Il y a quelques semaines, nous nous envolions au paradis des gourmets : la région de Parme, à la découverte du Parmigiano Reggiano et du Jambon de Parme. Ce voyage allait nous plonger dans les coulisses de la fabrication de ces deux produits de luxe qui régalent nos papilles.
Pour se rendre dans cette magnifique région et cette ville bourgeoise de Parme, il faut vous rendre à Milan, ville culturelle et économique incontournable d’Italie. A un peu plus d’une heure de route, vous trouverez Parme.
Parme est une ville hantée par son histoire, ses illustres rois, reines et empereurs tels les Farnèse, les Bourbons, et Napoléon. Cette ville qui a su rester au coeur de toutes les attentions depuis le Moyen Age est aujourd’hui encore une ville riche et bourgeoise, cette richesse Parme la doit à deux trésors : le Parmesan et le Jambon de Parme.
Nous commençons donc notre voyage culinaire dans une trattoria renommée de Parme appelée Cocchi où nous dégustons des spécialités locales pour accompagner le Parmesan et le Jambon
S’en suit une balade des plus instructives dans la ville de Parme. Nous commençons par le Teatro del Reggio où sont donnés depuis des siècles les Opéras les plus importants d’Italie ainsi que l’illustre Palazzo Farnese où avaient lieu les naumachies( batailles navales spectaculaires) et les événements illustres de la ville. Nous faisons aussi un arrêt à la fameuse cathédrale de Parme pour voir la coupole de Corregio, maître de la renaissance et du trompe l’œil.
Après un Spritz bien mérité sur la place centrale de la ville, nous allons déguster d’autres specialités au restaurant la Greppia
La journée suivante est consacrée à la découverte du process de fabrication du Parmigiano Reggiano et Jambon de Parme.
Rendez vous donc dans une ferme de la région pour suivre la production du matin de parmesan.
Le Parmigiano Reggiano est une légende ! Ancrée dans le réel, celui des vaches, des champs, d’un terroir, des fromageries, des caves, des hommes qui font le roi des fromages. Des pâtes à l’italienne sans sa présence goûteuse et onctueuse ? Avec ou sans ? Mais c’est le jour et la nuit ! Il donne à un risotto aux truffes une force inimitable. À l’apéritif, il câline le palais. Il trône sur les plateaux de fromages. Il fait de simples salades mélangées un régal de haute gastronomie. Friandise jadis d’une petite élite, le Parmigiano Reggiano a fait du chemin. Ses bienfaits nutritionnels, le plaisir qu’il procure sont à la portée de tous. Sa diffusion le fait entrer dans toutes les cuisines.
En France, on l’appelle Parmesan. Or il n’est qu’un seul vrai Parmesan, authentique, cent pour cent nature. C’est le Parmigiano Reggiano.
Un fromage à pâte dure, cuite, non pressée et à maturation longue (24 mois en moyenne). Cette maturation prolongée par l’affinage (18, 22, 30 mois et jusqu’à 48) lui donne une stabilité qui en fait le seul fromage embarqué dans la mission Mir. Contre vents et marées, il conserve inaltérés son capital nutritionnel, la splendeur de son goût et sa haute digestibilité. D’autres fromages italiens, les grana, venus d’autres zones, en ont la forme, mais ne sont pas lui. Aucun ne saurait égaler le Parmigiano Reggiano, tant du point de vue gustatif que nutritionnel.
Sa croûte naturelle, piquée de lignes de pointillés, est marquée au feu du sceau du Consortium du Fromage Parmigiano Reggiano, le laissez-passer des producteurs de Parmigiano Reggiano réunis. Il jouit d’une A.O.P. européenne. Le long de l’axe d’or des produits merveilleux — songeons au Prosciutto di Parma, le « roi des jambons », ou au Vinaigre Balsamique Traditionnel de Modène et de Reggio Emilia –, depuis neuf siècles, le mode de confection du Parmesan n’a pas varié : ingrédients naturels, soin artisanal indéfectible. Et du temps, encore du temps.
Son histoire est l’épopée d’hommes et de femmes inventifs veillant à transmettre des gestes et un savoir-faire qui font partie de leur corps et de leur mémoire. Une histoire de solidarité aussi. La chaîne humaine se perpétue : producteurs de fourrages et de lait, maîtres fromagers et maîtres affineurs, tous allient leur énergie, leur générosité, leur franchise pour produire le meilleur fromage du monde. De grands mots pour un chef-d’oeuvre naturel. Une épopée !
LA LONGUE CONFECTION DU PARMESAN
Il ne se fabrique pas, il se fait. Les fromageries développent une activité artisanale. Les phases de fabrication reposent sur le travail de la main, l’observation, l’expérience, la mémoire. Le tout dans l’observance d’un strict cahier des charges et de règles d’hygiène drastiques.
La beauté des bâtiments, des instruments, des cuves, des gestes mis en oeuvre pour la fabrication du fromage attestent d’une longue passion et d’un goût de la perfection.
1. Lait
Le lait de la traite du soir, partiellement écrémé par affleurement naturel des matières grasses, est mélangé dans les chaudrons de cuivre, en forme de cloche renversée, au lait entier du matin suivant.
2. Séro-ferment
Le lait chauffé à 33-35°C reçoit le séro-ferment, culture naturelle de ferments lactiques obtenue à partir du lactosérum (petit lait) prélevé lors de la fabrication de la veille.
3. Présure naturelle
La présure (enzyme naturelle issue de la caillette de veaux non sevrés) fait coaguler le lait en 10-12 minutes.
4. Rupture du caillé
Entrée en scène de l’étonnante spinatura, tranche-caillé traditionnel, maniée avec un geste de gondolier. Le caillé est brisé en petits grains.
5. Cuisson
Le maître fromager élève la température de 33- 35°C à 55°C, en 10-12 minutes. En une heure, les grains de caillé forment une masse compacte au fond du chaudron.
6. Extraction et moulage
La masse est partagée en deux dans une toile de lin. Chaque partie est placée dans un moule traditionnel, la fascera, et s’égoutte pendant 2 à
3 jours.
7. Marquage
Le marquage s’effectue en deux temps. 1er marquage : la plaque de caséine apposée sur chaque meule fraîche comporte le code d’identification univoque (année de production), les lettres CFPR (Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano), le code alphanumérique et/ou les flashcodes. Elle permet l’identification de la meule et assure sa traçabilité. 2e marquage : le premier jour d’égouttage, la matrice de marquage circulaire introduite entre le fromage et le moule grave sur le pourtour talon du fromage les lignes de pointillés typiques, le nom Parmigiano Reggiano, le matricule de la fromagerie, le mois et l’année de production, enfin les mentions DOP (AOP européenne) et Consorzio Tutela (Consortium de Tutelle).
8. Salage et déshydratation
Les meules sont plongées dans une solution saturée en sel pendant 20 à 25 jours, à une température de 18°C, point de fusion du lait. Elles partent dans les caves de maturation et d’affinage.
9. Affinage
La maturation de 12 mois commence. La température en cave d’affinage est maintenue à environ 18-20°C.
10. Expertise
Toute meule subit, avant de recevoir l’AOP, une série d’expertises visuelles et sonores. Les meules reçues par les experts sont marquées au feu d’une inscription ovale portant « Parmigiano Reggiano Consorzio Tutela » et l’année de production en clair. Les meules ne répondant pas aux critères de sélection sont déclassées, leur croûte blanchie.
11. MATURATION ET AFFINAGE
Dernier de la chaîne : chez le maître affineur. Complexité des arômes, structure, fromage de garde : les mots du vin sont en harmonie
avec le Parmigiano Reggiano. Comme le vin, il est le produit d’un terroir, d’un climat, d’une technique qui touche à l’art au moment de l’élaboration et de la longue période de maturation. Les 12 mois de la maturation première sont un tronc commun pour toutes les meules. Or le
Parmigiano Reggiano acquiert sa spécificité avec l’affinage, pendant lequel le fromage se bonifie. 18 mois, 22 mois, 30 mois, sont les classes labellisées sur les marchés. Mais l’affinage peut atteindre 36, 48 mois et bien plus encore. La moyenne de maturation observée à la vente est de 24 mois. Le fromage s’affirme en complexité, en structure, en texture. Les arômes évoluent et se modifient, la friabilité et la granulosité typiques annoncent une digestibilité de plus en plus grande. Sous la croûte naturelle, le mystère opère.,Vivantes, les meules joufflues s’alignent, dans les caves d’affinage, sur des rayonnages de bois où elles sont dorlotées, retournées, brossées, caressées…
La musique des meules
Au cours de la période de maturation et d’affinage, les meules reçoivent la visite d’experts. À l’oeil, ils évaluent les meules. Mais aussi à l’oreille, en les frappent de leur fin marteau. Si le son est disharmonieux, ce qui est très rare, un vide s’est formé dans la pâte et la meule est écartée. Le son est-il clair et harmonieux ? Tout va bien sous la croûte. C’est la musique du Parmesan. La plus grande partie des meules prendra la direction de l‘affinage, une petite partie sera déclarée Parmigiano Reggiano « Mezzano», à consommer sans attendre dans des préparations culinaires.
Les meules et les banques, un système unique de solidarité
Le terroir du Parmigiano Reggiano, l’Émilie-Romagne, conserve une tradition qui remonte à l’organisation bancaire du Moyen Âge et de la Renaissance, et des rapports établis alors entre producteurs et établissements financiers. Les meules de fromage sont en effet la garantie des emprunts opérés par les producteurs ou autres revendeurs, dans l’attente d’un produit qui aura mis en moyenne 24 mois pour arriver sur le marché. Les meules sont alors déposées dans des caves d’affinage, dont certaines appartiennent à des banques. Dans ce cas, il s’agit, la plupart du temps, d’un dépôt de garantie : le propriétaire récupère ses meules à échéance du prêt qu’il a contracté. Dans le cas où le crédit ne serait pas remboursé, la banque aurait la possibilité de vendre les meules qu’elle a stockées.
DÉGUSTATION DU PARMESAN
Comme un grand vin, le Parmigiano Reggiano dégage des arômes, révèle des saveurs, possède une structure, une matière, qui dépendent de sa durée de maturation. Comme il le ferait pour un grand vin, un dégustateur comparera divers fromages de durées d’affinage différentes, trouvera les mots pour en parler, imaginera les moments les plus propices pour en savourer toute la splendeur.
Parmigiano Reggiano de 18 mois d’affinage
Le lait est encore présent dans les arômes, avec une fraîcheur d’herbe, et, au goût, une touche d’acidité, de yaourt. La granulosité est déjà sensible dans la pâte encore tendre et élastique. En copeaux, c’est l’ami des salades, des sauces, des compotes de fruit ou d’une panna cotta… À l’apéritif, il accompagne un vin blanc sec, un chardonnay bourguignon, un champagne. Il s’allie avec des fruits, telles les pommes, les poires. Il est le préféré des tout-petits, qui apprécient sa franchise et, déjà, sa friabilité. Idéal pour un encas ou le goûter des enfants.
Parmigiano Reggiano de 22 mois d’affinage
La maturation a fait son oeuvre. Les arômes de fruits secs, d’agrumes, d’épices et de beurre fondu imposent une vraie nature sensuelle. La structure en écailles s’affirme, il est devenu fondant, la granulosité est importante, avec l’apparition de cristaux de tyrosine annonçant une excellente digestibilité. Il est équilibré au goût, où se mêlent douceur et saveurs intenses.
Râpé ou en copeaux, c’est l’ami des pâtes, des risottos, ou sur un joli plat de légumes de saison. Il aime les noix, les noisettes, exalte le raisin, noir ou blanc.
Avec 15 g de Parmesan râpé sur une assiette de pâtes – soit environ 30 centimes d’euro (20 euros/kilo en grande distribution) -, quel plaisir et quel régal pour les petits et les grands ! Il lui faut, à la dégustation, des vins rouges structurés tels qu’un Chianti classico, un Porto vintage, un Crozes Hermitage…
Parmigiano Reggiano de 30 mois d’affinage
Encore plus déshydraté, la friabilité, la granulosité augmentent, les cristaux de tyrosine se multiplient et s’agrandissent. Ces qualités sont l’apanage d’un grand fromage aux arômes de beurre, de noix de muscade, d’ananas. On le déguste avec des fruits secs, surtout des pruneaux, ou en copeaux sur une salade de fruits relevée de Vinaigre Balsamique Traditionnel de Modène ou de Reggio Emilia. Il est indispensable à la confection des tortelli et autres pâtes farcies. La croûte pourra être cassée et plongée dans la préparation d’un bouillon de légumes. Il lui faut des vins rouges structurés, tels le Sangiovese di Romagna, l’Amarone, un Rioja, un Malbec argentin ou un vin local, le Gutturnio.
Parmigiano Reggiano stravecchio, de 36 à 48 mois
Fromage sec, aride même, friable, granuleux, sablonneux parfois, dont la saveur parfois piquante entraîne sur les chemins du sublime, avec des notes de poivre et de fruits secs inédites. Il appelle de grands miels, pour des alliances inouïes, les grands Vinaigres Balsamiques Traditionnels qui, d’une goutte sur un éclat, causent des révolutions de palais. Les vins qu’il aime sont de grande garde, comme lui, Brunello, Barolo, ou un grand cru classé de Margaux, un Château Palmer par exemple. Et aussi, des blancs liquoreux : Albana di Romagna, sauternes ou xérès oloroso. Le Parmesan se marie aussi avec les cocktails non alcoolisés et les jus de fruit – tomate,
poire, pomme – ou une eau minérale légèrement gazeuse.
Pour plus d’infos sur le Parmigiano Reggiano : Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano www.parmigiano-reggiano.it
La suite dans un prochain article, on vous parlera de Jambon de Parme