La consécration de la Belgique : Raf Simons , Martin Margiela …La Belgique définie par son minimalisme, son goût pour un romantisme gothique, ses lourds bâtiments et ses frites cuites en deux temps.
Depuis quelques années la mode parisienne semble être envahie de toute parts par des visionnaires Belges. Dernier en date : Demna Gvasalia propulsé à la tête de Balenciaga.
Pour autant peut-on parler d’envahissement , ou le phénomène a-t-il toujours été présent ?
L’amour entre la Belgique et l’art : une vielle histoire. De grandes écoles, souvent pionnières, que ce soit en peinture, sculpture ou mode.
Dans les années 80, les six d’Anvers (Dries Van Noten, Dirk Bikkembergs, Marina Yee, Dirk Van Saene, Walter Van Beirendonck et Ann Demeulemeester) s’emparent peu à peu du monde de la mode pour s’installer définitivement au cours des années 90.
Anthony Vacarello, (aujourd’hui bras droit de Donatella Versace), ou encore Raf Simons et Kris Van Assche, changent les manières de concevoir la mode et ne tardent pas à se hisser à la tête des grandes maisons françaises.
Le tournant majeur est sans doute l’arrivée, début 2000, de Walter Van Beirendonck à l’Académie d’Anvers. Ce dernier conçoit la mode comme un large spectre, dans le monde de l’art, qui ne se réduit pas à des vêtements et accessoires. Il est d’ailleurs souvent intéressant de remarquer les parcours pluridisciplinaires des créateurs belges : court-métrage, photographie . Pour la plupart la création artistique se conçoit comme un ensemble ou différentes « disciplines » se rencontrent. D’ailleurs on ne parle pas d’eux comme de couturiers, mais par la dénomination plus large de designer.
Les designers belges du moment : Demna Gvasalia ou Glenn Martens.
Avec VETEMENTS, Demna Gvesalia et ses coéquipiers ( car ici ce n’est pas d’un designer au singulier dont il s’agit mais d’un groupe , d’une équipe) font revivre l’effervescence de années Martin Margiela. Un label pensé pour s’effacer derrière des silhouettes . Pas de nom, pas d’éléments liés à la marque. Elle s’efface, et devient l’ombre des silhouettes. Ce principe fait son retour. Le mystère. Cependant les propositions sont belles et bien nouvelles; pas du Margiela réchauffé ! Mais l’inscription dans un même paradigme. Paradigme Marginal ? ( Amusant, le correcteur orthographique remplace de manière automatique le nom du créateur( Margiela) par cet adjectif. Révélateur ? )
Une esthétique qui attire les protons de la mode. Pour le groupe Kering , les choses deviennent un peu poussiéreuses et usées : ainsi ils veulent participer à ce nouvel élan et concrétiser sa mise en vie. Demna Gvasalia, bienvenu chez Balenciaga.
Retour sur un autre duo Belges et sur leur dernier défilé: Y/Project
Une marque, un projet : c’est en 2010 que Yohan Serfaty lance Y/Project avec une collection pour homme. En 2013, Glenn Martens rejoint le navire et Y/Project s’ouvre aux femmes. Glenn Martens, un nom à retenir ; un créateur dans la veine de Demna Gvasalia .Ceci n’est pas un hasard : tout deux ont étudié à la royal academy of fine Arts Antwerp …
On le voit depuis un mois : la mode est arrivée à un tournant.
Les têtes changent, les manières de faire aussi. La conception d’une collection ou encore du style, sont en train de connaître un profond tournant. Y/Project s’inscrit totalement dans cette veine . Les vêtements sont pensés pour créer des silhouettes, des styles, ou la rue -l’underground- est aussi inspirante est noble qu’une autre source . La rue devient une revendication : un mot clé. Tout comme vintage, easy , décontracté. De même les collections n’ont plus à obéir aux saisons, ou aux genres …Après tout pourquoi tout fragmenté ?
L’artifice du négligé pour certains, un simple rappel du début des années 90 et des années Cobain pour les autres…Simple rebellion ? Ou fondation d’une nouvelle vision de la mode ? A vous de juger, en tout cas retenez Y/Project.
Pour la collection printemps été 2015/2016, c’est au Gibus que les mannequins fendaient le brouillard pour se tenir, tel les mannequins en vitrine, sur des plate-formes. Le Gibus : un lieu de rendez-vous qui semble bien convenir à l’esprit de la marque. Un lieu qui vit l’émergence de musique à contre-courant qui ont marqué leurs générations : D’iggy Pop à Lou Reed au Rock’nRoll friday de Manoeuvre.
Ambiance un peu dark, et dramatique : base de la marque à allier à des silhouettes élégante. Une dualité, une ambivalence motrice d’Y/Project. Des vêtements portables, des ornements superflus, pour homme et pour femme.
Grands impairs et robes de soies recomposées ;jeans et shorts tailles hautes; des chemises et des vestes droites à porter avec de l’argenté ou des sweats. Pour résumer: ce que vous piochez, et qui vous donne un « je ne sais quoi » d’unique et inimitable, tout en ayant l’air de rien. Une impression de facilité. La mode des paradoxes ; si c’était cela le nouveau mot d’ordre.