un cahier
des charges précis. Le Jambon de Parme, comme son nom l’indique, est exclusivement produit dans la province de Parme au
Nord de l’Italie, dans une aire très précise et délimitée de lEmilie-Romagne, jusqu à 900m d altitude. C’est sur ce petit territoire que s’opère le miracle naturel du Jambon de Parme : le vent descendu de l Apennin et qui s est frotté à toutes les senteurs sauvages est à l origine d un séchage en finesse. Le sel, lui, vient de la mer. Mais avant d’être transformé en un produit de qualité, le Jambon de Parme est d’abord un cochon italien d’excellence, né et élevé dans dix régions
spécifiques du Nord et du centre du pays. La sélection est rude. Une fois le cochon abattu, seuls le savoir-faire et le temps peuvent œuvrer pour délivrer un produit fini plein de saveur. La maturation du jambon prend au minimum 12 mois et peut s’étendre jusqu’à 36 mois et plus. Pendant ce temps-là, la viande est successivement traitée puis mise au repos. Le sel marin, produit essentiel dans la préparation du Jambon de Parme, est le seul ingrédient rapporté : du cochon, du sel, du vent et c’est tout ! Aucun additif ou conservateur ajouté ! C’est ce qui lui donne son goût unique !
Quelques questions à Lucas Felzine, Chef du restaurant UMA…
Qu’est-ce qui vous intéresse dans la cuisine fusion?
« Fusion », c’est un terme que je n’aime pas parce qu’il a été galvaudé. Derrière ce mot, on a mis un peu tout et n’importe quoi. Mais c’est vrai que pour moi, c’est la cuisine de demain. La cuisine française n’existe plus en tant que telle. Je
pense qu’elle devrait évoluer, parce que quand on voit tout ce qui se passe dans le monde… on commence à être un peu à la bourre quand même ! C’est très intéressant de travailler sur une cuisine métissée. On n’a jamais été autant plébiscité par les télés et par la presse sur le « locavore » que lors de la mondialisation la plus extrême possible. Il y a un déséquilibre qui n’est pas normal. Je pense que l’on peut être « locavore » tout en utilisant des produits qui viennent du monde entier, et tout en étant conscient des enjeux de la planète. Et la fusion, c’est exactement ça. C’est la mixité, le mélange des saveurs. C’est savoir se dire : « Ok, ils ont des produits qui sont différents, pourquoi je ne pourrais pas les utiliser ? »
Quels sont vos produits de prédilection, ceux que l’on retrouve dans votre cuisine habituellement ?
J’en ai beaucoup ! Forcément, les piments. C’est un élément essentiel de ma cuisine. Puis les herbes, toutes les herbes aromatiques. Et les agrumes, et enfin tout ce qui est tubercule : le krachaï et la citronnelle, les différents types de gingembre, etc. Et les derniers, ce sont les poivres. C’est ce que j’utilise dans chaque plat, ce qui caractérise ma cuisine : chacun de mes plats a son type de poivre, son type de tubercule, son type d’épice.
Qu’évoque pour vous le Jambon de Parme ?
Le Jambon de Parme, produit que l’on a l’habitude de manger en France à l’apéro, entre amis, peut être retravaillé dans des recettes abouties, aussi bien en entrée, qu’en plat ou qu’en dessert. C’est un produit intéressant parce qu’on y retrouve des notes de noisette, des notes qui sont légèrement astringentes en fin de bouche avec le séchage. Il y a des saveurs. On est ni plus ni moins sur ce que l’on appelle l’umami. On a de l’acidité, du sucré, du salé, de l’amer. Et toutes ces saveurs rentrent dans ma cuisine, que ce soit pour un dessert ou une entrée. Le Jambon de Parme est un des produits sur lesquels on
peut travailler justement pour créer cette fusion.
L’utilisez-vous régulièrement ?
Je n’utilise pas le Jambon de Parme au quotidien. Mais typiquement, j’utilise beaucoup de jambons maturés. Ces jambons maturés ont de grosses couches de gras. Donc, je récupère le dessus de côte que je traite comme un jambon : je
le mets en salaison, je le fais fumer et sécher tout doucement jusqu’à obtenir du lard ou un jambon.
Dans les recettes que vous proposez autour du Jambon de Parme, pourquoi l’avoir utilisé de cette manière ? Plus précisément, quels aspects du Jambon de Parme avez-vous voulu mettre en avant dans vos recettes ?
En fonction des recettes, je l’ai vraiment travaillé sur des goûts et sur des structures différentes. Typiquement, pour l’entrée, j’ai fait un condiment à base de Jambon de Parme.
Oeuf parfait, crème de pois cassé et bouillon dashi au Jambon de Parme, condiment à l’ail noir. Ce qui est génial, c’est que le côté salaison va ressortir et le côté gras vient englober et donner toute la dimension du plat.
Cabillaud poché au beurre de mâcha et jambon, salsifis et shiitaké rotis, condiment au Jambon de Parme. Pour le plat, on est sur quelque chose de beaucoup plus précis, parce que le Jambon de Parme va être mangé directement avec le poisson. Il y a vraiment cette association terre-mer qui est remarquable et qui donne une texture différente. A la cuisson, le jambon va s’assécher un peu et devenir plus ferme. C’est donc aussi intéressant de pouvoir travailler sur cette texture-là.
Marron, Clémentine et Jambon de Parme, Saké en
émulsion
Pour le dessert, le Jambon de Parme permet de travailler sur le salé-fumé. Les saveurs mélangées avec la mandarine, avec le marron –acidité et sucre- cemélange, ça va être un umami assez attrayant.
Qu’elle est l’association qui vous intéresse le plus avec le Jambon de Parme et pourquoi ?
En testant différentes associations pour élaborer les recettes, j’ai beaucoup aimé Jambon de Parme/ saké. Il y a le côté levuré qui se retrouve dans cette fermentation et qui renvoie la balle au goût du jambon. Je trouve ça assez
génial. On a aussi testé mezcal-jambon de Parme : l’alcool d’agave est encore plus fumé, avec le gras du jambon, ça donne un truc vraiment étonnant !