Comme dans tous les contes, il y’a ce moment de suspension ou tout s’oppose au protagoniste. Il s’agit d’un instant de test; une épreuve durant laquelle le héros devra rester fidèle à ses convictions.
Retour sur l’après Villa Nellcôte. Que faire des photographies ? Retour sur les obstacles et retour sur la relation de confiance qui se tisse entre les Rolling Stones et Dominique Tarlé.
EPISODE 3 : L’AMATEUR RENCONTRE LES » PRO »
Le départ de la villa Nellcôte c’est le retour à une vie d’artiste « saltimbanque ». Dominique a vécu le rêve de tout adolescent : il a fait de ses idoles des complices chers, des amis de confiance. Un conte si merveilleux qu’il ne se dissout pas dans la réalité morose des directeurs de presse qui ne prennent plus la peine « d’y’croire » . Paris : fin de la suspension de la rationalité. Ici il faut faire du blé. Un jeune gringalet aurait fait des photos des Rolling Stones : impossible. Maisons de presse, magazines de musique : « Reviens plus tard, et arrête de faire les poubelles de tes concurrents ». Alors ces photographies deviennent un trésor qui restera enfermé dans un coffre que Dominique gardera précieusement pendant près de trente ans. Si personne n’est prêt à voir cela, tant pis! Dominique ne perd pas espoir et continue sur sa lancée. Il suit les groupes qui le passionne, ceux qui brûlent, vivent la musique: ceux dont la véhémence et l’ardeur cèdent les clichés les plus mythiques .
Si personne n’est prêt à voir cela, tant pis! …
Il ne perd pas le contact avec les Stones, qui ne se lassent pas de ses prises de positions à l’encontre de tout le buisness. Si Dominique apprécie tant l’excentricité des Britanniques, cette capacité à passer de God Save the Queen à la mini-jupe ; du look « preppy « au look « punk »; c’est que Dominique est habité par la même verve. Il ne vendra pas ses photos au premier venu : leur usage est exclusif aux Rolling Stones. De même il ne se mettra pas à faire des photos de commande pour promouvoir « l’image naturelle » d’une vedette en perte de vu, et n’ira pas au concert des idoles du jeunes du top 50 . Il restera lui même, dans toute sa modestie excentrique.
Un prince de la photographie perdu dans le royaume des idolâtres. Un homme qui ne se complaît, ni se plaint. Pourquoi faire le portrait de quelqu’un qui ne l’intéresse pas ? Remplir de cahier des charges, occuper des pages, illustrer à tout hasard’un récit dont on ne tient plus les reines : des tâches préfacées qui n’ont rien à voir avec le geste photographique. Même une traîtrise du public.
Ses yeux ne sont pas des flaques submergées par le pognon.
L’un des éléments qui fait une bonne photographie, c’est le regard d’amour que porte le photographe sur son objet. S’il ne l’aime guère le résultat sera médiocre et personne ne sera satisfait. Keith Richards l’a compris : il se donne tel quel à Dominique qui lui offrira en retour ses plus beaux clichés .
Pour Dominique c’est sa son boulot: ne pas être un photographe mais être un amateur. Garder l’oeil de l’enfance, ramener le public à la magie d’une époque. Dans les yeux de Dominique passe la lueur des années à la villa Nellcôte et de toutes ses aventures. Ses yeux ne sont pas des flaques submergées par le pognon.