Home ModeFashion Week Fashion Week Masculine Automne/Hiver 2018 : Jour 2- La machine à accélérer le temps

Fashion Week Masculine Automne/Hiver 2018 : Jour 2- La machine à accélérer le temps

by Manon Renault
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Vignette : une vie de chien, de Julien David

Il suffit de plonger 100 mètres sous terre, à la périphérie de Genève, pour se retrouver face au Grand collisionneur de Hardon. Un accélérateur à particules, auxquels les événements qui se sont déroulés dans la mode hier, ne semblent pas étrangers. Les mannequins déambulent, comme des protons : guidés par la lumière des spots, le sourire cousu à même les lèvres. Des défilés saisissants, théâtre de la démence ambiante. Les mannequins courent entre l’allure punk et streetwear : en pleine quête d’identité stylistique. Confus au milieu de la collision des grandes tendances de la mode, certains intemporels se (dé)composent. Le tailoring implose: chez Off-White ou les costumes des banquiers sont dépouillés. L’accélération des particules mène à la fusion des protons : une accrétion de vêtements qui se traduit chez Y/project par des jeans superposés, des boots cuissardes et des écharpes qui font corps avec les pulls. Les vêtements en cachent d’autres; et chez Icosae les styles aussi. Les élans punks de début de la marque, se heurtent à la tendance athleisure.

Plusieurs fois, des scientifiques sont montés au créneau : le Grand Collisionneur serait à l’origine de micros-trous noirs. Dans la mode aussi cela arrive: la garde-robe de Valentino est absorbée par la noirceur  de sa palette alors que chez OAMC ou Haider Ackermann les structures et la rigueur des coupes créent de la matière.

Si l’image de la mode est ternie par la fast-fashion, la cadences de plus en plus élevées des collections, ou la multiplication des colabs marketing, les créateurs par la répétition de certaines pièces, l’accumulation et la redondance, se jouent de l’accélération prophétisée.

Final Haider Ackermann

 

Le travail autour d’un nouveau tailoring continue, tandis que les doudounes se multiplient ( longues, courtes -peu importes). Les chaussures se partagent entre l’hyper-boots et la basket.


Facetasm ou le charme de la démence

Chez Facetasm la musique Rock est balancée, comme pour sonner le glas d’une jeunesse dont la rétine sature face aux masses de vêtements, sans cesse proposées. D’ailleurs elle en porte des masses de vêtements. Les guitares grincent: ce sont les derniers gémissements d’une rébellion impossible. Une rébellion qui ne trouve plus ses mots dans les discours existants : si dans les années soixante la jeunesse souffraient de ne pas posséder d’icône de l’adolescence – de modèles d’identification, la pop culture s’est rattrapée. Au point ou chaque clans, collectifs ou gangs se forgent et se soudent dans un vivre commun autour d’un leader charismatique dont les percepts font fois et lois. Penses comme moi, habilles-toi comme moi ? Le choix du groupe= folie. Les silhouettes de Facetasm ne résultent pas de choix imposés par le diktat d’un groupe. Du coup c’est le diktat de tous les clans agrégés qui fait look : bombers kakis, impairs streetwears, jupes plissées , pull à jacquards et longs manteaux recouverts de doudounes. La bande son de la rébellion change.

FACETASM

FACETASM

FACETASM

 

 WALTER VAN BEIREDONCK :La domination dans l’art de la mise en scène

Vidéos boomerangs : les images vont et viennent, entrecoupées de « j’aime » : mais sont -elle regardées? Mémorisées? Le défilé de Walter Van Beiredonck joue avec la mémoire visuelle du spectateur. C’est aussi une critique des nouvelles uses et coutumes des invités aux défilés : portable en main, prêt à dégainer avant que le mannequin ne retourne avec les vêtements, dans les coulisses-pour l’éternité. Si le style SM  (latex, cuissardes, manteaux ouverts sur les tétons) est sans-doute la chose qui fait parler (et qui semble être une tendance, Cf : Jérémy Scott), c’est la lueur bienveillante de Walter van Bereidonck qu’il faut souligner : en faisant passer plusieurs fois de manière aléatoire ces jeunes SM aux regards absents, il offre plus d’occasions à ses invités de croiser le regard de ces déviants undergrounds, et de les enregistrer dans leurs filtres d’actualité. Au-delà du jeu : les coupes des impairs, relèvent d’une rigueurs dont il fallait bien quelques reboots et rembobinages pour apprécier toute la technicité.

 

WALTER VAN BEIREDONCK

WALTER VAN BEIREDONCK

WALTER VAN BEIREDONCK

 

La page blanche de Lemaire

Encombrée des archives d’images d’icônes rebelles, la mode parisienne se lave, se rince. Un blanc virginal, ou plutôt un blanc chirurgical, désinfecté de tous superflus, marque cette collection Lemaire. Un retour à l’essentiel, aux origines de la marque, avec des pièces monochromes qui se dégradent entre blanc, beige et noir. Une pause dans cette course effrénée : mais attention le défilé n’est pas synonyme de mort clinique. Les textures, les imprimés et structures des vêtements défient tous commentaires réducteurs.

Lemaire

Lemaire

Lemaire

 

Dans les 27 kilomètres de tuyaux, enfouis sous terre, les protons s’entrechoquent : l’espoir est de comprendre ce qui fut avant le big bang. La mode parisienne fait son propre big bang : ce qu’il y avait avant prend une forme différente. Comme quoi, l’accélération technologique et les nouveaux rythmes ne sont pas les simples synonymes de la dégénérescence d’une génération : ils engendrent de nouvelles formes de créativités.

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