L’éveil – Line Papin
Stock – 18,50€
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« Avec lui seul, l’homme neutre, je retrouve la douceur d’Asie, la tendresse, la joie entière. Désormais, tout se mêle en lui, le pays, la chaleur, et je ne sais plus lequel de lui ou du pays a nourri l’autre, pour moi, de son amour. Là où nous étions, c’était la langueur des longues journées qui se traînent, c’était le souffle tiède et le bruissement de l’eau sous les pales vibrantes ; des journées de charbon, des journées de pierres plates et brûlantes… Tout encore, il me semble, est dans sa peau, là, sous sa peau, l’humidité, l’amour, la fumée des motos, des fourneaux, les tabourets en plastique, les chevilles pliées, ployées sur leurs tendons et les peaux hâlées, les peaux jaunes, les peaux brunies, les peaux cornées, séchées, usées. » (pages 63 et 64)
J’ai terminé L’éveil dans la ligne 5 du métro, direction Bobigny, il y a presque deux semaines. En refermant ce premier roman, j’ai acquiescé de la tête. Indiscutablement, il s’agissait d’un de ces très bons livres. J’ai laissé passer un peu le temps, comme c’est agréable, et j’ai choisi d’orienter cette chronique, ce billet (comme dit toujours Amandine), uniquement sur les souvenirs et les restes (dans ce qu’il y a de plus positif) – qu’on peut avoir après une lecture.
Hanoi ou Hanoï, son climat à la fois tropical et humide. Une chaleur constante, poreuse, dans laquelle évoluent, migrent et se bousculent quatre personnages – deux filles et deux garçons. L’éveil – même si ce n’était pas le choix originel du titre – pour signifier un premier rendez-vous avec la sensualité et la sensorialité. Un truc en quête de sens sous le feu de la vie. Un climat de pure découverte et un trop plein d’émotions brûlantes, qui ne laissent place à aucune forme de routine, puisque tout, sublime comme sensible, jaillit pour la grande première fois.
3 ans d’écriture, de fragments de texte, entre 16 et 19 ans, pour venir rafler la mise, deux ans plus tard : le prix littéraire de la vocation, destiné à aider un jeune romancier âgé de 18 à 30 ans. L’éveil témoigne d’une maturité littéraire sans pareille et d’une justesse rare dans la connaissance des émotions (perception, compréhension, expression, contexte). On a beaucoup (beaucoup) de mal à croire à l’idée de la débutante, et de son premier roman. Tantôt sombre et nihiliste, tantôt lumineux et hédoniste, L’éveil est la pépite – corrosive et sensuelle – de cette rentrée littéraire 2016.
Elisa Palmer