Loïc Prigent a l’oreille fine et sélective.
Du 25 février au 2 avril, les choses entendues qu’il a glanés au Bon Marché Rive Gauche font l’objet d’une exposition inédite : « Entendu au Bon Marché » par Loïc Prigent. Installation dans un espace graphique, immaculé, d’objets blancs imprimés en noir des meilleurs « mots » des visiteurs du magasin. Jolie manière de constater que, s’agissant du langage, drôlerie et créativité sont des dons largement partagés !
Une longue amitié lie Loïc Prigent au Bon Marché Rive Gauche qui a déjà collaboré 3 fois pour le grand magasin. Pour « Entendu au Bon Marché », il s’amuse en terrain familier, rappelant que ce lieu de mode et de culture est avant tout un lieu de vie et d’échange.
Ecoutons‐le : « Entendu au Bon Marché, ce sont des phrases entendues au Bon Marché. Pendant quelques jours, j’ai laissé traîner mes oreilles dans le plus Rive Gauche des grands magasins. Et j’ai entendu tous ceux qui font du Bon Marché un cœur de la vie parisienne. Il y a les habituées très à l’aise, les touristes en pleine découverte de la parisianité, les vendeurs chevronnés, les vendeuses avec de la gouaille, les enfants momentanément délaissés : » Tu es perdu ? Où est ta maman ? ‐ Elle est aux chaussures ! » Il y a la légèreté, il y a la frivolité, il y a la cocasserie, il y a le bon sens. C’est une insouciance que l’on entend, on est dans un lieu à part : » C’est un manteau sublime dans lequel rien de grave ne peut t’arriver. » Un lieu propice : » Je déteste ma nouvelle coiffure, je suis déstabilisée. J’ai besoin qu’on me mente. » Un lieu où l’on se construit des défenses et une carapace efficace : » C’est joli ce que tu portes. ‐ Je sais. » La phrase assez courante et qui fait gentiment bondir le personnel c’est : » C’est vous la caisse ? » Il a fallu qu’on me pose cette question que j’avais sans doute déjà posé pour que je réalise la drôlerie de la chose, et aussi que je passais un peu trop de temps au Bon Marché. » Je veux un talon qui fait un beau bruit sexy quand je marche. » Oui, bien sûr, c’est évident, et on comprend exactement ce que cette cliente veut dire, de l’effet qu’elle recherche, pour elle comme pour les autres. Il y a le monsieur très châtelain avec la voix de baryton qui tonne : » Trouvez‐moi un chandail ! » à un vendeur, et un autre à qui il ne faut pas demander sa taille : » Mais comment voulez‐vous que je le sache ? » Tous les jours, des histoires comme cette femme qui refuse de sortir au moment de la fermeture parce qu’elle doit encore trouver son écharpe et qu’elle a un avion pour Moscou le soir même. Dans sa logique, le Bon Marché ne doit pasfermer avant que sa nuque soit protégée du froid russe. Le Bon Marché est un univers parallèle, un monde protégé où on vise l’idéal : » Je voudrais des gants qui montent » demande une dame extrêmement chic. Son amie qui l’accompagne cherche » un sac pour aller au théâtre ce soir « . J’ai aussi beaucoup aimé écouter ce monsieur abandonné parson épouse sur un des fauteuils Le Corbusier au pied des escalators d’Andrée Putman. Plutôt qu’un long discours, il se contentait de ronfler paisiblement, se sentant décidément très bien au Bon Marché. » Loïc Prigent Dans un espace entièrement blanc, comme une page d’écriture, T‐shirts, mugs, casquettes, tote bags, crayons, torchons, briquets, cartes postales, allumettes, boules à neige… imprimés de phrases noires « Entendues au Bon Marché Rive Gauche par Loïc Prigent » composent une installation sobre et efficace, quasi conceptuelle : une accumulation d’objets quotidiens, bon marché, ludiques et esthétiques. Dans les vitrines, sur de grands panneaux d’affichages des phrases s’inscrivent et se défont, avant‐goût de ce voyage au pays de Loïc ! Partout dans le magasin, en haut de l’escalator, dans une cabine d’essayage, au détour d’une allée, les mots nous suivent, accompagnent notre flânerie de leur singulière et réjouissante mélodie.