Bruxelles expose pour la première fois YSL. L’espace ING en coopération avec La Fondation Pierre Bergé-YSL accueille l’évènement et devient un réel écrin pour de somptueuses et intéressantes pièces. Incontournable, fascinante, l’exposition permet d’entrapercevoir encore d’autres facettes du créateur.
Yves St Laurent Visionnaire, met en exergue son acuité à innover, sa témérité à redéfinir une autre mode, celle des femmes actives et entreprenantes. Pièce par pièce, les codes de la Maison ST Laurent sont révélés. Pas à pas, sont évoqués L’éclatement des couleurs, sa capacité à Dessiner une époque, L’Alchimie du style caractérisant son style etc,..
Le néophyte et l’amateur ne seront pas déçus. Ils se délecteront des pièces inédites et de l’approche incitant à découvrir un univers atypique, celui d’un créatif de talent.
Les Créations iconiques, telle la Mariée de 1965, sont toujours captivantes.
Cependant, en deçà, les Papers Dolls, présentées pour la première fois, pourraient presque leur ravir l’attention du public.
Incroyable document, elles initient à ce cheminement créatif singulier, à cette vocation toute précoce. Adolescent, Yves St Laurent entre en Haute-Couture par le truchement de poupées de papier. S’inspirant d’un jeu de découpage, il met en scène son premier défilé, celui de Yves Mathieu St Laurent, .. Les mannequins sont Bettina, Vera et quelques célèbres jeunes femmes. S’appropriant les revues féminines de sa mère, il détoure les visages, et donne à ces icones de la mode un corps de papier, un corps prêt à recevoir les tenues inventées par lui. De 1953 à 1954, il ’réinvente’ 11 poupées, crée plus de 400 habits et 100 accessoires. A noter, certaines robes dessinées à cette époque ont été réinterprétées et réapparaissent de manière tangible dans les créations du couturier. Ainsi, une robe du soir de la Collection Haute-Couture, Printemps-été 2001, parait très précisément se référer à l’une de Véra. La robe bustier d’organdi blanc, présente le même motif d’ananas. Quasiment 50 ans les séparent. Cinquante ans où Yves St Laurent a su donner corps à son rêve.
Interview de F. MÜLLER, commissaire de l’exposition
1- Après Paris et l’Exposition YSL au Petit Palais, vous êtes la commissaire de l’Exposition, Yves St Laurent Visionnaire, à l’espace ING Bruxelles. Quand avez-vous ‘découvert’ le travail de Mr St Laurent ? Enfant ?
En effet, je l’ai découvert enfant. Yves St Laurent est en quelque sorte ma première image de la mode. En vacance chez une de mes tantes, une femme très élégante, affectionnant le style St Laurent, j’ai été en quelque sorte ‘initiée’. Elle appréciait particulièrement les robes réalisées avec Claude Lalanne, en mousseline, révélant le corps de la femme, telle une sculpture. (modèle Collection Haute Couture automne 1969).
2- Comment ce projet est-il né ? Certaines personnes m’ont informé que l’Espace ING avait contacté Mr Bergé dès 2008 en vue de présenter le travail de Mr St Laurent. Apparemment, une première exposition avait été envisagée à ce moment. Elle n’a pas eu lieu. Pourquoi avoir choisi 2013, certains paramètres ont-ils changé ?
2013 est une date correspondant parfaitement aux calendriers respectifs de l’Espace ING et de la Fondation. Après la disparition de YSL, l’accent a été mis sur l’Exposition du Petit Palais. Cette dernière rendait hommage au créateur et était d’un grand format. Sur ce dernier point, elle n’aurait pu en rien correspondre avec l’espace ING.
YSL Visionnaire a été conçue de manière radicalement différente une autre optique. Cela correspondait également à l’attente d’ING.
3- Chaque exposition liée à St Laurent s’avère singulière. Chacune présente un intérêt particulier. Vous présentiez à Paris des éléments inédits, à Bruxelles, 80% des pièces sont inédites. Elles sont dévoilées au public et en particulier ces très belles Paper Dolls. Pierre Bergé arrive à donner encore et encore une autre dimension à l’œuvre de ce créateur. Ces éléments le rendent encore plus présent, incontournable, dans la Haute-Couture et le Prêt-à-porter.
Quelles sont vos impressions sur ces Paper Dolls ?
La Maison de Papier ou¨Paper Dolls, est sortie de ses boîtes pour la première fois. Lorsque Pierre Bergé a réalisé des travaux afin d’aménager l’espace de conservation, de nouvelles pièces ont été découvertes. Les Paper Dolls faisaient partie de celles-ci.
Beaucoup de ces pièces inédites ont été présentées à Bruxelles. Par exemple, le contenu de la salle de L‘Alchimie du style est exposé pour la première fois également. Les mannequins de quelques clientes prestigieuses sont mises en évidence. Cela est inusuel. Là, leur nom a été caché aux yeux du public. En effet, un couturier est tenu au secret. Il ne doit en aucun cas révéler les mensurations de ses clientes.
Une seule a accepté de dévoiler son identité, Zizi Jeanmaire. Elle avait un lien très particulier avec YSL.
De la même manière, les formes à chapeau en bois apparaissent aux yeux du public pour la première fois.
Les paper Dolls montrent combien YSL était un adolescent atypique. Il avait une vision de son son destin. Celle-ci lui a permis de dépasser sa timidité. Sa détermination a provoqué les rencontres, celles-ci ont influé sur son destin. Il a été ainsi remarqué par Michel de Brunhoff, directeur de Vogue Paris et puis Dior. Dans ces robes de papier, je perçois de la maturité. Il était déjà professionnel. Il avait minutieusement sélectionné les mannequins, le maquilleur, les fournisseurs, etc.. Il s’agit d’une sorte de répétition générale de ce qu’il allait devenir.
4- Le fond St Laurent est sans aucun doute immense. Nul doute, Pierre Bergé sait ménager l’effet de surprise. Le croyez-vous capable de produire d’autres incroyables documents ?
A l’origine, la présentation de ces nouveaux documents n’a pas été orchestrée par Pierre Bergé. Sans doute a-t-il choisi la rétrospective du Petit Palais, la vente des objets de leur appartement, de ceux du Château Gabriel, de s’associer à ce film, bientôt sur lés écrans, évoquant YSL.
Les circonstances, la découverte de ces nouveaux éléments, a permis leur mise en exergue. Selon le propos d’une exposition, il est plus évident de sélectionner telle ou telle pièce. La Fondation Pierre Bergé-Yves St Laurent dispose d’un fond impressionnant. A partir de là, des sélections se font.
Personnellement, je tenais à réaliser là autre chose. La thématique se devait d’être autre, l’accroche et les pièces présentées également
5- La mise en place, l’articulation des thématiques est inusuelle. La modernité des années 60/70, La Valise d’un voyage en YSL, Dessiner l’époque, L’éclatement des couleurs,.. etc est-ce un moyen de louer le talent de Mr St Laurent pour la Haute-Couture mais également pour le Prêt-à-porter ? Une façon de rendre hommage au génie créatif en lui-même ?
En effet, il en est ainsi. Une des volontés de l’exposition est de montrer le talent, de rendre perceptible son évidence. Un talent perceptible au niveau de la Haute-Couture mais aussi du PAP. Il a eu sur ce dernier un formidable impact. Il a démocratisé l’élégance et la Couture. D’autres expositions l’ont déjà démontré. Son travail au sein de YSL Rive Gauche a été plus facilement ’accepté’. Le smoking de 1966, la collection de 1971, inspirée des années 40, ont très bien fonctionné en Rive Gauche. Par contre, en Haute-Couture, les clientes ont parfois eu des réactions critiques.
6- Quel souvenir le plus significatif avez-vous du montage de cette exposition ?
Je pense au moment où nous avons regardé les Paper Dolls avec Pierre Bergé. Cela a été un grand moment, très émouvant pour lui. Pourtant il est quelqu’un très en contrôle de lui-même mais là, ..
Pour moi, sélectionner les bijoux a été enthousiasmant. J’avais la sensation de découvrir une caverne d’Ali baba tant la profusion était fantastique. Il a été très excitant et amusant de sélectionner les bijoux, de composer le cœur pour obtenir quelque chose de rayonnant avec l’or, l’argent et au centre le bijou porte-bonheur utilisé dans tous les défilés.
De nombreux artisans les ont fabriqués. Les bijoux sont une trace du foisonnement créatif.
Beaucoup de moyens ont été mis en œuvre pour cette création. Loulou de la Falaise a contacté de nombreux artistes ou artisans en fonction des objets à réaliser. Il existait une vraie connivence entre YSL et ces gens. Pour lui, ils désiraient se dépasser.
De nombreuses matières présentes là n’étaient pas, à l’origine, liées à la bijouterie. Je pense, par exemple, à la passementerie. Il en est de même pour la terre cuite. En les intégrant à ses créations, YSL a transgressé les codes en vigueur.
YSL est entré dans le champ de l’Art. Il a sacralisé la mode sous un autre angle. Il en a fait une forme d’art appliqué, digne de contemplation. Pierre Bergé a eu un rôle déterminant dans cette approche novatrice.
7- Auriez-vous quelques mots pour qualifier l’impact d’Yves St Laurent sur le mode, à son époque, et encore maintenant ?
Cela pourrait se résumer à une formule. Sa vision de la mode importait plus que la notion des saisons qui passaient. En premier lieu, il était question d’attitude et de style. Les vêtements et les accessoires servaient le propos de chaque femme. Ils l’aidaient au quotidien mais également lors des évènements exceptionnels.
De plus, la notion de contrainte était inexistante. YSL voulait un vêtement agréable au corps, n’engendrant pas de conflit avec lui. Pour lui, cette condition permettait à l’habit de révéler la beauté de la femme. A l’époque, les autres couturiers n’avaient pas ce type de considération.
8- Cette première exposition à Bruxelles est très réussie. Elle permet au public d’entrapercevoir au mieux le travail d’un créatif de génie. Aimeriez-vous la voir présenter ailleurs en Belgique ?
Pour qu’une exposition ’circule’, des institutions doivent la repérer, désirer la montrer en un autre lieu. Tel a été le cas pour l’Exposition du Petit Palais. Pour l’instant, rien n’a été prévu concernant YSL Visionnaire, mais peut-être..
L’essentiel est ce geste très beau, cette première exposition à Bruxelles. Pour moi, travailler à ce projet a été extrêmement important car la Belgique est un grand pays de mode. Depuis 25 ans, des créateurs belges influent sur la mode au niveau international.
9 -YSL a beaucoup travaillé pour la Haute-Couture et également pour d’établir un parallèle entre la mode et l’Art. Cela est très perceptible dans l’exposition avec L’Art en Mouvement. Cette approche Fashion/Art est plus acceptée à Bruxelles, en Belgique, qu‘en France. Qu’en pensez-vous ?
En Belgique, la mode est plus conceptuelle. Cette approche est naturelle, plus évidente.
10- Quelles pièces préférez-vous dans cette exposition ?
J’aime les modèles d’une grande pureté, un jumpsuit par exemple. J’en ai porté un pour le vernissage car leurs proportions sont parfaites.
J’aime également les effets spectaculaires. Je songe à cette robe présentée dans la grande salle. Elle est très intéressante avec un grand décolleté en fente dans le dos et un renard en fourrure posant délicatement son museau sur l’épaule.
La robe grecque de 1971, jamais exposée jusqu’alors, est une très belle pièce. Sa dominante bleue capte le regard.
Je songe à une ou deux autres,.. En définitive, le jumpsuit l’emporte.
11- Heidi Slimane s’occupe maintenant de designer la ligne femme du Prêt-à-porter d’Yves St Laurent. Il a autrefois travaillé pour lui, pour le prêt-à-porter masculin. Pensez-vous qu’il respecte les codes de la maison ?
H. Slimane est très imprégné par les codes et l’Histoire, celle de YSL en particulier. Il est venu travailler à la Fondation. Il en donne sa lecture, il livre St Laurent à travers le prisme de son propre univers. Il impulse une dynamique et fait revivre l’héritage. YSL a laissé un héritage d’idées fondamentales sur lesquelles on peut travailler indéfiniment. Les smoking peuvent être réinterprétés. Slimane a crée de nouvelles coupes, il a son propre vocabulaire.
12- YSL est très présent dans le vintage. A Bruxelles, plusieurs boutiques permettent aux amateurs de trouver leur bonheur. Comment interpréteriez-vous cela ?
Cela est la preuve de son succès. Il a été énormément aimé et porté.
Yves St Laurent Visionnaire,
31.01/ 05.05 2013
Espace culturel ING,
6 Place Royale,
B-1000 Bruxelles
Afin de parfaire son initiation à Yves St Laurent, le public peut s’aventurer dans quelques boutiques bruxelloises. Il y trouvera dans certaines des pièces vintage du créateur et dans d’autres, des modèles inspirés de ses créations.
Isabelle référence de nombreux créateurs. A ce tire, elle détient quelques pièces d’Yves St Laurent. En particulier, un manteau inspiration trench coat matelassé et une jupe droite d’un rouge vif.
La boutique, toute en délicatesse, parait crée pour parfaire l’élégance non seulement des femmes mais également des hommes.
Vous trouverez là de très belles pièces. Somptueux manteau de satin de soie bleu orné de vision, carrés de soie, offrent des choix diversifiés pour les dames. Et, les messieurs pourront également se réjouir. De splendides cravates en soie leur permettront d’agrémenter leurs tenues.
NOW
Hallelujah
Une très belle boutique dédiée aux créateurs belges à la démarche atypique. Crée par Sonya Noel, elle propose des designers ‘verts’ ou aux concepts commerciaux novateurs.
Sofie d’Hoore y présente un blouson kaki très inspiré de l’esprit YSL.Collection Printemps/Eté 2013
www.bruxelles.be
www.thalys.com
Crédits photo Fondation Pierre Bergé-Yves St Laurent