« Quel mystère la Sardaigne, on dirait le Japon. Deux îles, la mer autour, l’isolement qui les rend plus fortes. Au Japon comme en Sardaigne, la nature règne, les rochers et les eaux sont des idoles ». Observant le carnet de voyage où s’affichait mon nom calligraphié à l’encre, je savais déjà que j’allais vers un voyage dans le passé et vers le futur de la Maison Kenzo.
Pour les 40 ans de la célèbre Maison, Antonio Marras nous a proposé un spectacle de toute beauté dans le cadre somptueux du Cirque d’hiver. Débutant par la présentation de la collection Printemps-Eté 2011, le directeur artistique de la marque nous a montré l’étendu de son savoir-faire dans un final époustouflant fait de 40 silhouettes matriochkas regroupant toutes les grandes tendances des archives maison ayant marqué 40 de créations, de beauté et de voyages.
Arrivés une par une sur la scène du Cirque d’hiver, les dernières silhouettes aux maquillages de geisha s’arrêtent au centre d’une scène qui se met à tourner, permettant à tout un chacun d’admirer ces magnifiques poupées russes aux tenues ethniques d’exception.
Pour créer les tenues de ses poupées ethniques, Antonio Marras s’est inspiré des archives du fondateur Kenzo Takada en les revisitant à sa sauce : « J’ai fouillé dans les collections des années 1980, des années 1990. C’était magnifique mais je ne trouvais pas pertinent de montrer les vêtements tel quel, j’ai préféré réinventer pour présenter quelque chose de spécial. Je ne voulais pas un défilé mais plutôt une performance, une installation. (…) C’est une sorte de voyage autour du monde en 40 jours, qui représente l’esprit de Kenzo ».
Grandes robes paysannes, vestes montées en coiffes dont le sommet laisse parfois entrevoir un chapeau d’homme, kimono porté en grand manteau de style mongole, jupes de babouchka se superposant, rien ne semble vouloir limiter la créativité d’Antonio Marras qui, aidée de la styliste Vanessa Reid, nous propose ainsi des silhouettes pleine de couleurs, de formes et d’imprimés qui, en nous faisant voyager dans ces fameuses archives réussissent à nous transporter vers des contrées plus lointaines.
Pour la collection Printemps-Eté 2011, Antonio Marras nous propose des silhouettes inspirées à la fois du Japon, patrie de Kenzo Takada, et de sa patrie la Sardaigne. Dans une conversation incessante entre les deux îles, le créateur nous montre un vestiaire inspiré des similitudes des deux cultures, dans la continuité d’un style ayant débuté sur une rive pour finir sur une autre sans perdre son essence.
Imprimés fleuris japonisants, teintes pastel, socques de bois laqué, tout rappelle les origines de la Maison Kenzo. Combinaisons, pantalons à la coupe ample et robes tuniques dissimulent les courbes tandis que les décolletés souvent profonds laissent deviner une lingerie colorée et pétillante.
Toute en légèreté et en subtilité, Antonio Marras mélange les tissus et les imprimés floraux inspirés des kimonos antiques. Crêpe de soie, mousseline sablées, tulle, lin sauvage et soie composent une garde-robe aérienne. Quant aux tonalités de cette collection, tons beige, rouille, brique, sable, couleurs délicates et pastel s’harmonisent là où le blanc optique imprime sa patte.
« L’art du voyage reste à inventer » nous dit le créateur sarde. Et oui, pour cette collection printemps-été 2011, il redéfinit les codes d’un style bohème chic, ADN de la marque, né hier sous la patte de Kenzo Takada, perdurant aujourd’hui à travers ses créations et restant à réinventer au delà des époques. Et à chaque fois, l’impression de voyage reste intacte.
Marie-Odile Radom