Le défilé très attendu d’Eymeric François le 9 juillet dernier a clôturé en beauté la semaine de haute couture parisienne. Ce fut dans la nef du Palais Brongniart sur la Place de la Bourse que le défilé pris place donnant quasiment suite à celui de Zvonko Markovic qui le précéda d’une quinzaine de minutes à peine. Mais de toute évidence Monsieur François était assez confiant pour passer directement après le créateur Serbe, car plus qu’un défilé c’était un véritable cortège qu’il avait méticuleusement orchestré pour un public éveillé mais surpris. Tel un opéra classique, le défilé fut composé de trois actes, chacun détenant leur quota dramatique respectif.
Le premier acte répondait à toutes nos attentes puisqu’il dévoila la nouvelle collection ‘Noir Désirs’ Hiver 2015-2016. La signature de celle-ci est dans sa composition de robes et d’ensembles bi-chromés : Le noir vient se mêler continuellement à la couleur. Au début ce fut un jaune cadmium qui vint s’immiscer timidement à un ensemble noire sous forme d’accessoires : gant, ceinture, plumes. Puis progressivement il vint s’imposer en chemisier pour enfin devenir partie intégrante d’une robe, reprenant ainsi le dessus sur l’obscurité. Ce schéma se reproduisit avec un turquoise légèrement fluoré, puis un bleu roi tirant vers l’électricité du bleu Klein, pour finir avec un dégradé de mauve qui s’étira vers l’orange en passant par le rouge.
Les duos de couleurs sont emplis de liberté et de fougue, car comme l’appellation de la collection l’indique il s’agit du noir profond qui attise la couleur estivale. Un choix bien impertinent pour une collection d’hiver. Néanmoins les matières choisies (velours, soie, mousseline fine), les volumes (impérieux et amples) ne trahissent pas l’esprit de la saison. La taille est toujours marquée à la ceinture, et le coup et le décolleté est toujours mis en avant soit en étant découvert soit en étant imprégné d’un col ou d’un ruban. Ainsi la simplicité du bicolore laisse toutefois place à une stylisation recherchée et à une silhouette féminine travaillée dans le moindre détail. Eymeric François reste fidèle à lui-même et à sa vision de la femme tout en imposant une redécouverte de l’usage des couleurs.
Le deuxième acte fut marqué de suspense et de surprise à la fois avec une interprétation inattendue d’un requiem extrait de l’opéra couture de la Salle Pleyel de 2010. L’artiste lyrique aux allures baroque était paré d’un manteaux de bocard léopard noir, d’une robe de taffetas de soie et plumes d’autruches, d’une grande robe de crin noir et d’un bustier d’aluminium lacé, et enfin d’une robe tatouée de passementerie noire et violettes. Chaque ‘couche’ furent dévoilé grâce à deux escortes masculines qui la ‘débarrassèrent’ graduellement de chaque parure. Cet entracte ne faisait qu’annoncer la démesure de la suite à venir.
Le troisième acte, le plus long et le plus impressionnant, réunissait une rétrospective d’une sélection de 34 des plus belles pièces du créateur, comptant notamment la fameuse robe de mariées aux ceintures de cuire blanche de tulle. L’ensemble démontre l’intemporalité des pièces car il est impossible de savoir avec certitude si elles proviennent du passé ou du futur. Par moment on se croirait sur les planches de Deauville à la Belle Epoque, à d’autres dans un opéra futuriste qui va au-delà du cinquième élément de Luc Besson. Le tout reste fondamentalement innovant, spectaculaire, mais surtout dramatique car il laisse une impression profondément désarmante et émouvante.
Crédits photo : Pierre Sénard