« On a souvent dit que Chanel avait libéré les femmes. C’est vrai. Des années plus tard, Saint Laurent devait leur donner le pouvoir… » Pierre Bergé
Pour la première fois à Paris et jusqu’au 29 août 2010, le Petit Palais nous offre un merveilleux voyage dans la vie d’un homme : Yves Saint-Laurent. Quarante ans de création d’un homme d’exception qui a toujours mis son génie au service de la femme. Le pari était ambitieux et audacieux tant il semblait compliquer d’aborder le travail d’un créateur si emblématique. Et pourtant, l’impression d’avoir voyagé dans la vie d’Yves Saint-Laurent est bien réelle. Tout au long du parcours, l’esprit d’Yves Saint-Laurent marchait certainement à nos côtés pour nous raconter l’histoire d’un artiste toujours en avance sur son époque, à l’écoute des vibrations d’une société en perpétuelle évolution.
En s’inspirant du vestiaire masculin, Yves Saint-Laurent a été plus que visionnaire. Le créateur en a parfaitement assimilé les codes pour les adapter au vestiaire féminin mais ces créations restent résolument faites pour les femmes toutes en séduction et en distinction, bien loin d’une mode unisexe. Les pièces fortes du vestiaire masculin ont « glissé des épaules d’un homme sur celles d’une femme », comme le souligne Pierre Bergé. Du traditionnel caban au tailleur-pantalon, de la célèbre saharienne en passant par la blouse normande pour finir par sa pièce la plus emblématique, le smoking, Yves Saint-Laurent tel un artiste a recréé les codes de la mode féminine pour révéler une femme moderne bien ancrée dans son temps. « Les modes passent, le style est éternel » disait Monsieur Yves Saint-Laurent. L’homme était bel et bien un artiste qui se nourrissait des chefs d’œuvres d’autres artistes et avait réussi à donner aux femmes de l’allure, au delà de ses propres fêlures.
L’exposition expose chronologiquement le travail du maître disparu en différents tableaux, de ses débuts aux côtés de Christian Dior avec la fameuse collection » Trapèze » en 1958 jusqu’au dernier défilé en 2002 au Centre Pompidou. 15 salles nous présentent plus de 300 modèles de haute-couture, accompagnés par une sélection de photographies, de dessins du maître (planche de dessins de collection et bande dessinée La Vilaine Lulu) et de films, tels celui réalisé par Isabelle Poudevigne « La main à la plume vaut la main à la charrue« .
« Quel a été le moment le plus heureux de votre vie ? D’avoir rencontré Christian Dior » a affirmé Yves Saint Laurent. Le styliste a débuté comme assistant en 1955 chez Christian Dior, qui le désigna comme son successeur. Il le devint à sa mort en 1957 et proposa en 1958 la collection « Trapèze »,véritable coup de maître montrant un vêtement rendant aux femmes une liberté de mouvement en désentravant le corps.
« Au début est le croquis. C’est notre verbe à tous. C’est lui qui guide, qui reste le référent. Puis la toile qui permet de juger, d’interrompre, de continuer. Ensuite le tissu qui marque une étape essentielle, celle de l’audace, du risque. Enfin arrive le modèle qui ose ses premiers pas avant de rejoindre les autres et de former la collection« . Pierre Bergé
Cette rétrospective nous plonge bien dans l’esprit du créateur en nous proposant l’espace Studio mental / Studio réel. Le Studio Mental nous emmène dans l’imaginaire du styliste en nous présentant dans la pénombre peintres, musiciens et écrivains l’ayant nourri tandis que le Studio Réel évoque le studio de l’avenue Marceau où l’artiste déroulait les tissus sur les mannequins et créait ses collections. Son bureau : une simple planche sur des tréteaux de bois recouvert d’objets chers au créateur.
L’espace Révolution des genres permet d’aborder la véritable marque de fabrique du créateur, via une série bouleversante de photographies de mode mettant en scène les incontournables de la maison Yves Saint Laurent puis 43 modèles illustrant ses créations emblématiques jusque dans les accessoires choisis (caban, saharienne, tailleur-pantalon ou jupe, blouse normande versus tunique et jumpsuit). Conscient des bouleversements à venir et de l’évolution rapide de l’image et de la place de la femme dans la société, Yves Saint-Laurent a eu l’idée brillante de marier l’allure du costume d’homme à la séduction du tailleur féminin dès les années 60, posant ainsi les bases d’une nouvelle garde-robe entre féminin et masculin pensée comme le miroir d’un nouveau style de vie. Elle reflète de nouvelles habitudes de consommation et une nouvelle image de la féminité.
Que serait cette rétrospective sans parler d‘Yves Saint-Laurent et les femmes ? Le créateur voyait son métier ainsi : « Mon rêve est de donner aux femmes les bases d’une garde-robe classique qui, échappant à la mode de l’instant, leur permette une plus grande confiance en elles-mêmes« . Tout au long de ses quarante années de création, son parcours a été jalonné de femmes d’exception, d’égéries telles Loulou la Falaise ou Paloma Picasso aux clientes de la Haute-Couture fidèle à la célèbre Maison. Le créateur leur proposa alors en 1966 une garde-robe dans laquelle chaque femme trouvera son propre style à travers une griffe Yves Saint-Laurent Rive Gauche, pionnière du prêt-à-porter de luxe. Cette griffe connut immédiatement un immense succès préfigurant celui des marques globales contemporaines. Le style Yves Saint Laurent est devenu accessible à un plus grand nombre de femmes et s’est imposé dans le monde entier à travers un réseau de centaines de boutiques. Malheureusement, aucune pièce de cette griffe n’est proposée, nous les retrouverons dans une prochaine exposition à la Fondation Pierre Bergé – Yves-Saint-Laurent.
Mais s’il fallait n’en retenir qu’une alors il faudrait se souvenir de la relation exceptionnelle qui unissait Yves Saint-Laurent et son ultime égérie Catherine Deneuve. Dix pièces majeures de la garde-robe de
Catherine Deneuve nous sont présentées, de la robe de grain de poudre noir et satin ivoire créée pour Belle de jour (1967), à la robe du soir longue en crêpe de satin rouge tango (1997). Jamais une relation entre un créateur et son égérie n’a été aussi forte, flamboyante et précieuse, une véritable histoire d’amour, comme le chantait Barbara.
L’émotion a atteint son paroxysme devant ces tirages mythiques des portraits d’Yves Saint-Laurent par JeanLoup Sieff. En 1971, Yves Saint Laurent a posé nu devant l’objectif du photographe Jeanloup Sieff pour la publicité de lancement de son premier parfum pour homme, malgré son immense timidité et sa retenue légendaire. Cette image d’une audace incroyable pour l’époque acquiert le statut d’icône. L’ensemble des photographies de cette séance, conservées par Barbara Sieff, est présenté pour la première fois au public. Je n’en connaissais qu’une, l’occasion pour moi de découvrir les autres aux changements presque parfois imperceptibles fut royale. Le créateur à l’allure christique promenait son aura sur un parfum puis une marque comme aucun autre auparavant. Précurseur d’une nouvelle forme de publicité et de la formidable mise en scène de l’image d’un créateur, la rétrospective nous offre un des plus beaux cadeaux qu’elle puisse offrir à l’amatrice de photos que je suis.
Pour l’été 1971, Yves Saint Laurent présenta une collection inspirée des années 40 qui fit scandale, violemment condamnée par la presse. Plus que les réminiscences de l’époque de la guerre et de l’Occupation, c’est le type de femme imaginé par le couturier qui choque le public : talons compensés, veste en renard vert, il clame la féminité des dames du bois de Boulogne en la croisant avec celle de l’avenue Montaigne. La collection 40 fait l’effet d’un choc en plein mouvement hippie et féministe, et inaugure le retour de la sophistication et du glamour. La rue se l’est très vite appropriée et en la voyant, on peut remarquer combien elle était avant-gardiste tant sa modernité est palpable.
Dans l’espace Obscures transparences, une vitrine renferme trois modèles noirs révélant l’audace d’Yves Saint-Laurent : sous la mousseline, aucune broderie, aucun voile ne viennent cacher les seins tandis qu’une dentelle sublime habille un dos de délicatesse ! D’ailleurs, l’un de ces modèles a de nouveau fait scandale porté par Laetitia Casta aux derniers César.
« J’exerce mon imagination sur les contrées que je ne connais pas. Je déteste voyager. Si je lis un livre sur les Indes, avec des photos, ou sur l’Égypte où je ne suis pas allé, mon imagination m’emporte. C’est là que je fais mes plus beaux voyages« . Yves Saint Laurent, entretien avec Catherine Deneuve dans Globe, 1er mai 1986.
La féérie des exotismes est une formidable invitation au voyage, on y sent pourtant l’empreinte de la passion marocaine du couturier, qui pourtant détestait voyager. Il imagina des modèles à la magie exotique comme le fameux manteau de plumes de faisan multicolores ou ce fabuleux manteau nous protégeant des grands froids. Son goût des couleurs, de l’or
« Mondrian, c’est la pureté et l’on ne peut pas aller plus loin en peinture. Le chef-d’oeuvre du XXe siècle c’est un Mondrian« . Yves Saint Laurent.
Un autre grand moment fut la salle dédiée à ses nombreuses conversations avec les artistes et écrivains de son époque. En 1965, Yves Saint Laurent a lancé une collection inspirée du peintre Mondrian, rapidement ovationnée par le monde de la mode. Dès lors, le couturier créera régulièrement des rendez-vous avec le monde de l’art dans ce qu’il appelait ses dialogues : Mondrian, Van Gogh, ou encore Matisse ou Picasso, Apollinaire, Aragon, Cocteau et tant d’autres. Ces artistes lui ont permis de réinventer un langage, qui est devenu le sien. Et là, majestueuses se dressent ces fameuses robes Mondrian, quoiqu’un peu ternies par le temps.
Yves Saint-Laurent nous emmène au bal dans la grande salle, nous n’avons plu qu’à choisir notre robe pour assister au grand bal du Guépard de Visconti aux côtés d’Alain Delon.
« J’aime Visconti et les époques troublées comme dans Senso. La décadence m’attire. Elle annonce un monde nouveau, et pour moi le combat d’une société prise entre la vie et la mort est absolument magnifique à observer ». Yves Saint-Laurent
Du domino de faille jaune de Chine et fourreau de velours et dentelle noirs (1983), en passant par le manteau de gazar et plumes d’autruche blancs, robe de satin blanc (2001), Soixante-huit modèles du soir sont exposés dans une salle recouverte de velours rouge avec des lustres en cristal, montrant tout le savoir-faire et la magie du créateur pour créer des robes d’exception. Dans ce décor ultra glamour, des robes de rêve ayant habillé les stars d’Hollywood côtoient le fameux fourreau en velours noir orné d’un gros nœud de satin rose créé pour la sortie du parfum Paris.
A moins que ce ne soit le fameux smoking pour femme, l’astre noir, qui gagne nos faveurs. Une salle complète lui est consacré, lui le fameux tuxedo comme le nomment les anglo-saxons.
« Pour une femme, le smoking est un vêtement indispensable avec lequel elle se sentira continuellement à la mode car c’est un vêtement de style et non un vêtement de mode. Les modes passent, le style demeure ». Yves Saint Laurent
En presque quarante ans, le créateur n’a eu de cesse de réinventer le smoking, pièce qu’il a créée devenue depuis le summum du chic et surtout la pièce emblématique du style YSL, une femme chic et élégante à l’allure profondément parisienne.
J’aurais pu disserter pendant des heures sur la qualité et la rigueur des créations proposées, sur la perfection d’un tombé, la distinction d’un modèle, l’éclat des couleurs et surtout de la prodigieuse inventivité des modèles mais je préfère vous laisser découvrir tout cela car cette exposition est vraiment à voir et revoir.
Par contre, rien n’est dit sur le rapport d’Yves Saint-Laurent à la femme noire qu’il a su imposer sur les podiums et sur les couvertures des grands magazines, un regret véritable tant il a fait pour cette cause. Il ne s’est pas cantonné à une simple caution ethnique, non il a montré combien une étoffe, une couleur pouvait briller et avoir du style sur toutes les femmes, son message d’universalité. Chaque femme est unique et lui s’est adressé à toutes, quelles qu’elles soient.
Yves Saint-Laurent aimait les femmes de la plus belle façon, il leur a offert le pouvoir, l’allure et la distinction en les accompagnant tout au long de sa vie. Et pour cela, nous devons toutes lui dire merci.
Chapeau bas Monsieur Saint-Laurent, moi aussi je vous aime.
Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, avenue Winston Churchill 75008 PAris
Tél : 01.53.43.40.00
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi.
La totalité des modèles présentés dans l’exposition provient du fonds de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, à l’exception de trois modèles prêtés : deux par la comtesse de Ribes, un par Charlotte Aillaud, sœur de Juliette Gréco. Les coiffures sont d’Alexandre de Paris.
Informations sur www.petitpalais.paris.fr
Plein tarif :11 euros
Tarif réduit : 8 euros
Demi tarif : 5,50euros
Marie-Odile Radom
1 comment
J’aime YSL!! Ses robes merveilleuse!! Elle sont faites pour les femmes qui sont sûres de soi et qui n’hésite pas à vivre la vie!
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