Le parfum est mort, vive le parfum ! L’Etat libre d’Orange, maison de parfumerie parisienne située dans le marais, s’affranchit des codes traditionnels du parfum pour mieux les sublimer.
Comme la maison le présente dans son manifeste, L’Etat libre d’Orange est « Une terre de libertinage olfactif, libérée de tous tabous, qui reconnaît comme seuls souverains l’insoumission et l’érotisme olfactif. Une enclave dans le monde normé de la parfumerie contemporaine où les nez les plus talentueux, soumis aux exigences de leurs commanditaires, doivent conformer leurs désirs aux goûts du plus grand nombre. »
C’est fin 2010 que nous avons eu l’occasion de rencontrer, l’homme à l’origine de cette révolution olfactive Etienne de Swardt, éditeur de parfum, créatif à l’origine de ce pari fou et son équipe de passionnés.
Ce qui nous a frappé c’est cette dimension artisanale et cette volonté de repousser les limites de la parfumerie traditionnelle toujours plus loin aux frontières de l’originalité, de l’excentricité et de l’érotisme. Sécrétions Magnifiques, Putain des Palaces, Je suis un Homme… A la manière des
endroits dédiés à la sexualité et à ses différentes pratiques, un parcours dans les collections d’Etat Libre d’Orange est une incitation à laisser éclater ses désirs, ses secrets et ses obsessions les plus intimes. A porter la jouissance à même la peau comme on se parerait d’une grossièreté précieuse. Un langage d’initiés.
Chaque parfum est une révolution olfactive, un jus d’exception fait par les plus grand nez, une histoire singulière et un packaging soigné designé par Ich&Kar.
Voici quelques parfums à découvrir de toute urgence ! :
« Antihéros » Prenez-moi comme je suis » semble dire ce faux Monsieur Tout le Monde. L’antihéros ne triche pas avec ce qu’il est, d’où la simplicité apparente de cette création, entièrement tournée autour de la fleur de lavande, hédoniste et solaire par excellence. Avec son air de ne pas y toucher, ce héros du quotidien mène chaque jour ses batailles ordinaires, au travail, au volant, en famille…, sans jamais se prendre au sérieux. Cette modestie fait tout son charme, et il le sait. Il cultive ses imperfections avec humour et l’élégance décalée qui le caractérise. Le
cheveu ébouriffé et l’allure de travers, ce superman dégingandé fait craquer les filles, et s’en étonne encore mais c’est pour ça qu’on l’aime.
Parfum « Divin’Enfant » L’enfant nous séduit et nous agace avec le même acharnement. On craque pour ses airs de Chérubin, mais il sait aussi nous rendre fous. Fausse innocence du démon sous l’ange ! Après un démarrage tout en douceur, fleur d’oranger et guimauve en tête, apparaît l’accord inattendu de café, de cuir et de tabac froid, symbole grinçant de nos nuits blanches. Fidèle à sa réputation de « pervers polymorphe », ce tyran miniature n’aime rien tant que nous soumettre à ses caprices, et parvient toujours à ses fins. Délicieux petit monstre !
D’autres découvertes:
Jasmin et cigarette:
C’est l’époque des studios Harcourt. Greta Garbo et Marlène Dietrich magnétisent les hommes sur fond de noir et blanc, cigarette à la main et volutes hollywoodiennes au fond des yeux. «Jasmin et Cigarette», c’est aussi l’odeur d’une peau de femme, légèrement jasminée, qui expose sa fraîcheur à l’opaque séduction de la nuit. Ambiances enfumées. C’est le souvenir d’un désir, d’une trace indélébile laissée par elle au petit
jour sur un vêtement et dans la mémoire de l’homme qui l’a aimée. C’est l’élégance à la Gainsbourg, la femme des années 80, fumeuse de gitanes, qui revendique son érotisme comme d’autres enfilent un jean, avec un naturel confondant. La transparence dans la sophistication, une suggestion de jasmin mêlée à l’odeur, jusqu’ici délaissée en parfumerie, de la cigarette. On est dans le clair-obscur, l’interdit, l’addiction. De la femme nicotine à la femme héroïne, cherchez l’icône. Elle habite le souvenir d’un manque.
Composition : Absolu Jasmin, tabac, foin, abricot, fève tonka, curcuma, cèdre, ambre, musc…
Sécrétions Magnifiques:
S comme sang, sueur, sperme, salive. Véritable coït olfactif, «Sécrétions Magnifiques» nous emporte au faîte de la jouissance,
ce moment chaque fois inédit où le désir triomphe de la raison. La tension masculine, toute en notes aigües, libère sa décharge d’adrénaline dans une cascade d’aldéhydes. L’effet fraîcheur est saisissant. Puis le parfum révèle son côté métallique, précis, acéré comme un désir inassouvi. On est sur le fil du rasoir… Les peaux en sueur ont la saveur du musc et du santal. L’effet marin, légèrement salé, excite les papilles et met l’eau à la bouche. Les langues et les sexes se trouvent, le plaisir explose, et tout bascule. Mécanique des fluides, confusion des genres. Ce parfum subversif, dérangeant, provoque l’adhésion ou le rejet total. Les joutes amoureuses se satisfont rarement des demi-mesures… Entre Don
Juan et la femme offerte, c’est le dépôt des armes, mais qui s’incline devant qui ?
Composition : Accord iodé (fucus, azurone), accord adrénaline, accord sang, accord lait, iris, coco, santal, opoponax…
Je suis un Homme:
Napoléon s’en arrosait avant le combat : «Je suis un Homme» reprend les accords de Cologne chers à l’Empereur. Citrus et
bergamote en tête, on se prépare à mener l’assaut dans une ambiance de corps de garde, mi-maquis corse, sur une note
de myrte, mi-retraite de Russie. Bois de bouleau et cognac rappellent le cuir des selles, des bottes et des ceinturons. La
charge sera rapide, impériale… à la hussarde ! Energisant, testostéroné, «Je suis un Homme» convient aux hommes qui
s’affirment… et aux femmes qui assument leur part masculine, et mènent l’offensive sans avoir peur d’inverser les rôles.
Composition : Bergamote, orange bigarade, citron, myrte, cannelle, girofle, accord cognac, cuir, patchouli, notes animales…
Putain des palaces:
C’est le fantasme absolu. En tête, la note poudrée d’une femme qui se pare des attraits de la séduction – trace feutrée
d’un rouge à lèvres, crissement d’une dentelle. Rituel intime de la femme fatale qui a percé depuis longtemps le blindage
fragile des hommes. Sa sophistication intrigue, à l’image de son commerce invisible. Sous une touche d’amande amère,
comme un secret dévoilé, l’esquisse d’un cuir souple, fluide et malléable, annonce ce qui suit : le boudoir, les mains qui
s’agrippent à la moleskine, et la présence sourde, animale du plaisir à même le canapé. Quelle femme n’a pas une «Putain
des Palaces» qui sommeille – ou pas – en elle ? Celle qui rêve de convoquer ses désirs au bar d’un grand hôtel, d’introduire
ses fantasmes dans la clandestinité d’un ascenseur et d’emballer son plaisir dans des draps de soie.
Composition : Absolu Rose, violette, cuir, muguet, mandarine, gingembre, poudre de riz, ambre, notes animales…
Voici quelques autres découvertes:
Les coups de coeur de la redaction : Fat Electrician et Charogne
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Pascal Iakovou