Dimanche 29 janvier 2012
McDonald’s Ornano
Paris
Café de Flore
Film canadien de Jean-Marc Vallée
Avec Vanessa Paradis, Kevin Parent, Hélène Florent
Le pari est difficile. Comment dire du bien d’un film quand à peu près tout concorde à penser qu’il est raté ? Une première histoire, en tout point, incestueuse entre une mère Jacqueline et son fils trisomique Laurent dans le Paris des années 60’s. On explore les sentiments de « Mère Courage » qui lutte à tout rompre, pour sauver son fils, contre une société qui lui accorde une durée de vie inférieure à 25 ans. Dans la perspective de cette vie accélérée, le petit Laurent a lui aussi décidé de tout précipiter et, tombe follement amoureux à 7 ans (voyez ça) d’une petite trisomique comme lui. Mais pas trop mal du reste.
Une seconde histoire aussi réchauffée et vulgaire que cette compilation de tatouages au goût douteux sur ces corps d’une lisseur sans pareille. Lui, Antoine de son prénom, quadra, DJ adulé à ses heures, mais vêtu d’un costume – presque – trois pièces quand il mixe… Cherchez l’erreur ! Bref, une sorte de figure, très héros pop/romantique des temps modernes, qui revendique à qui mieux-mieux le coup de foudre, le vrai, coûte que coûte, mais qui n’hésite pas longtemps à quitter son amour de jeunesse, aussi goth que mystique, pour une Cendrillon dont seule la régularité des réunions AA les rapproche. Le coup de l’addiction de la bouteille ou des cachetons, en guise de trait d’union, mouais.
Si le réalisateur de C.R.A.Z.Y. nous avait cloué le bec en 2005 avec ce jeune gay, fana de David Bowie, qui se risquait à un coming-out difficile, il pousse – dans ce Café de Flore – le bouchon assez loin dans la médiocrité. L’histoire dans l’histoire de l’histoire, c’est bien « ça » le concept. La brune, goth-mystique, somnambule une nuitée sur deux, voit dans ses rêves un petit garçon trisomique, qui n’est autre que Laurent, mais qui est également l’image de son ex-compagnon. Les personnages secondaires suivent le même schéma. Trop pénible à conjuguer ici…
Tout cela se clôt par une sorte d’expérience quasi libératrice/mystique où la brune vient présenter – une nuit très noire – ses excuses à son ex. Ce pardon, qui donne lieu à une semi-étreinte à trois corps, devrait faire émerger l’idée qu’elle accepte enfin de libérer l’être aimé pour qu’il puisse voguer sereinement vers son double amoureux. L’autre, quoi. On aurait (presque) aimé un plan à trois à la place, tellement cela en est pâteux. Mais le réalisateur – audacieux – a vraiment décidé de nous foutre la nausée jusqu’au bout de ses 2h09.
Voilà pour certains, incontestablement, Café de Flore s’arrête là.
Et pour d’autres, comme moi, mais d’autres aussi… On a pris des ponts, des passerelles et des viaducs. On a glissé sur les niaiseries avec un foulard sur les yeux. On a distillé vers du bon. On a vu surtout mieux que le film ne laissait à voir. On a pris The Cure, Sigur Ros, Sophie Hunger et les Pink Floyd trop fort dans les oreilles. On en a négligé les gaucheries, les clichés, les conneries à l’Encre de Chine sur ces corps, le coup du yoga, les épisodes sensuellement trop fades… On a décidé que notre DJ prendrait bien encore de la coke, un peu, pour voir. On a fait un come-back explosif vers cette histoire de jeunesse. On a dit à son père d’aller se faire foutre (un peu, pour voir, encore) avec son moralisme et ses principes de merde. On a dit à la brune gothique de cesser son rôle de composition et qu’elle avait bien le droit d’avoir mal et de ne pas accepter l’impossible.
En cela, le réalisateur a tout faux. L’histoire n’est pas dans l’histoire de l’histoire. Le film ici n’est qu’hors du film.
Elisa Palmer