Date de sortie cinéma : 20 octobre 2010
Réalisé par Guillaume Canet
Avec François Cluzet, Marion Cotillard, Benoît Magimel, Gilles Lellouche, Jean Dujardin, Laurent Lafitte, Valérie Bonneton, Pascale Arbillot, Joel Dupuch, Anne Marivin
Durée : 02h34min
Sous des conditions différentes, je suis allée voir le film à deux reprises. La première fois, je dois avouer que ça m’avait un peu remué l’estomac. Enfin, non pas que… Mais quand même… C’est passablement affectée, l’esprit vagabond, et à nouveau concernée par le violent orage de ces grandes questions sur « C’est quoi l’amitié? », que j’étais sortie du cinéma après 2 heures et 34 minutes. La deuxième fois, c’était plus long et sensiblement bien moins douloureux. L’expectative des notes d’humour avait déjà pris le pas sur l’envie de rejoindre dans les larmes mon voisin de droite. Bon d’accord, quand – une fois de plus – Maxim Nucci s’est laissé aller à pousser la chansonnette, avec son « Talk to me », j’étais quand même un peu fébrile.
Le film te demande : « Mais en quoi ça te touche, toi? ». Alors, en porte-parole, au cours des aléas d’une soirée bien arrosée, j’ai interrogé un peu les copains. (Seuls les prénoms ont été changés pour conserver l’anonymat des protagonistes). Annick m’a dit : « le film me parle parce moi aussi, tu vois, j’ai une vraie bande de potes, et c’est très bizarre, mais j’en ai même reconnu certains dedans ». Mattéa me racontait qu’à la fin du film, elle avait bombardé ses potes de SMS pour leur dire qu’elle les aimait plus que tout au monde et qu’ils étaient quelque part son seul véritable bonheur. Stéphane avait téléphoné à son amoureuse à Sacramento, en Californie, pour lui demander pardon de coucher avec d’autres femmes. Yann m’a dit : « dans cette peur, sous ma propre peau, face à mon orientation sexuelle, je ne sais pas si ça m’aide ou pas ». Maria n’avait pas souhaité m’en parler.
J’ai voulu croire que la critique m’aiderait à approcher et comprendre le phénomène émotionnel du truc, mais ça parlait d’autre chose. « En ce cas, c’est de régression qu’il faut parler avec Les Petits Mouchoirs, film aussi vide qu’est grande sa prétention à faire date : durée hors normes, casting all stars (Cluzet, Cotillard, Magimel en tête), bande-son soul dont le coût seul doit excéder le budget d’un premier film d’auteur. » (Aurélien Ferenczi, Télérama). « En revoyant Vincent, François, Paul et les autres, sorti en 1974, l’année de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, on retrouve – en filigrane – un moment de l’histoire, l’instant où une génération, celle de la Libération, doit passer la main. Dans ce film, Piccoli, Montand, Reggiani avaient la chance d’être tour à tour médiocres et grands. Ici, il ne reste que la médiocrité, dont on ne sait si elle est le produit naturel de l’existence ou le résultat de la trahison d’idéaux oubliés (et en tout cas jamais mentionnés). » (Thomas Sotinel, Le Monde). « Le film politique : Les Petits Mouchoirs, dans son déploiement sociologique, est le reflet exact de la France de Sarkozy – lui-même un habitué du Cap-Ferret (le message est clair). Cluzet incarne le parvenu bling-bling mais pas trop ; Cotillard, la gentille joint addict qui aime la musique et couche avec tout le monde (suivez mon regard…) ; Magimel, en masseur-kiné, les professions libérales, mais sympatoches, proches du peuple, qui apprennent le sens des vraies valeurs auprès d’un ostréiculteur au grand cœur. » (Les Inrocks).
Dans ce cas, je ne sais pas si j’ai vu le même film que les critiques. Je ne sais pas non plus dans quelle mesure, la critique se plaît à être de cesse toujours plus critique. Je ne sais pas davantage, ce qui – somme toute – importe le plus entre « émouvoir les gens » ou « se faire encenser par la critique ». Parfois, aller à contre-courant me semble n’être – juste – qu’une tendance à la mode : faire semblant de bouder ou de vomir, simuler l’envie de quitter la salle sur-le-champ, rejeter d’entrée de jeu toute forme un brin trop populaire ou trop commerciale, préférer (mais nettement) tout démonter d’un bloc au risque d’avoir à désarticuler l’ossature du film pour mettre en exergue ce qui est bien, ce qui est beau, réussi, mais aussi ce qui ne fonctionne pas.
PS/Un film proche de l’humain, en cela tout bonnement accompli.
PS2/ Semaine 1, 1 369 812 entrées (Box-Office France de la semaine du 20 Octobre au 26 Octobre 2010). Source : cbo-boxoffice.com
3 comments
Merci Elisa de cette « anticritique » !
Je suis allé voir « les petits mouchoirs » sans avoir lu, vu, ni entendu aucune critique. La salle était pleine et la file d’attente pour pénétrer dans la salle, interminable.
Le film en lui-même m’a ému. Il m’a fait sourire, parfois rire, il m’a touché et m’a même fait (un peu) réfléchir. Il m’a également réjoui car chacun des acteurs joue remarquablement bien, ce qui n’arrive pas si souvent dans le cinéma français…
Ensuite je suis rentré chez moi et j’ai lu la critique d’Aurélien Ferenczi dans Télérama. Et alors je me suis demandé quelle mouche l’avait piqué. A me demander, comme vous, si nous avions vu le même film…
Comme si, après avoir encensé Canet, il n’était pas à présent de bon ton de le descendre en flammes, à la différence de Woody Allen qui peut faire du médiocre (« Whatever works », « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu ») sans que jamais la critique française ne bronche.
Etranges critiques, étrange phénomène.
HM
Je vous en prie, cher Hervé.
Je suis ravie que cette anti-critique vous ait plu.
Au plaisir de vous lire,
élisa
Je viens de découvrir le film, un an après sa sortie, sur les conseils de mes enfants ; j’ai 50 ans eux 20. J’ai vraiment aimé, pour eux et pour moi, parce que à leur âge nous avons eu « nos films » ceux qui nous permettaient de nous projeter dans notre vie future : travail, mariage ou pas, enfants ou pas, « réussite » ou pas, et nous faisions les projets de ne jamais nous perdre de vu, de tout nous dire ….. et nous avons tous eu besoin de ces films là pour y croire. Ce film est générationnel et ce qui ne plait peut-être pas à la critique c’est qu’il représente simplement les rapports humains de tout temps (l’amitié avec ses faux semblants)mais en 2010. La musique, quand on se raconte nos vies (vraies ou fausses) a toujours se son là ! Quand aux acteurs ils sont parfaits, ressemblent à leur époque ; et quand on est une bande de potes , nous sommes tous beaux ! Merci et bravo à Guillaume Canet et à tous les acteurs de nous avoir donné ce film..
Comments are closed.