Agitations, évolutions, changements : le paradis de la mode est troublé. Trouble dans le genre. Trouble dans la nature du débat. Après une Fashion Week où de nombreuses marques se sont converties aux défilés mixtes, que faut-il attendre ?
Chaque parcelles de la mode pose question : rassembler hommes et femmes sur un même podium peut porter à controverse, même si cela n’a rien de nouveau. No Gender, unisexe, mode mixte, androgyne : tout un arsenal de qualificatifs qui sont utilisés à tort et à travers . Des qualificatifs qui n’ont rien de neufs dans cet univers. Encore faut-il les comprendre.
Réduire par deux le nombre de défilés, où le multiplier : une question plutôt pratique que symbolique.
L’économie de la mode et ses nouveaux ennemis.
Le véritable problème n’est pas l’identité de genre : depuis longtemps la mode joue avec. Les hommes de Jean-Paul Gaultier où Marc Jacobs portent des jupes; Yves Saint Laurent réinvente le smoking version féminin. Inverser les codes : cela ne choque plus vraiment. Les icônes androgynes sont devenues si récurrentes qu’elles paraissent ennuyeuses. Donc pourquoi encore séparer les défilés?
D’autant plus que le monde du luxe doit faire face à de nouveaux ennemis et revêtir des accessoires moins vaniteux pour ne pas paraître obsolète. En effet le luxe doit répondre à une demande globale où les individus revendiquent de plus en plus leurs particularités. En même temps, il faut faire face à la fin des saisons et des climats et concurrencer la fast-fashion.
Attention nouvelle vision du marché du luxe. Écologie, grande distribution, accélération de la circulation des biens et des savoirs : une rhétorique toute droit sortie du répertoire altermondialiste !
Continuons avec un jargon politique : en diminuant par deux les défilés les marques limitent les dépenses. D’autre part, casser la cadences actuelle des défilés offre l’opportunité d’émerger à de nouvelles marques, et évite le burn-out chez les designers.
Les arguments se bousculent… Comme le « mixte » est méchant.
Trans/ Uni /No : la valse des appellations
Mixte : qui es-tu ? Il y a un an The Corner inaugurait un espace baptisé « No Gender » et Zara livrait sa première collection unisexe « Ungendered ». Les vêtements proposés sont des basiques qui s’accordent aussi bien à la garde-robe masculine que féminine.
Transgenre : transcender les codes traditionnellement accolés- les symboles porteurs de différences. Un exercice qui n’est pas nouveau. À ne pas confondre avec le cas « androgyne ». Ici les codes sont subtilement mélangés…Question de degré et d’échelle. Le débat n’est pas de savoir si la silhouette Slimane est plutôt transgenre où androgyne. Le coeur du problème : les défilés mixtes signent-ils l’arrêt de mort de tout ce jargon en le normalisant ?
La mode, le scandale, le scandale et la mode. Une vielle paire qui fait toujours recette et que les défilés mixtes ne stopperons pas. Si un créateur souhaite faire le buzz il le fera. Ayons confiance dans la capacité de la mode à perpétuellement nous étonner.
Chaque marques trouve son rythme et sa formule . Mixte ne signifie pas mode mixte, ne signifie pas la fin de toutes différences entre les silhouette ni même leur normalisations.
À chaque label son modèle
ANCOR
Vêtements Agender, pièces asexuées. ANCOR fait le pari de pièces pour tous, où la qualité prime. Des tissus confortables, des coupes travaillées : des basiques intemporels revisités par un jeune label plein de verve.
Zoobeetle
Autre marque autre logique: chez Zoobeetle les accessoires ne sont pas uniquement réservés aux femmes. Les créatrices lancent une ligne pour homme à l’heure ou les demandes de ces derniers se diversifient. Qui pense encore sac= femmes ? Zoobeetle répond aux demandes masculines avec des pièces travaillées.
La mode n’a pas attendu pour faire sa révolutions. Y/project joue sur le trouble, VETEMENTS ne parle pas de genre, Slimane crée des allures. Tout s’adapte, tout se recycle mais la magie ne disparaît pas. Les conservateurs pourront se servir des défilés mixtes pour accentuer les différences et les traditions propres aux gardes-robes. Les autres nous surprendrons : ce sont eux qu’on appellent « créateurs ».