En 2001, la créatrice Kavita Parmar, qui revient de son Inde natale, des tissus et des idées plein la tête, crée Raasta (le chemin en hindi). Raasta n’est pas juste une marque de plus sur le marché de la mode, c’est surtout une philosophie de vie. Colorées, gaies, différentes de ce que l’on trouve généralement dans les boutiques madrilènes, les collections font sensation. Kavita continue sur sa (bonne) lancée en proposant, dès 2005, une ligne plus habillée et principalement constituée de robes : Suzie Wong. L’année 2009 est celle de l’ouverture, à Madrid, de « Raasta the Seed », première boutique de la marque avec, en bonus, studio de création et showroom juste au-dessus. C’est également le lancement de Raasta Moustache, une ligne masculine.
Une aventure qui a sans aucun doute encore de beaux jours devant elle.
Rencontre avec Marina Casal, styliste, visiblement très heureuse de faire partie de l’équipe Raasta.
Marina, pouvez-nous nous présenter les marques Raasta et Suzie Wong ?
Ce sont deux marques très différentes. Raasta est une marque destinée à un public plus jeune, plus spécial. Les vêtements sont audacieux. Pour moi, c’est comme un monde magique. On invente une petite histoire, un personnage, et à partir de là, on conçoit toute la collection. C’est comme un micromonde qui change chaque saison. L’atmosphère reste la même mais il y a toujours une nouvelle histoire. Chez Raasta, il y a beaucoup plus d’imprimés. Nous les créons nous-mêmes ; ils sont très colorés. On se concentre beaucoup sur la gamme de couleur; c’est la première chose que l’on choisit, c’est le plus important parce qu’elle est toujours très personnelle. Raasta n’est pas une marque qui vit seule, elle est empreinte de tout ce qui nous plaît dans le monde en général (art, ciné, autres produits); les collections se nourrissent, au fil de leur conception, de toutes sortes de choses.
Suzie Wong est une marque beaucoup plus exclusive. Alors que Raasta est comme une histoire qui évolue petit à petit, Suzie Wong est plus définie. Il n’y a quasiment que des robes, chacune étant traitée comme un bijou. Il y a un grand travail de détail, de broderie par exemple et beaucoup de délicatesse, Raasta est davantage traitée comme une collection, un vêtement menant à l’autre. Chez Suzie Wong, les pièces sont conçues de manière individuelle, chacune appartenant à un monde différent. Raasta est destinée à la vie de tous les jours, à toutes sortes de situations, Suzie aux soirées, aux occasions spéciales.
Combien de stylistes êtes-vous ? Avez-vous tous suivi une formation de mode ?
On est une équipe de trois stylistes. Nous travaillons en étroite collaboration avec Kavita Parmar, la directrice artistique. Oui, on a étudié dans des écoles de mode à Madrid. J’ai étudié à l’Institut européen de Design, Andres et Laura dans une école publique.
Comment s’organise la création ? Est-ce que chaque styliste amène ses propres idées dans le cadre d’un brainstorming ? Ou est-ce que Kavita Parmar impulse un angle d’inspiration que chacun nourrit ensuite de façon personnelle ?
La directrice artistique lance des idées, des thèmes, vient avec le livre d’un peintre, des tissus ou nous parle d’un film qui l’a marquée. Mais tout le monde contribue, chacun amenant des éléments de sa vie personnelle, de ses voyages, de son chez-soi, de ce qu’il voit dans la rue. On fait un brainstorming qui est ensuite sans cesse approfondi, nourri de nouvelles choses. Quand on va voir une exposition, on ramène des cartes postales ou un livre, par exemple. On fait évoluer le thème petit à petit plutôt que de le figer tout de suite.
Une fois l’esprit de la collection choisi, est-ce que chacun se concentre sur une activité spécifique?
Comme on est peu et qu’il y a beaucoup de choses à faire, on s’aide les uns les autres, on travaille beaucoup en équipe. Mais par exemple, pour ma part, je m’occupe plus des imprimés. Une autre personne se charge plus des formes et des silhouettes. Il y a donc des choses plus spécifiques à chacun mais en général on travaille plutôt ensemble.
Comment créez-vous la cohérence entre les différentes pièces Suzie Wong, conçues indépendamment les unes des autres ?
Chaque vêtement est traité de manière très différente mais au départ, nous choisissons quand même un thème, ou du moins une gamme de couleurs pour l’ensemble de la collection. Une pièce peut en inspirer une autre mais ensuite, il y a toujours une nouvelle idée qui amène à autre chose. Raasta est plus linéale.
Où est basée la production ?
On travaille avec plusieurs usines, dont certaines en Inde. Elles réalisent les broderies main. On passe 2 mois par ans là-bas, un pour chaque collection. On y dessine toutes les broderies, les imprimés et on fait de nombreux essais jusqu’à ce que l’on soit satisfaits. Ensuite on va au Portugal, on choisit les tissus, on fait des essais de couleurs jusqu’à ce que l’on arrive aux teintes qui nous plaisent.
Comment percevez-vous Madrid en termes de mode ? Les gens sont-ils réceptifs à une mode qui sort de l’ordinaire ?
A Madrid, la mode originale est dans la rue. Très souvent, les marques espagnoles ne prennent pas trop de risques. Elles sont plutôt classiques. Mais le style des gens dans la rue est moderne. Tout le monde à Madrid dit que Raasta semble ne pas être une marque espagnole. Il y a beaucoup de couleurs, les pièces sont très travaillées ; on n’est pas habitué à ça ici. Il y a quelques créateurs plus audacieux mais les gens ne les soutiennent pas, ils n’achètent pas. En Espagne, c’est assez compliqué. Souvent les gens s’intéressent plus à ce qui vient d’ailleurs qu’à ce qu’ils ont à côté de chez eux.
Dans quels autres pays la marque est-elle présente ?
Elle est distribuée dans 19 pays. Aux Etats-Unis, en Irlande, dans le Nord de l’Europe, en Italie, dans les pays arabes, au Japon. Ça marche bien, on continue à grandir petit à petit. C’est aux Etats-Unis que la marque a le plus de succès : à New York, Los Angeles et Chicago notamment.
Qui sont les clients de Raasta et Suzie Wong ?
Celui qui porte des vêtements Raasta, c’est quelqu’un qui ne veut pas rester dans son coin, qui a une mentalité ouverte, qui n’a pas peur d’essayer des choses nouvelles, même si c’est très long, très court ou très large. Suzie Wong n’attire pas un type de femmes en particulier, les clientes sont plutôt des femmes différentes qui cherchent une tenue pour une occasion spéciale.
Pour finit, pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de la collection printemps/été 2010 de Raasta ?
La collection est inspirée du cirque. Normalement on ne se base pas sur quelque chose d’aussi concret. Mais cette fois, pour l’été on était attiré par quelque chose d’amusant, de gai. On a réuni des livres, des images liées à tous types de cirques, pas à celui qui nous vient automatiquement en tête; des cirques nomades, qui vont de villages en villages dans leur roulotte.
www.raastatheseed.com
www.raasta.com.es
Rasta the Seed
Callejon de Jorge Juan, 12
Madrid
Points de vente en France :
Pearl, 30 rue Gustave Courbet, 75016 Paris
Bulle de Prune, 5 rue Chavanne, 69001 Lyon
Propos reccueillis par Isabelle Huber
Merci à Raquel Pérez Rousselot