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Du 11 au 18 octobre s’est tenue la Fashion Week de Shanghai. Observée de près par les professionnels du secteur, l’événement connaît une médiatisation faible : à se demander si l’ordre de la censure ne s’est pas inversé. La rigidité vient-elle de l’Europe ?
La Chine : Ai WeiWei et Jackie Jan. Loin de ces stéréotypes la scène chinoise se bat : contre Trump, pour les droits LGBT… Elle s’expose et se questionne : comme le documentaire de Fan Popo ou les photographies de Pixie Liao. Du côté de l’industrie de la mode, Sylvia Chan, directrice artistique du groupe Mad Design, évoque des talents émergents qui viennent « défier les grandes maisons étrangères ». Chanel, Prada : des marques de luxe qui font encore fois, mais qui désormais possèdent leurs propres rivaux à Shanghai, la perle de l’orient.
Voyage en mer de chine, après Andy Warhol en 1982 , ou Coco Capitan plus récemment. Plein de vague à l’âme : la Chine n’est ni passive, ni contemplative. Elle nous renvoie de plein fouet à nos fantasmes de Lolita pop surlookée et guerriers impériaux impérieux. La modernité trouve un instant d’expression lors de cet Fashion Week : il ne reste plus qu’à l’écouter.
意树
Shanghai Fashion Week : un étalage au complet des propositions de la modes.
L’exubérance de Dolce & Gabanna; le look strict et minimaliste de marques comme Céline; le look Balenciaga par Demna Gvesalia; le tweed et les perles de Chanel, les robes coutures des années 50, ou les paillettes du soir d’Elie Saab : toutes les gammes de la Fashion Week européenne sont présentes. Chez Wang Feng c’est un défilé de robes du soir, des grands soirs avec tapis rouge. Mu épouse le registre du minimalisme : amour des matériaux bruts, palettes de dégradés de beiges. Hui By Eran Hui, CRZ ou INXX proposent des looks streetwear : entre friperie et nostalgie des années 2000. Oversize, combinaisons de mécaniciens, trenchs et robes délicates : les créateurs asiatiques s’inspirent des tendances qui les entourent et les déclinent à leurs façons.
Shanghai : un jeu sur la déclinaison du thème du voyage
La Chine porte encore le sceau de la crainte, c’est un fait. Les droits d’expressions sont limités, très limités. C’est pourtant de ce chaos que née la créativité. L’espoir rode : chez Heaven Gaia ou Muzkin les mannequins arborent des lanternes en guise de sac à main. L’espoir n’est pas risible : le détachement plein d’humour de marques comme Sirloin ou CRZ le montre. Présente lors de la Fashion Week Parisienne, Sirloin se joue des visions glamourisées de Paris et de la mode, vendues à travers le monde. Trouble du voyage, ou syndrome de Stendhal : une manière d’épuiser les stéréotypes culturels
Shanghai Fashion Week : les silhouettes qui flattent
Anirac
Broadcast
Awaylee
Chamber C+
La technique d’expansion de L’Oréal : observer les techniques de chaque pays et s’adapter pour s’implanter plutôt que d’imposer des besoins inexistants. Shanghai c’est un peu ça: les créateurs sondent ce que les Européens aiment et finissent par envahir nos gardes robes. Appropriation de l’amour pour le chic genderless, les matières nobles, ou l’oversize. Flatterie dans les inspirations, et flatterie dans des coupes qui tiennent d’un savoir-faire propre aux orientaux.
Si finalement la réponse à cette absence de médiatisation était un problème d’identification. À force de se cramponner à des références rassurantes, à force de ramener tout aux grandes maisons de coutures françaises, on avait presque oublié qu’autre chose existait .