Teintées d’un cynisme « presque » tendre, d’un humour « presque » désespéré, les deux chansons que viennent de publier Michel Houellebecq – romancier mondialement connu et prix Goncourt 2010 – et Jean-Claude Vannier – créateur, avec Gainsbourg, du mythique album L’Histoire de Melody Nelson – promènent leur mélancolie désabusée entre lit conjugal et supermarché de banlieue. Et – surtout – elles ressemblent à leurs auteurs. Terriblement. Rencontre avec Jean-Claude Vannier.
Quand vous êtes-vous rencontrés pour la première fois ?
Jean-Claude Vannier : J’ai rencontré Michel Houellebecq en 1999, à un cocktail, un soir au Procope (célèbre café parisien de la Rive Gauche) où je recevais le Prix de l’humour noir. Il est venu me voir – il n’était encore pas encore aussi connu à l’époque – et il m’a dit : « A chaque fois que j’écoute une chanson ou une musique que j’aime, vous êtes toujours dedans, d’une façon ou une autre. »
Et après, que s’est-il passé ?
J-C Vannier : Il m’a dit qu’il aimerait me connaître, et m’a envoyé ses recueils de poésie, que j’ai beaucoup aimés. On s’était dit qu’on pourrait se voir à la fin du mois de juillet. Le 31 exactement, alors que je passais quelque temps dans les Cévennes, le téléphone sonne : il m’attendait au café du village. On s’est retrouvés là, et je lui ai donné deux musiques. Il a écrit ces chansons Le film du dimanche et Novembre.
Pourquoi n’avez-vous pas composé à partir de ses poèmes ?
J-C Vannier : Parce qu’une chanson, ça n’est pas une poésie mise en musique, c’est un tout, des paroles et une musique qui sont conçues l’une pour l’autre, pour être chantées par quelqu’un qu’on a choisi.
Alors pourquoi avoir choisi précisément ces deux musiques pour Michel Houellebecq?
J-C Vannier : En fait, une musique que j’avais déjà me paraissait miraculeusement convenir, et j’ai écrit l’autre spécialement pour cette occasion, en pensant à Michel.
Qu’avez-vous ressenti en lisant les paroles Le film du dimanche et Novembre ?
J-C Vannier : Que ce que je pressentais se réalisait : il y a quelque chose de commun entre ces musiques et ces paroles. Je les ai trouvées pleine d’un humour désolé, comme ce que j’essaye de faire passer dans ma musique en général, un regret, une nostalgie amusée de quelque chose qui n’existe pas. J’ai été extrêmement ébloui et content en le découvrant lorsque Michel m’a lu ses textes.
On ressent très bien ce même regard désabusé, rempli d’humour à froid…
J-C Vannier : C’est vrai. Quand j’ai lu ses livres de poésie, j’ai trouvé qu’on avait une même façon de regarder la vie, une même façon de regarder la ville… Je me suis senti en terrain de connaissance. Comme si j’avais trouvé un compagnon de voyage.
A-t-il été difficile de convaincre Michel Houellebecq de chanter ?
J-C Vannier : En 2000, il avait déjà fait un disque, Présence Humaine, produit par Bertrand Burgalat, dans lequel il parlait sur de la musique rock. Mais moi, je préférais qu’il chante vraiment. Il a pris des cours de chant, courageusement, et on a enregistré les chansons. J’aime beaucoup sa manière de chanter. Il chante comme un auteur. Il a le charme de certains artistes américains…
Par exemple ?
J-C Vannier : Je pense à Cole Porter… Dans un de ses disques – Let’s Misbehave, il s’accompagne au piano. Quand on l’écoute, c’est sa vérité à lui qu’on entend. C’est pareil pour Michel Houellebecq. Ce n’est pas une voix de chanteur… On entend un auteur avec ses mots, son âme. C’est vraiment très touchant.
Que diriez-vous de votre musique ?
J-C Vannier : Je suis incapable d’en parler. D’ailleurs, c’est impossible de parler de la musique. C’est un sentiment tellement profond, qui vise directement au cœur, ça vous transperce malgré vous. Je ne peux pas l’expliquer.
Pourquoi sortir ces chansons plus de dix ans après les avoir créées ?
J-C Vannier : Quand Michel et moi, nous les avons écrites, c’était pour se faire plaisir… et pas pour le succès, ni pour devenir milliardaires (rires). Un mois après qu’il a reçu le Prix Goncourt, je lui ai envoyé un petit mail de félicitations. C’est lui qui m’a demandé ce que devenaient nos chansons. Alors je lui ai envoyé les enregistrements et je lui ai dit : « Si tu n’as pas de sursaut d’horreur en t’écoutant, on peut les sortir sur le net. »
Elles n’ont pas pris une ride !
J-C Vannier : On peut détester ce que j’écris, on peut ne pas aimer les mots de Michel. Mais au bout du compte, chacun de nous a sa manière, son style. Le problème n’est pas d’être bon ou mauvais, la seule difficulté, c’est d’être soi-même. C’est même – à mes yeux – la seule question qui compte : est-ce que ça lui ressemble, est-ce que ça nous ressemble ?
Il sera possible d’écouter Jean-Claude Vannier en direct le 19 février à 15H45 sur France Inter dans une émission présentée par Valli. En attendant, on peut télécharger Novembre et le Film du Dimanche en cliquant ici :
http://world.idolweb.fr/alceste-musique/michel-houellebecq/le-film-du-dimanche—single/3700551712717.html
Propos recueillis par Odile Woesland.
Visuel du single réalisé par : Camille Vannier.
1 comment
Vannier trabajo es brillante.
Comments are closed.