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Fronton, le vignoble toulousain

by pascal iakovou
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Alors que dans le monde entier on s’obstine à planter les mêmes cépages au risque d’uniformiser le goût,
dans le sud-ouest de la France, non loin de Toulouse, subsiste une poche de résistance : Fronton.
Ce petit vignoble de 2 400 hectares se distingue par sa forte proportion de négrette, cépage qui développe une fascinante intensité aromatique, un mélange enivrant de violette, cassis, mûre, framboise, réglisse et poivre.
Au fil des siècles, ce raisin noir, d’où son nom de négrette, est devenu l’exclusivité de l’appellation Fronton.
La rencontre de la négrette avec son terroir favori donne naissance à un vin unique au monde.

Fronton, en plein Midi du Sud-Ouest
Paraissant à l’écart, mais finalement pas si éloignée que ça des grands axes, entre Garonne et Tarn, Fronton se trouve à un jet de raisin de Blagnac, l’aéroport de Toulouse. La grande cité a beau être proche, c’est un pays de cocagne un peu oublié des guides qui s’offre aux amateurs de calme et de campagne.
Son nom – Fronton – résonne aux oreilles des initiés comme le bruit de la pelote claquant sur le mur que tout le monde dans le Sud-Ouest appelle fronton et face auquel on peut jouer à main nue, à la « pala », ou à la « paleta » de cuir. Coïncidence ?
De retour dans la cité de l’aérospatial, il suffit de clamer Fronton et c’est soudain Toulouse qui s’anime en même temps que Nougaro s’exprime pour nous faire rouler le flot de la Garonne.
Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Fronton est « le » vignoble attitré de Toulouse, celui qui fait régulièrement son show sur la Place du Capitole tout en animant les bars à vins de Saint-Sernin aux Jacobins,
les après match du stade toulousain et jusque dans les cafés du marché Victor Hugo ou de la Halle des Carmes.
Rouge ou rosé, tel les murs de la ville, c’est un vin à nul autre pareil, un cru quasi exclusif que l’on doit à
son cépage emblématique, la négrette.
Un étonnant vin de coeur que le monde entier peut aujourd’hui déguster en songeant à ces agapes
campagnardes chères aux gascons où la convivialité, ajoutée aux produits du terroir, font un éternel bon
ménage après le temps harassant de la moisson ou, jadis, de la récolte du pastel, ou bien encore après le
combat sévère mais fraternel livré tambours battants sur la pelouse d’un terrain de rugby. Dans ce Midi du
Sud-Ouest que l’on invente volontiers dans sa tête et qui pourtant est si réel, il y a des rites et des traditions
auxquelles il ne faut déroger. Alors, le vin de Fronton trouve tout naturellement sa place : il se
fond dans l’amitié, mais aussi dans les profondeurs de l’histoire.

Fronton, le vin de Cocagne
Chef lieu de canton de 6 000 habitants, à égale distance – une vingtaine de kilomètres de Toulouse comme de
Montauban -, Fronton est une pimpante bourgade, toute de briques vêtue, qui attire aussi bien les paysans
du coin que les citadins amateurs de calme, de ruralité et de bons vins. Point trop vallonnée, la région est
réputée pour sa douceur de vivre. Mais c’est aussi un pays de contrastes où la vigne a repris ses droits après
que le pastel, cette salade géante verte et bleue à la fois dont le jus était capable de teindre les draps d’un
bleu épatant, eut enrichi le pays toulousain avant que l’indigo venu des Indes ne le détrône. « Coucagno »
désignait en occitan la boule de pastel, source de tant d’opulence.
De par la situation du port de Villemur, sur le Tarn, les vins de Fronton et de Villaudric pouvaient rejoindre
Bordeaux. Aujourd’hui, les champs de blé, de colza, de maïs, voisinent avec les rangées de vignes qui, l’été,
vivent parfois des chaleurs intenses.
Deux caves coopératives, dont celle de Fronton qui reçoit à elle seule la moitié de la production, mais aussi 40
caves particulières, vendent le fronton essentiellement sur le marché domestique.
L’aire d’appellation couvre 2 400 ha. Représentée sur la carte du Sud-Ouest, elle évoque la forme d’un ballon de rugby !

À partir de la rive gauche du Tarn, en descendant vers les Pyrénées, on distingue trois terrasses
d’origines fluviales qui impriment volontiers leurs caractères aux vins.
Les boulbènes : les alluvions composées de galets, graviers, sables et limons provenant des régions du Massif Central, drainées par le Tarn et ses affluents, se caractérisent par une teneur élevée en silice et par l’absence de calcaire. Elles forment un manteau superficiel recouvrant le substrat molassique lui-même fait de boulbènes blanches avec des couches limono-argileuses, de boulbènes sableuses et de boulbènes caillouteuses constituées de graviers et cailloux avec un horizon argilo-limoneuxcaillouteux.
Les rougets : sols argilo-limoneux qui contiennent jusqu’à 30 % d’argile, sont présents essentiellement sur la
moyenne terrasse.
Quant aux graves, semblables à celles du Bordelais, constituées de nombreux cailloux et graviers en surface
reposant sur de profondes assises d’argile, on les trouve sur la plus haute terrasse.

La négrette en exclusivité mondiale
Bénéficiant d’un fort ensoleillement (2 100 heures par an), d’un faible régime de pluies et de nuits fraîches,
le Frontonnais est souvent confronté au vent d’autan dont le souffle chaud, mais sec, contribue à assainir la
vigne favorisant ainsi une lente et pleine maturité des raisins.
Un cépage très original, la négrette, se plaît particulièrement bien dans ce climat et sur ces terres au
point que le décret d’appellation stipule qu’il doit être majoritaire dans l’assemblage final et représenter au
moins 40 %, ce qui n’empêche pas certains vignerons de proposer des cuvées exclusivement composées de
négrette. Il est à noter qu’en dehors de quelques hectares en Vendée, Fronton est la seule appellation dans
le monde à s’être approprié ce cépage fort en gueule mais capable d’élégance. En effet, la négrette, connue
aussi jadis sous le nom de « négret de Gaillac », apporte une couleur intense à la robe des frontons qu’ils
soient rouges ou rosés. Elle donne un vin, certes peu acide, mais néanmoins structuré, doté d’élégantes
notes fruitées aux effluves de violette, de pivoine, de cassis, de mûre, de framboise et de
réglisse avec des notes poivrées.
Les tannins sont en général souples et marqués par des notes de laurier. Une légende tenace voudrait que le
cépage ait été rapporté de Chypre par les Hospitaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui avaient établi
une commanderie à Fronton à partir du XIIe siècle. Ce cépage aurait été nommé mavro à Chypre (« noir » en
Grec), ce qui aurait dérivé en « négrette » au cours des siècles. Cet ordre avait certes son siège à Chypre où il
existe un raisin mavro encore de nos jours, mais il a été établi qu’il n’a rien de commun avec la négrette, pas
plus que d’autres variétés de Grèce ou d’ailleurs ! Aujourd’hui, il est plus que probable que la négrette aurait
sa source tout à côté, quelque part dans le Tarn.
Si la prépondérance de la négrette crée une ossature commune aux vins de Fronton, chaque vigneron
l’interprète à sa manière, laissant exprimer son talent. Jamais durs, jamais rêches, jamais tristes, les vins de
Fronton sont riches en couleur, avec une originalité aromatique indéniable et des structures tanniques fortes
mais très veloutées.
Conscients de l’importance de ce cépage, soucieux d’assurer et de développer son avenir qualitatif, les
viticulteurs du cru ont créé un Conservatoire de la Négrette, lequel a permis de conserver et de
multiplier à partir des plants les plus sains une collection unique au monde.

Les rouges
Vinifiée entre 26 et 28°C, la négrette donne sa meilleure expression aromatique. La syrah et le cabernet sont conduits à des températures supérieures, avoisinant les 30°C, avec des durées de macération plus ou moins longues en vue d’obtenir des structures tanniques plus importantes. Tout l’art du vigneron réside dans l’assemblage des différents cépages selon qu’il désire obtenir des vins souples à boire dans leur jeunesse ou des vins de garde.
Les cuvées les plus concentrées font l’objet d’un élevage d’environ 12 mois en cuves ou fûts de chêne afin de favoriser un assouplissement des tannins, une plus grande complexité aromatique et une meilleure aptitude à la garde. Les vins conçus pour être bus dans leur jeunesse, sur le fruit, se caractérisent par leurs
saveurs de fruits noirs (cassis, mûre), de fleurs (pivoine, violette) et d’épices (réglisse, poivre).
Les vins de garde, plus corsés et charpentés, s’agrémentent de notes de cuir et de venaison.

Les rosés
Particulièrement fruitée et souple, la négrette se prête merveilleusement à l’élaboration de
rosés. À Fronton, la production de rosés représente une part importante de la production : 30 %.
Grâce à « la saignée de cuve », favorisant une macération intime entre le moût et le raisin luimême,
les rosés de Fronton offrent une belle intensité aromatique, une longueur en bouche
inhabituelle et un joli gras. Certaines cuvées sont élevées sur lies pour plus de complexité.

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