Bien avant de découvrir les œuvres de Vania Plémiannikov, une photo avait attirée mon regard, celle en noir et blanc d’un ponton menant vers l’horizon. Il y avait tant de plénitude et de promesses dans cette photo que je décidais d’assister au vernissage de l’exposition du photographe à la Galerie Philippe Sinceux. Et je n’ai pas été déçue tant cette sélection d’une vingtaine de photos, d’une qualité exceptionnelle, porte en elle l’idée du « voyage ».
Paysages de dunes, vues de bords de mer, de palmiers, les tirages en noir et blanc de ces photos argentiques, tirées de séries différentes, ne parlaient que d’une seule voix : la rencontre avec des paysages urbains avec un sens du détail hors du commun, renforcés par des contrastes maîtrisés.
L’artiste réalise lui-même ses tirages argentiques. Le choix du papier, le traitement de l’image, les différents processus de virage employés sont autant d’outils à la disposition du photographe pour s’abstraire de la réalité et trouver dans l’objet photographié, une correspondance imaginaire. Le rendu est superbe, hyper lumineux comme dans la série Sables, réalisée sur un papier en coton particulièrement épais puis virée au sélénium, très proche du dessin. Ces paysages très graphiques, suggère un carnet de voyage dessiné au fusain, où les paysages adoptent les formes sensuelles du nu.
Vania Plémiannikov nous propose à travers ces photos une invitation au voyage onirique, peut-être avant tout intérieur, dans ce mélange de différentes séries. L’univers du photographe est fortement imprégné de cette évasion, représentée tour à tour par un paysage, une silhouette, un objet. Quel que soit le sujet photographié, la recherche est la même : un cadre vide et des lignes épurées qui traduisent une solitude apaisante. L’impression de calme et de plénitude ressentie s’est amplifiée à la vue des photos de l’artiste et mon esprit vagabondait au gré de mes pensées. Le tirage sépia Canal, instant saisi d’un canal londonien, m’a tout suite transportée dans le film La cité des enfants perdus de Jean-Pierre Jeunet. Ce fameux ponton me renvoyait vers un ponton similaire dans mon enfance…
L’humain est presque exclu de ces images, mis à part dans une seule photo prise lors du Carnaval de la Nouvelle-Orléans. Mais elle me fait le même effet, mon esprit vagabondait jusqu’à atteindre ces rues remplies de personnages qu’on ne peut rencontrer que là-bas. Bizarrement, ce tirage était pour moi le plus personnel, le plus chargé émotionnellement car probablement le plus proche du photographe.
Avant de vivre à Paris, Vania Plémiannikov a voyagé et fait ses classes à San Francisco, mais surtout à la Nouvelle-Orléans, où il travaillait pour un laboratoire fine-art Noir & Blanc. De là est née la passion, et la prédilection pour l’argentique, qu’il continue de sublimer. En 2004, ses paysages urbains ont fait l’objet d’une exposition à la Darkroom Gallery de la Nouvelle-Orléans. En 2007, une nouvelle exposition collective est organisée à Londres par le marchand d’art Tristan Hoare, directeur de la galerie Lichfield Studios. Tirées chacune en douze exemplaires, ces réalisations graphiques sont toutes signées, datées et numérotées et composent un fascinant carnet de voyages exposé pour la première fois en France à la galerie Philippe Sinceux.
La Galerie Philippe Sinceux est une version moderne des cabinets de curiosité, et se plaît à mélanger meubles et objets d’art des XIXe et XXe siècles.
Jusqu’au 5 juin,
Galerie Philippe Senceux 22 rue de Lille, 75007 Paris. Tél : 01 42 96 47 88. Du lundi au samedi de 11 heures à 19 heures.
Marie-Odile Radom