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SANTAL MAJUSCULE de Serge Lutens

by pascal iakovou
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SANTAL MAJUSCULE

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Hiver 1952,

Cette nuit là, juste avant que le jour ne se lève, il neigea.

Col relevé, un enfant se rendait à l’école. Un fin voile blanc glissait sous ses pas, filant jusqu’à ces mots ouatés : « Je vais être en retard ! ». D’abord, il songea à le rattraper, puis, comme si cette idée appartenait à une seconde, simultanément, il fit en sorte de l’aggraver.

Dès cet instant, le Pôle Nord fut en lui. Il longea les murs, s’y retenant péniblement. Malgré la tempête, il remonta son alibi et quitta le documentaire. Au centre du froid, sur le trottoir, il posa son cartable, plaça l’aplat des mains contre son haleine et réfléchit. Il retenait le temps. Lorsqu’il l’estima suffisamment écoulé, doigts réchauffés, scénario à point, il reprit sa route. Une fois en classe, après avoir poliment accusé le matin, le gel, le réveil et les pavés glissants qui « faisaient tout pour le faire tomber », il excusa les vingt minutes qui l’avaient retenu, passa son pare-poussière et rejoignit sa place.

Les aiguilles de l’horloge ne pointaient pas encore l’heure de la récréation.

Quand il fut assis, hors de tension, la chaleur du poêle aidant, le gosse s’apaisa.

Monsieur Vantienen faisant dos aux élèves, tenait dans sa main – un fromage – une longue règle, où sur une carte de France, à bout de bois, il tentait de remonter notre attention, jusqu’au sommet du Mont Gerbier -de- Jonc.

Le gosse, d’abord distrait, quitta le guide, puis la Seine pour l’ailleurs.

Pour quelle raison, par un choix qui ne s’était pas encore fait connaître, chaque jour, les yeux du gosse se levaient vers un vasistas ? Pourquoi retenait-il son regard sur le tremblé d’une petite branche ténue ? Comment, par cette image sous verre, se dédoublait-il et s’y donnait chair ? Fallait-il vraiment que Vantienen, par un Lutens ! sonore, vienne tirer le rêveur hors du songe ?

― Lutens ! Levez-vous !

La lune ne sut que faire.

― Pourquoi et toujours ces majuscules sans raison et devant, je cite : Or, Loup, Feu, Donjon, Fleur… et j’en passe !

Il commentait une rédaction rendue la veille où l’élève, à gré, avait enluminé son Moyen Âge. Le silence enfla.

Vantienen insista :

― Je vous ai posé une question. Répondez !

―…

Le gosse comptait les points de suspension.

C’est pourtant en connaissance que nous – ce tous de chacun – savons que les miroirs inversent les images. Nous savons moins par contre qu’elles-mêmes bouleversent les

miroirs.

C’est ainsi que le gosse, ce moule à tout être, hésita :

― Je ne sais pas.

― Ce n’est pas une réponse ça !

Le « ça » piqua le gosse au vif. Il y allait de sa majuscule. Alors, comme si cela relevait de l’évidence, il lança :

― Parce que c’est moi !

Vantienen à boulets rouges, tira :

― C’est vous quoi ! Le ciel ? La neige, le loup, la fleur ? Ah… j’oubliais, la princesse. Expliquez-vous !

Sur l’enclume, avec trois mots de fer, le gosse martela ces syllabes :

― Oui. C’est. Moi.

Un haussement d’épaules, la rumeur blagueuse d’un fond de classe firent, sur le Silence ! de Vantienen, tomber le rideau. Tout fut dit.

L’orgueil s’observe. Le gosse ainsi, sous une armure enclose, perché sur un cheval, princesse terrible portant haut la couleur du deuil se vit dans un fracas de sabots, pénétrer la Grand Messe du sacre, à l’instant précis de la transsubstantiation. Celui-là même où le prêtre, vers la croix, et celui dessus cloué, élève l’hostie géante.

Serge Lutens

 

SANTAL MAJUSCULE

50 ml – 99€

Actuellement disponible au Palais Royal-Serge Lutens, grands magasins, parfumeries et site internet.

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